Reportage
Les oies de pâturage font le bonheur des éleveurs comme des gourmets

Aux portes du Parc naturel du Gantrisch (BE), Susanne Hostettler a opté pour la filière des oies de pâturage. Cette production extensive valorise les prés qui entourent sa ferme pluricentenaire.

Les oies de pâturage font le bonheur des éleveurs comme des gourmets

Une pluie intense arrose abondamment ce jour-là la région bernoise. De quoi décourager quiconque de s’aventurer à l’extérieur. Pourtant, dans un vaste pré, des volatiles semblent particulièrement à leur aise. Certains se baignent même dans des bassins prévus à cet effet. «Ce sont des oies de Dithmarscher, une race typique d’engraissement. Elles adorent l’eau», s’enthousiasme Susanne Hostettler, de Mittelhäusern (BE). Ces anatidés d’une blancheur immaculée se déplacent en troupeau ici et là dans la prairie verdoyante, cacardant de concert dès qu’un bruit les effraie. Farouches, elles ne se laissent guère approcher.

«Lorsque mon beau-père a arrêté de traire les vaches, nous avons cherché une branche dont je pouvais facilement m’occuper seule», explique la quadragénaire. L’agricultrice s’est donc lancée dans la production d’oies voilà une dizaine d’années, inspirée par un voisin qui en détenait. «Même si la vie de ces animaux est courte, il me tenait à cœur que leur bien-être soit respecté au maximum.» Ses volailles sont donc élevées de manière extensive, selon le label «oies de pâturage». Celui-ci implique notamment une sortie quotidienne en plein air et une alimentation basée principalement sur l’herbe fraîche. En raison de l’exercice en extérieur, la viande s’avère particulièrement tendre et goûteuse, peu grasse, faisant le régal des amateurs.

Remanier les parcs
Mi-juin, les poussins arrivent du nord de l’Allemagne. Le premier mois est intense, puisqu’ils doivent être surveillés lors de leurs sorties, afin de les protéger contre les rapaces et autres prédateurs, comme le renard. «Je les gardienne alors durant plusieurs heures par jour», relève Susanne Hostettler. À partir de l’âge d’un mois, les jeunes passent la journée seuls et sont rentrés chaque soir. Six mois en moyenne seront nécessaires pour les amener à leur poids final d’engraissement. «Si cette période semble courte, elle est en réalité beaucoup plus longue que celle pratiquée à l’étranger dans les élevages industriels», note la Bernoise.

À part une poignée d’orge produite sur le domaine, l’alimentation est composée exclusivement de l’herbe du pâturage. «Les oies l’apprécient uniquement lorsqu’elle est jeune et courte (ndlr: chaque individu en avale quotidiennement près de 1kg). Presque tous les jours, je dois donc remanier les parcs, afin de leur permettre d’accéder à une nouvelle surface. La mise en place de clôtures tout comme la surveillance me demandent énormément de temps.»

On compte en moyenne un hectare de pâturage pour 100 oiseaux. Actuellement, la grippe aviaire lui laisse du répit, mais l’exploitante craint le retour de mesures de confinement. «L’année passée, nous avons dû garder les oies plusieurs semaines à l’intérieur. C’était difficile, car elles sont habituées à disposer d’un espace beaucoup plus vaste. Et la question de l’alimentation était un casse-tête, vu que ces animaux n’acceptent pas de s’alimenter avec de l’herbe coupée.»

Fin d’année chargée
Tout prochainement, les oies seront abattues, avant de garnir la table de Noël. La production est en effet saisonnière, cette viande étant considérée comme un plat de fête, qui se déguste principalement lors de la Saint-Martin mi-novembre ou en fin d’année. «Cette tradition est plus vivante auprès des gens avec des racines allemandes ou autrichiennes, bien que des Suisses apprécient de plus en plus ce mets rare», se réjouit l’exploitante.

Si les premières commandes ont été passées en septembre par les habitués, il reste encore quelques sujets disponibles. «J’écoule la majeure partie via l’association Weidegans, qui livre à la grande distribution, et le reste en vente directe. On compte en moyenne une oie pour cinq à huit personnes.» Quant aux plumes, recherchées en raison de leur qualité, elles sont traitées par une entreprise spécialisée afin de garnir duvets et coussins.

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): Véronique Curchod

Une filière confidentielle

Une quarantaine d’exploitations de notre pays produisent des volailles selon le label «oies de pâturage», donc quelques rares éleveurs en Romandie. L’association, créée en 2013 en Suisse allemande, regroupe les exploitants, qui doivent respecter un cahier des charges précis pour bénéficier de cette appellation. Celle-ci garantit l’authenticité et la qualité de la viande auprès des consommateurs. L’association accompagne les nouveaux intéressés en les formant, groupe les commandes de poussins et aide également à la commercialisation en centralisant les demandes de la grande distribution. Le marché reste pour l’instant assez confidentiel, peu de consommateurs ayant l’habitude de ce mets, moins connu que la traditionnelle dinde de Noël. Les paysans contactés assurent cependant ne pas avoir de difficulté à écouler leur production. Pour les éleveurs, les soucis qui peuvent se poser concernent avant tout la gestion des prédateurs en journée, selon l’emplacement de la ferme.

+ d’infos www.weidegans.ch

En chiffres

  • 1500, l’année du début de la construction de la ferme, une des plus anciennes du canton de Berne.
  • 10 hectares de grandes cultures et pâturages. Des baies d’aronia, de framboise et de camerise sont produites pour être transformées, entre autres, en jus et confitures.
  • 140 oies de pâturage, ainsi que 140 dindes et des bovins d’engraissement dexter.
  • De 150 à 180 francs, le prix de vente d’une oie pesant en moyenne 8 kg (poids vif);
  • 35 francs par kilo de viande.
  • 1 magasin de vente directe.