Reportage
Visite de la chocolaterie artisanale où des lapins à croquer prennent vie

À Noiraigue (NE), les artisans de Jacot Chocolatier confectionnent du matin au soir des délices cacaotées pour Pâques. Agrémentés d’épices, de framboise ou de riz soufflé, ils ravissent les papilles des petits et des grands.

Visite de la chocolaterie artisanale où des lapins à croquer prennent vie

On ne peut s’empêcher de sourire en respirant les effluves s’échappant de la chocolaterie Jacot au petit matin. En franchissant son seuil, on retombe en enfance, émerveillé de voir le chocolat coulant devenir de brillants petits lapins entre les mains des artisans. À la tête de l’équipe, le maître chocolatier Blaise Descombes veille à ce que les pastilles de chocolat, élaborées avec du cacao criollo d’Amérique centrale, fondent parfaitement.

Mélangées à de la poudre de lait suisse, elles deviennent un succulent chocolat liquide servant de base aux créations du jour. «On a choisi de travailler avec la Rolls des cacaos, explique cet artisan, qui bénéficie de 36 ans d’expérience dans les créations chocolatées. Les goûts changent, les chocolats de caractère, plus ou moins corsés, ont aujourd’hui la cote. Mais quand il s’agit de façonner des lapins, on préfère utiliser celui au lait. Il plaît davantage aux jeunes palais.» Autour de lui, quatre employés travaillent sans relâche. À peine les fêtes de fin d’année passées, ils se sont mis à confectionner les friandises pascales, Pâques arrivant particulièrement tôt cette année. Depuis un mois, les boutiques sont approvisionnées en lapins confectionnés entièrement à la main. Actuellement, les chocolatiers sont à l’œuvre six jours sur sept.

Un héritage de Suchard
Il n’est pas rare que le maître chocolatier commence sa journée à 3 h 30 du matin. La journée débute par la décoration des moules au pinceau. Les yeux sont peints en chocolat blanc, comme les nœuds papillon ou les autres coquetteries égayant petits et grands lapins. «Nous avons repris ce modèle, qui a été initialement conçu par Suchard, à la suite de sa fermeture, raconte Blaise Descombes. Les moules datent des années 1950, on leur donne ainsi une seconde jeunesse tout en conservant en même temps une partie du savoir-faire neuchâtelois.»

La deuxième étape du processus s’appelle en terme professionnel le tablage. Elle est cruciale. Il s’agit de faire fondre le chocolat trois fois afin de lui donner son brillant, son fondant et son craquant. D’abord entre 45 et 50 degrés, puis à une température de 28 degrés avant que cette dernière soit remontée à 31 degrés. Ce n’est qu’ensuite que les artisans peuvent donner vie à cette soyeuse matière. «Cette opération permet aux différents cristaux du beurre de cacao de cristalliser parfaitement, détaille le maître chocolatier. À ce moment-là, on peut donner de la brillance au chocolat, la teneur en cacao du mélange jouant aussi un rôle. Si le chocolat est mat, cela signifie que sa teneur en sucre est importante.»

Une fois à la température idéale, le liquide brun clair est versé, à bout de bras, dans les moules. L’opération, répétitive, est physique à voir les muscles de l’artisane qui les remplit les uns après les autres, sans interruption. Une couche de cacao tapisse les moindres recoins du moule, de la pointe des oreilles à l’extrémité de la queue en forme de pompon. Parfois, l’artisan choisit de saupoudrer du riz soufflé, du caramel fleur de sel ou du jus de framboise lyophilisé réduit en poudre dans le moule, avant qu’une seconde couche de chocolat ne nappe le tout. «On appelle cela le feuilletage, signale Blaise Descombes. Il nous permet de nous différencier des produits de grandes surfaces. D’ailleurs, sous les pattes de nos lapins, il n’y a pas de ligne. Ce qui signifie qu’ils sont coulés en une seule pièce et non pas en deux parties qui seront ensuite assemblées.»

Une heure au froid
En rangs serrés, les lapins tout juste moulés sont ensuite amenés en chariot dans la chambre froide. Ils y resteront entre une heure et une heure et demie, le temps que le chocolat se rétracte de quelques millimètres, ce qui facilite le démoulage. «Une fois sortis de leur carcan, ils sont stockés dans une pièce sans lumière, à une température de 18 degrés et une humidité de 50%, précise Blaise Descombes. Le chocolat est un produit sensible dont le goût peut vite s’altérer.» Exposé à la lumière, le beurre de cacao a tendance à rancir, ce qui lui donne un goût de carton, «que beaucoup associent à tort avec la saveur d’un lapin de Pâques», déplore l’artisan. Si les créations de Jacot sont livrées quelques jours seulement après leur fabrication, dans les grandes surfaces, il arrive que certains chocolats aient été façonnés un an plus tôt.

Les friandises sont soigneusement emballées à la main dans l’arrière-salle avant de rejoindre les rayons des boutiques. Quant aux invendus, ils raviront les papilles des pensionnaires de homes et d’orphelinats de la région, afin d’apporter un peu de douceur et de plaisir en période pascale.

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Guillaume Perret/Lundi 13

L’artisan Blaise Descombes

Le chocolat, travaillé en truffes, en lapins ou en plaques, n’a pas de secret pour le maître chocolatier Blaise Descombes. Depuis trente-six ans, ce fils de confiseur confectionne ces gourmandises pour Jacot Chocolatier. Cette ancienne boulangerie villageoise, créée en 1949 par Marcel Jacot, est devenue une chocolaterie à la fin des années 1960. Sa production annuelle de chocolat n’a cessé d’augmenter, passant de 6 tonnes à 40 l’an dernier. L’artisan occupe encore les mêmes locaux qu’à l’origine, à quelques mètres carrés près. Il vend ses créations dans quatre boutiques à Lausanne, Neuchâtel, Marin (NE) et Fleurier (NE). Se diversifiant sans cesse, Jacot Chocolatier a fait des chocolats sur mesure, créés pour des particuliers ou des entreprises, sa force. Sa spécialité, les clous en chocolat, qui rendent hommage à cette activité industrielle ayant fait la renommée de Noiraigue autrefois, est prisée loin à la ronde.

+ D’infos www.jacotchocolatier.ch

Le lapin, ce symbole de vie

Symbole d’amour et de fertilité de par sa nombreuse descendance, le lapin a de tout temps été un cadeau idéal pour déclarer ses sentiments à quelqu’un. Les Grecs dévoilaient ainsi leur flamme. Cet animal a donc été assez naturellement associé par les chrétiens à la résurrection du Christ. Puis, rapidement, on en est venu à imaginer que c’était lui qui distribuait les œufs le jour à Pâques. L’idée a tellement plu qu’elle se perpétue depuis des siècles par le biais des chocolatiers. Tous les pays n’ont cependant pas mis les œufs dans le même panier: en Allemagne par exemple, c’est un renard ou une cigogne qui se charge de les livrer durant les fêtes pascales.