Point fort
Un virus très contagieux fait trembler la planète équestre

Alors que la filière équine subit toujours l’impact négatif de la crise sanitaire, elle doit faire face à une nouvelle menace. Plusieurs foyers d’une souche virulente de rhinopneumonie se sont en effet déclarés en Europe.

Un virus très contagieux fait trembler la planète équestre

Mises en quarantaine, cas qui se propagent sur plusieurs continents, vaccins en rupture de stock: une épizootie équine apparue récemment présente d’étranges similitudes avec le coronavirus. «Depuis plusieurs jours, le téléphone n’arrête pas de sonner, on sent l’inquiétude de la part des propriétaires de chevaux», reconnaît Jean-Philippe Mange, vétérinaire chez Sovet, à Senarclens (VD). En cause: un foyer d’herpèsvirose qui s’est déclaré dans le cadre d’une compétition équestre internationale se déroulant en Espagne, fin février. Depuis, les cas en rapport avec la participation à ce concours se sont multipliés, y compris en Suisse. Cette souche concerne la forme neurologique, la plus redoutée, car potentiellement mortelle. La concentration importante de chevaux – on parle de 800 équidés environ – puis leur dispersion dans toute l’Europe ont créé des conditions particulièrement favorables à la propagation du virus. L’angoisse qui s’est emparée de nombre de cavaliers est sans aucun doute exacerbée par le contexte pandémique.

Compétitions à l’arrêt
«La situation actuelle doit être prise au sérieux, mais il n’y a pas de raison de céder à la panique, insiste Charles Trolliet, président de la Fédération suisse des sports équestres. Il n’y a aucun développement incontrôlé dans notre pays. Tous les chevaux suisses qui étaient présents en Espagne ont été identifiés, mis en quarantaine et soumis à des contrôles stricts.»

La Fédération équestre internationale a immédiatement réagi en stoppant toute compétition en Europe de l’Ouest jusqu’à fin mars. Du côté de la Suisse, la décision a été similaire. En outre, chaque centre équestre a pris (ou non) ses propres dispositions. «Comme il ne s’agit pas d’une maladie réglementée à déclaration obligatoire, il n’existe pas de cadre légal pour imposer des mesures», explique Charles Trolliet. La majorité des structures équestres ont néanmoins émis des recommandations pour leurs usagers, nombre de stages et entraînements externes étant annulés. Les déplacements de chevaux devraient être également limités au maximum. «Comme dans le cas du coronavirus, il est important de mettre en place des gestes barrières, recommande Jean-Philippe Mange. La pandémie actuelle nous simplifie la tâche, car la population a désormais bien intégré cette notion. Nous encourageons également notre clientèle à tester ses chevaux en cas d’apparition de symptômes tels que fièvre, diminution de l’appétit, écoulement nasal ou grande fatigue.» Le prélèvement d’un écouvillon nasal permet d’effectuer rapidement un test PCR.

Adopter des mesures d’hygiène
«Du point de vue sportif, ce nouveau coup dur est difficile à encaisser, alors que la Covid-19 avait déjà mis un sérieux frein aux compétitions, admet Michel Sorg, chef d’équipe des cavaliers suisses de l’élite. Nos meilleurs athlètes auraient dû se rendre ce week-end aux Dutch Masters en Hollande, afin de préparer la finale de la Coupe du monde.» Le temps d’incubation étant de 6 à 10 jours, la filière espère néanmoins que la situation se normalise rapidement.

À terme, il est probable que la vaccination soit davantage encouragée, voire rendue obligatoire pour certains groupes de chevaux. «J’espère que cet épisode rendra les cavaliers plus attentifs aux mesures sanitaires de prévention à respecter en tout temps, souligne Franziska Remy-Wohlfender, vétérinaire responsable de la plateforme Équinella, qui a pour objectif la détection précoce de maladies équines. Ne pas se rendre dans une autre écurie avec son cheval s’il présente des symptômes cliniques, utiliser du matériel spécifique pour chaque équidé, mettre en quarantaine un nouvel arrivant et isoler les chevaux malades, tout cela devrait faire partie des réflexes de base à adopter.

 

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): DR

Multiples formes

L’herpèsvirose équine de types 1 et 4 peut se manifester sous différentes formes cliniques: respiratoire, nerveuse et abortive. La forme respiratoire, appelée rhinopneumonie, est la plus fréquente: elle affecte avant tout les jeunes chevaux. La forme nerveuse, rare, peut conduire à une paralysie, avec une issue fatale. Cette maladie très contagieuse se transmet d’un animal à l’autre par aérosol. L’homme, tout comme le matériel, peut servir de vecteur indirect. À noter qu’une majorité des chevaux en Suisse, bien qu’asymptomatiques, sont porteurs du virus. Un stress ou un affaiblissement du système immunitaire peuvent le réactiver et déclencher la maladie. Il n’existe aucun traitement spécifique contre l’herpèsvirose, qui n’est pas transmissible à l’être humain.

Questions à...

Fanny Berruex, vétérinaire à Fiez (VD)

Si je suis propriétaire d’un cheval, dois-je le vacciner immédiatement contre la rhinopneumonie?
Ces derniers jours, ce vaccin est très demandé par notre clientèle, à tel point que de nombreux cabinets, tout comme le fournisseur suisse, sont en rupture de stock. Mais comme on compte au minimum cinq semaines pour que l’immunité soit active, il est trop tard pour protéger son équidé contre ce foyer. En outre, il faut être conscient que la vaccination contre l’herpès n’offre pas une protection totale. Il diminue certes la sévérité et la durée des symptômes, ainsi que la propagation du virus, mais n’empêche pas l’animal de tomber malade. À ce stade, d’autres mesures de prévention, comme les mesures d’hygiène et le renoncement aux déplacements, sont beaucoup plus pertinentes.

Serait-il néanmoins judicieux qu’à l’avenir la population équine soit davantage immunisée?
Actuellement, la majorité des chevaux ne sont pas vaccinés. Seuls les éleveurs sont sensibilisés à ce virus, qui peut causer des avortements, tout comme les propriétaires de chevaux de course, le vaccin étant obligatoire pour eux. Cependant, avec cette maladie, nous devons raisonner en termes d’immunité collective, et non individuelle: plus le nombre d’équidés vaccinés est important, plus la protection est efficace. Il faudrait donc non seulement vacciner les chevaux à risque – juments gestantes, jeunes chevaux, équidés se déplaçant fréquemment – mais également tous ceux qui sont en contact avec eux. Néanmoins, le fait que les rappels aient lieu tous les six mois représente un frein pour nombre de propriétaires.