Tradition
Avec leurs décors grandioses, les rois de la crèche font merveille

Concevant chaque fin d’année de vastes décors pleins de vie autour du thème de la Nativité, quatre Romands nous parlent de cet art si particulier qui attise la curiosité de centaines de visiteurs durant l’avent.

Avec leurs décors grandioses, les rois de la crèche font merveille

Ils travaillent avec du bois, du carton, de la terre cuite ou du liège. Ils sculptent, bricolent, peignent, fabriquent des mécanismes électriques et mettent en scène des centaines de personnages. Tous créateurs de crèches, Maurice Bianchi, Damien Chatton, Lorenzo Catenazzi et Maurice Montavon ont en commun beaucoup d’ingéniosité, de patience et d’imagination. Mais l’origine de leur fascination pour cet univers de Noël est différente pour chacun.

 

Avec le cœur

Pour le Fribourgeois Damien Chatton, tout est parti d’une histoire d’amitié. «On a commencé à faire chaque année une tournée des crèches avec des copains, raconte-t-il. Un jour, je me suis dit que je pourrais aussi en réaliser une. J’ai débuté petit, dans mon salon. C’était très archaïque, mais de fil en aiguille, mon père, un autre créateur et deux électriciens se sont greffés au projet. Notre crèche a fini par atteindre 20 m2 et attirer des centaines de curieux. N’ayant plus la possibilité d’accueillir tout ce monde chez moi, j’ai exposé d’abord à l’église d’Ecuvillens (FR) en 2010, et, depuis 2013, à l’école de Posieux (FR).» Aujourd’hui, ce qui était un hobby entre amis est devenu une tradition familiale que Damien Chatton partage avec ses deux enfants et sa femme. Chaque version de «la crèche à Dam’s» est différente. Il commence le montage en octobre, sans plan – à l’instinct, comme il dit. Et finit par faire vivre plus de 700 personnages dans un décor de mousses et branches naturelles, doté de bâtiments aux vrais vitraux, d’un moulin à eau et de deux étangs poissonneux.

Pour d’autres créateurs, c’est une rencontre qui leur a donné le feu sacré. Coach de fitness, le Vaudois Lorenzo Catenazzi a ainsi été impressionné, en 1996, par une vaste crèche motorisée sur les hauts de Vevey (VD). Son concepteur, le garagiste Sica Onofrio, lui a alors expliqué comment fabriquer un décor avec du liège, qui se sculpte au cutter, au pistolet à souder et au ciseau à bois. Depuis 2005, Lorenzo Catenazzi travaille sur une grande crèche d’inspiration napolitaine, intégrant des ruines romaines au décor. Contrairement à ses compères, il ne la présente que rarement au public. «Certaines personnes ont besoin de faire des puzzles ou de la poterie pour s’évader, explique-t-il. Moi, je réalise des constructions en liège, auxquelles s’ajoutent des matériaux de récupération comme du carton, du bois et de la mousse». À base de pigments naturels, la peinture vise à faire ressortir les couleurs. Perfectionniste, il ne compte plus les heures dédiées à son hobby. «Je travaille avec le cœur, poursuit le coach. Sans cette inspiration-là, on ne peut pas faire quelque chose de beau.»

 

Des créations uniques

Misant pour leur part sur l’originalité, Maurice Bianchi (photo) et son amie Crea Calame ont su se démarquer grâce à leur ouvrage d’une taille spectaculaire de 200 m2, exposé au temple des Éplatures à La Chaux-de-Fonds (NE). «La grande dimension de notre crèche et le fait qu’elle sollicite les cinq sens permettent aux personnes malvoyantes de découvrir aussi ce monde particulier», indique l’artisan. L’ouïe est stimulée par le bruit des fontaines et des moulins qui grincent, l’odorat par des huiles essentielles et le parfum de la mousse… et le goût par des apéritifs organisés sur place. Tout ce qui est à portée de main peut être touché. L’ouvrage représente un impressionnant village qui évolue au fil des jours. «Nous imaginons toujours de nouvelles scènes de la vie quotidienne pour la rendre vivante. Ce qui nous anime, ce sont les émotions des visiteurs. Nous voulons redonner un autre sens à Noël, qui est devenu un peu trop commercial.» Depuis 2010, Crea Calame et Maurice Bianchi travaillent ainsi ensemble sur cette crèche de plus de 1000 personnages en terre cuite, qui a déjà fait le tour de la Suisse romande.

Quant au Jurassien Maurice Montavon, il a profité de son ancien métier pour donner vie à son ouvrage. Ce garagiste à la retraite a intégré 90 moteurs dans sa crèche. Du forgeron au bûcheron, en passant par le petit Jésus, les personnages dansent dans une cadence mécanique, un jeu de lumière faisant s’alterner le jour et la nuit. Ces animations uniques en Suisse, il les a construites tout seul pendant cinq ans, en récupérant des moteurs italiens. Les santons, eux, viennent de Provence. C’est de son oncle que l’artisan tient cette passion pour les crèches. Jardinier dans un couvent en Italie, il lui en avait fait visiter une magnifique. Installée sur 30 m2 à Montavon, la sienne rencontre chaque mois de décembre un franc succès. «En raison de la pandémie, on a malheureusement dû renoncer à accueillir des visiteurs cette année. Mais d’ordinaire, les homes et les écoles de la région viennent régulièrement découvrir ma crèche, sourit le mécanicien. L’entrée n’est jamais payante, c’est une passion que je partage!»

Texte(s): Mattia Pillonel
Photo(s): Guillaume Perret/DR

Questions à Raoul Blanchard, vice-président de l’Association suisse des Amis de la Crèche

D’où vient cette tradition de la crèche de Noël?

Essentiellement des couvents, qui confectionnaient des figurines en cire exposées dans des caissons en verre. On appelait cela des «petits paradis». C’était très populaire dans les cantons catholiques. À partir du XIXe siècle, suivant l’interdiction de présenter les crèches dans des lieux publics, la tradition s’est perpétuée en privé, dans les familles, où elle s’est liée avec le sapin, qui est plus emblématique du mouvement reformé.

Pourquoi les crèches ont-elles toujours autant de succès?

Elles ont le pouvoir de rassembler. D’une part, c’est un symbole qui dépasse les aspects purement religieux liés à la célébration de Noël. Sans être croyant ni chrétien, on peut être curieux de découvrir ces créations d’exception. D’autre part, elles évoquent une forme de théâtre. Les crèches placent la naissance du Christ dans un monde vivant qui foisonne d’éléments, de maisons, de personnages. Je crois que ce que l’on traverse depuis deux ans renforce le besoin d’un symbole de vie et de lumière pour ces fêtes de fin d’année.

+ d’infos www.krippen.ch