Reportage
À Weiningen, les cochons de prairie se vautrent dans le bien-être

En 2008, le Zurichois Fabio Müller créait le projet Mein Schwein – un élevage franchisé de porcs en plein air confié à des agriculteurs. Gödi Werffeli est l’un d’entre eux; il s’est lancé dans l’aventure en 2017.

À Weiningen, les cochons de prairie se vautrent dans le bien-être

À l’aise sur leur pré de 7000 m2, ils fouissent, grognent, se bousculent pour boire à l’abreuvoir, mordillent les chaussures du visiteur – ou se prélassent dans leur cabane de tôle ondulée ou sous l’abri ombragé aménagé au milieu de la parcelle. Certains sont là depuis septembre – en atteste la pâture, largement labourée sur une grande partie de sa surface – et seront prêts à l’abattage d’ici à une quinzaine; d’autres, arrivés en avril, gambadent comme les joyeux petits gorets qu’ils sont encore.

La collaboration, clé du concept
«Élevés en plein air, les cochons adoptent naturellement un comportement très grégaire et social dans leur quotidien», observe Fabio Müller. «Mais ils montrent aussi de grandes différences de caractère d’un individu à l’autre», précise Gödi Werffeli.

Le premier a lancé le projet Mein Schwein («Mon cochon») il y a près de quinze ans déjà. Le concept? Il fournit les porcs – des croisements issus de porcs blancs et de duroc, oscillant entre la moitié et les deux tiers du capital génétique de cette dernière race, reconnaissable à son court pelage couleur rouille – ainsi que les infrastructures nécessaires à leur élevage en prairie (cabanes, clôtures, etc.), et le fourrage complémentaire indispensable. Quant aux éleveurs participant au projet, ils s’occupent de l’entretien journalier des animaux.

«Je suis responsable de l’abattage et de tout ce qui a trait à la commercialisation de la viande, essentiellement par quartiers de 17kg débités en différents morceaux et vendus par le biais de notre site web meinschwein.ch, explique Fabio Müller. Mais il s’agit dans l’ensemble d’un travail en commun avec les éleveurs.»

Actuellement, cinq exploitations agricoles, toutes situées dans le canton de Zurich, constituent le réseau de Mein Schwein. Comme ses collègues, Gödi Werffeli s’est lancé par intérêt, et parce que l’élevage porcin en plein air s’ajuste pleinement à la philosophie de son exploitation, basée sur la vente directe de la viande de vaches allaitantes bénéficiant des meilleures conditions de bien-être animal. «Disposer de surfaces fourragères et être en mesure de garantir des rotations efficaces avec les pâtures est l’un de nos critères fondamentaux pour recruter des éleveurs, détaille Fabio Müller. L’autre élément prépondérant étant la visibilité des prairies affectées aux cochons: les parcelles doivent jouxter des chemins de passage, afin que les clients potentiels aient le loisir de s’assurer par eux-mêmes du bien-fondé de cette pratique. Et cela tient lieu de vérification permanente du «label plein-air».

Un travail peu exigeant
Chez les Werffeli, dix à vingt animaux viennent prendre pension, quatre à cinq fois par an; les abattages ont lieu en avril, à la fin mai, en juillet et en septembre. «Soit une quarantaine de porcs l’an passé», compte Gödi. Celui-ci achète à prix préférentiel quelques quartiers à Mein Schwein, pour les vendre au détail dans le magasin en libre-service de sa ferme.

«Les cochons de plein air exigent peu de travail, même s’il faut absolument éviter de les laisser seuls au pâturage sans visite quotidienne, que l’on intègre facilement au roulement des autres tâches dans le domaine, note encore l’agriculteur. Les problèmes liés à la détention en grands groupes confinés dans un espace clos et restreint, telles les escarres que les porcs développent à force d’être couchés sur le même flanc, n’existent tout simplement pas, et on n’a jamais dû faire venir le vétérinaire. En cinq ans, on a eu un seul décès parmi nos animaux.»

Ni lui ni Fabio ne redoutent particulièrement une éventuelle contamination à la peste porcine africaine sévissant outre-
frontière, par des sangliers qui entreraient en contact avec un troupeau. «Chaque pâture est entourée d’une double clôture dont un fil électrifié, souligne l’entrepreneur. Le plus grand risque serait qu’un cas affectant d’une façon ou d’une autre un élevage traditionnel incite les autorités à prendre des mesures restrictives pour le plein air.»

D’ici quelques semaines, il sera temps de procéder à la rotation, après en avoir prélevé le lisier abondant pour fertiliser ses parcelles. Une culture d’automne succédera à la pâture, tandis que les cochons s’installeront sur une prairie fraîche. «Je n’aurais pas pensé retirer autant de plaisir de cet élevage, conclut l’agriculteur. Et mes deux filles de 1 et 7 ans adorent venir voir «leurs» cochons!»

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Blaise Guignard

L’élevage en plein air, une exception

Sur le site internet meinschwein.ch, Fabio Müller affirme avec humour avoir créé son projet «parce qu’il était à la recherche d’un cadeau de mariage original». Ce designer de formation connaît pourtant son sujet– et sait qu’il occupe, certes à une échelle assez modeste, un créneau encore largement minoritaire. «Le plein air représente moins de 1% de l’élevage porcin total en Suisse, indique-t-il. L’image bucolique utilisée par la communication des grands distributeurs et des marques ne correspond tout simplement pas à la réalité. Et si la viande de porc est encadrée par une vingtaine de labels, le plus strict d’entre eux, le Bio Bourgeon, prescrit une surface totale de 1,65 m2 par animal, contre 90 cm2 dans l’élevage traditionnel, la surface de repos étant de 60 cm2 dans les deux cas. Pour un cochon élevé par notre filière, l’aire de repos est la même, mais la surface totale par animal atteint 300 m2.» Selon lui, le potentiel de ce mode d’élevage est encore presque intact – si les consommateurs en perçoivent l’intérêt. «La visibilité pour le public fait partie intégrante de notre concept, mais chacun devrait aussi visiter une porcherie pour se faire une idée», fait-il remarquer.

En chiffres

27 cochons de prairie.

1 dizaine de vaches allaitantes.

1 pension pour chevaux.

30 hectares de cultures, essentiellement fourragères.

2,5 hectares de vignes.

+ d’infos bauernhof-werffeli.ch