Reportage
Les chiens de protection agréés sont garants d’un travail efficace et sûr

Afin de veiller sur leurs troupeaux, nombre d’exploitants optent pour des gardiens à quatre pattes. Mais pour obtenir un cerbère subventionné, une formation s’avère obligatoire. Agridea a récemment donné un cours.   

Les chiens de protection agréés sont garants d’un travail efficace et sûr

Pour faire face à la menace du loup, de nombreux propriétaires de cheptel ovin ont choisi un chien de protection des troupeaux (CPT). Si chacun peut acquérir un animal par des voies privées, le recours à un vigile à quatre pattes agréé par l’Office fédéral de l’environnement a déjà convaincu quelque 140 exploitants. Au total, 300 chiens (berger des Abruzzes ou montagne des Pyrénées) dûment formés ont ainsi été engagés, et une centaine sont en cours d’élevage avant d’être placés vers l’âge de 15 à 18 mois.

Un statut juridique spécial
«Les demandes qui nous parviennent sont en hausse, relève François Meyer, collaborateur scientifique pour la protection des troupeaux à Agridea. Disposer d’un chien opérationnel dès sa mise au travail dispense de faire son éducation, d’autant qu’il ne sera pleinement efficace que vers 2 ans. L’autre atout tient à son statut juridique spécial, défini par des dispositions de droit fédéral reprises et précisées par les législations cantonales.» Un chien agréé donne droit à une subvention initiale couvrant le 80% du coût de sa formation, «ce qui nous permet de vendre chaque CPT au prix unique de 1200 francs», explique le biologiste. Ensuite, une allocation annuelle de 1200 francs est versée, à laquelle s’ajoute un forfait allant jusqu’à 2000 francs si le troupeau est gardé par un berger.

L’aspect financier n’est pas le seul à plaider en faveur d’un Securitas canin officiel. «Contrairement à un chien non issu du programme, la loi ne l’oblige pas à être en permanence sous la surveillance de son maître, explique François Meyer. En cas de problème, ce dernier est donc juridiquement protégé.» De fait, obtenir un chien reconnu implique aussi des obligations.
Il s’agit tout d’abord de remplir les conditions requises. «Il y a quatre critères, résume le spécialiste. Le premier est le risque de prédation, évalué de très faible à élevé; le deuxième est l’importance économique du troupeau, le troisième est la possibilité de recourir prioritairement à des mesures techniques comme la pose de clôtures, et le dernier tient à l’utilité du CPT dans un cas particulier. Elle doit être efficace et raisonnable.» Les préposés cantonaux à la protection des troupeaux communiquent aux intéressés une check-list d’une vingtaine de questions détaillant ces modalités.

Mieux vaut un troupeau compact
Le cours théorique donné par Agridea constitue la deuxième étape. En Romandie, il est offert deux fois par an par François Meyer et d’autres intervenants spécialisés. «Ensuite, les experts se rendent sur l’exploitation et vérifient que l’agriculteur a pris les mesures nécessaires pour garantir la réussite du placement, en matière d’efficience, de bien-être animal et de sécurité.» Le premier point tient essentiellement à la compacité du troupeau: sur un pâturage libre, sans berger ni clôture, «le travail du chien serait vraiment compliqué, à moins d’un troupeau au comportement très grégaire et d’une présence physique très régulière de son propriétaire». Idem pour un pâturage tournant; l’idéal est que le troupeau soit gardé par un berger qui assure à la fois sa compacité et veille sur le chien.

Mais un CPT n’est (évidemment) pas qu’un cerbère élevé dans des conditions optimales de façon à exprimer pleinement sa capacité innée à la protection. «Lors de la visite préalable à l’exploitant, on vérifie que son cadre de travail est conforme à ses besoins, y compris en hiver, où il doit bénéficier d’un tiers d’hectare d’aire de sortie ou, à défaut, profiter de balades quotidiennes avec son détenteur.» Durant cette saison, le chien doit en outre avoir accès à autant d’animaux que possible pour établir un lien avec eux: seul un mouton connu suscitera chez lui un comportement protecteur. «Un lien triangulaire dont chaque sommet est clairement identifié se met en place entre lui-même, le troupeau et son référent», synthétise François Meyer.

C’est également durant cette visite préalable que les questions de sécurité sont analysées. «À part la signalisation obligatoire avertissant les promeneurs, il peut y avoir lieu de renoncer à l’utilisation de certains pâturages, d’en reculer les clôtures par rapport à un chemin de passage ou au contraire de fermer momentanément celui-ci, le Canton prenant ensuite les mesures nécessaires avec les associations de randonnée», précise le spécialiste.

Précautions à respecter
Cette année de préparation est cruciale, insiste-t-il. D’autant plus que ce n’est pas un chien, mais deux au minimum qui vont bientôt entrer en fonction. «Leur instinct de meute les pousse à la collaboration! Nous en plaçons donc en général deux pour un troupeau jusqu’à 500 bêtes, trois à quatre pour 1000 et jusqu’à six pour 2000 moutons. Mais même dans ce cas, on commence toujours par deux CPT; ceux-ci vont progressivement adapter leur travail à leur nombre.»

Reste qu’on ne peut totalement éliminer les aléas survenant à l’alpage, en particulier les risques de conflit avec les autres utilisateurs du domaine naturel tels les randonneurs et cyclistes. Pour ces derniers, les précautions à respecter sont essentielles: contourner le troupeau, rester calme, s’arrêter si le chien réagit, renoncer à être accompagné de son propre compagnon à quatre pattes sur les zones protégées (répertoriées sur les cartes de Suisse Mobile et les sites protectiondestroupeaux.ch et map.geo.ch). «Un passage réitéré de VTT à grande vitesse à côté du parc peut devenir insupportable pour un CPT, relève François Meyer. Ce genre de problème est en principe traité en amont par le Service de protection des troupeaux, qui tente de le régler en éloignant la clôture du chemin concerné ou en segmentant la parcelle limitrophe pour raccourcir la possibilité de contact. Sinon, le comportement du chien sera de plus en plus difficile à corriger.»

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): François Meyer/ DR

Questions à...

Elias Pesenti, inspecteur cantonal de la chasse, Fribourg

En 2021, Fribourg n’a connu qu’une attaque de loup. Est-ce parce que ce grand carnassier n’est pas établi dans le canton ou est-ce grâce à une protection efficace des troupeaux?
Un peu des deux! Les grands prédateurs font l’objet d’un suivi attentif de notre service, qui diffuse ensuite l’information. Un groupe de travail réunissant les instances concernées (faune, agriculture, vulgarisation agricole, service vétérinaire, tourisme) traite les demandes de mesures sur des alpages, à l’interne, puis avec les propriétaires des troupeaux lors d’une visite.

Au fait, pourquoi n’y a-t-il pas de loup à demeure sur Fribourg?
On ne sait pas. Le territoire est en soi très favorable, et cet animal a des capacités d’adaptation phénoménales. Après un premier retour en 2007, un couple avait eu des petits, mais les deux parents ont été empoisonnés en juin 2017. Depuis, on n’a constaté que des individus de passage, y compris le responsable de l’attaque recensée l’an dernier.

Malgré tout, il faut se tenir prêt?
Bien sûr. On a continué à accroître le niveau de sécurité des estivants, notamment en essayant de faire changer les mentalités: laisser 1000 moutons seuls à l’alpage, sans berger et sans autre protection, n’est désormais plus une option durable.