Rencontre
De footballeur à boucher, les mille de Dany, le cow-boy du Jorat

Guide de randonnées à cheval, Daniel Dubois est tombé amoureux des équidés et de la monte western après une première carrière de sportif amateur. Il est aussi employé communal de son village et artisan.

De footballeur à boucher, les mille de Dany, le cow-boy du Jorat

En vrai cow-boy, Dany reçoit au saloon. Au fond de son écurie de Corcelles-le-Jorat (VD), il a bâti son repaire, le coin où il aime retrouver ses amis. Stetson en cuir sur la tête et regard bleu perçant, l’homme de 52 ans affiche une silhouette à la Terrence Hill, la queue-de-cheval en plus. Au mur, des clichés de ses montures, un crâne de bovin, des bouteilles de whisky calées sur une étagère. Il nous invite à prendre place au bar, sur une selle western qui fait office d’assise. Ambiance grandes plaines américaines au cœur du Pays de Vaud. «Tout le monde prend un café?» lâche alors notre hôte dans un accent du cru. La région du Jorat, Dany – Daniel Dubois sur le passeport, «mais plus personne ne m’appelle comme ça» – en a exploré tous les recoins à cheval.

 

Coup de foudre grâce à Terre&Nature

Depuis plusieurs années, il emmène les cavaliers et leurs montures randonner dans ces bois qui s’étirent sur près de 40 km², le plus grand massif forestier d’un seul tenant sur le Plateau suisse. Avec un concept à l’image du personnage: à la fois aventurier et généreux. «Les balades durent entre quatre et six heures, hors des sentiers battus. Chaque excursion se termine par une fondue au saloon l’hiver et des grillades autour du feu l’été.»

Fin du café. Il faut y aller. La lumière du matin promet une séance photo inoubliable, annonce le photographe. Dany revêt ses chaps à franges et part chercher Tango. Leurs routes se sont croisées il y a quatre ans, par une petite annonce publiée dans Terre&Nature. «Son ancienne propriétaire n’en voulait plus. Quand on s’est vus, ça a été une évidence», esquisse Dany en se mettant en selle. Le hongre de 22 ans est un criollo argentin. Le franches-montagnes d’Amérique du Sud, 1m55 au garrot, un cœur énorme, un animal robuste qui ne craint ni les rivières ni les terrains escarpés. En l’observant un instant, on lui trouve une placidité aux antipodes du tempérament volubile de son cavalier. La théorie des opposés qui s’attirent vaudrait-elle aussi pour les humains et leurs montures? Ensemble, ils ont déjà parcouru des milliers de kilomètres. «À cheval, on perçoit la nature différemment. La faune ne craint pas les équidés. On croise des chevreuils, des biches, des oiseaux. Tout est si paisible de là-haut…»

 

Boucher de formation

Monter offre également l’occasion à Dany de ralentir cette vie menée au grand galop. Car, la semaine, le cow-boy cumule deux autres métiers: employé communal de son village et boucher de campagne indépendant. «Avec mon associé, nous travaillons pour quelques paysans de la région. Les bêtes sont abattues à Ropraz, à deux pas d’ici.» Une structure de taille modeste qui garantit un travail «propre», tient à rappeler l’artisan. «Évidemment, l’issue est la même que n’importe où ailleurs, mais les petits abattoirs permettent au moins d’accompagner les animaux avec calme dans leurs derniers instants.» Avis aux amateurs, Dany ne tient pas de magasin; toutes ses préparations sont réalisées sur commande dans son local de Corcelles-le-Jorat. Sa clientèle le connaît surtout pour ses plateaux de fondues bressane et bourguignonne, ses tartares et ses côtes de bœuf rassises quatre à cinq semaines. «Après mon apprentissage, j’ai commencé comme salarié dans une boucherie lausannoise, avant de développer mon activité d’indépendant en parallèle. Je suis devenu père à l’âge de 20 ans, j’avais un petit salaire, c’était un moyen de mettre du beurre dans les épinards», dit aujourd’hui ce fier grand-papa d’un garçon de 4 ans. «J’ai adopté deux poneys pour qu’on puisse partager cette passion ensemble», se réjouit-il.

 

Doublure de Vincent Veillon

Son premier contact avec les équidés remonte aussi à l’enfance. «C’était en vacances, lors d’une balade aux Saintes-Maries-de-la-Mer, en Camargue.» Près de trente ans s’écouleront pourtant jusqu’à ce qu’il se remette en selle. «J’ai été longtemps féru d’autres sports. D’athlétisme, de VTT, de course à pied, je courais Sierre-Zinal et Morat-Fribourg. Ça occupait tout mon temps.» Mais sa grande passion, c’était surtout le football. Il a fait ses débuts sur les terrains du FC La Sallaz, avant d’intégrer l’équipe de Chavannes-Renens, d’abord en junior A élites, puis en troisième ligue. «J’ai même eu la chance de jouer trois minutes en ligue B», sourit l’ancien latéral. Il finira par troquer les crampons pour les éperons à la fin de la trentaine, initié par son beau-père, adepte de monte américaine. Aujourd’hui, les terrains ne lui disent plus rien, même de loin. «Il faut vraiment un bon match de Ligue des champions avec Liverpool ou une rencontre à enjeu de l’équipe de Suisse pour me faire vibrer.»

Un dernier galop dans la neige et la prise de vue est terminée. Il y a quelques mois, Dany a doublé Vincent Veillon dans une séquence de l’émission 52 minutes, sur RTS Un. «Le tournage avait lieu dans le Jura, c’était assez génial de vivre ça de l’intérieur.» Mais le quinquagénaire nourrit surtout l’ambition de chevaucher un jour les grandes plaines des États-Unis: «Galoper dans cette immensité, ça doit être unique.» Le rêve américain de tout cow-boy, évidemment.

Texte(s): Aurélie Jaquet
Photo(s): François Wavre/Lundi13