Architecture verte
Un diamant de métal luit dans le massif du Grand-Combin

Une fois par mois, nous vous emmenons à la découverte de maisons exemplaires sur le plan énergétique. Cette semaine, rendez-vous à la cabane de Chanrion, sur les hauteurs du val de Bagnes (VS).

Un diamant de métal luit dans le massif du Grand-Combin

Cachée dans un repli de terrain, elle se dérobe longtemps au regard des randonneurs qui montent depuis le lac artificiel alimentant le barrage de Mauvoisin. Quelques derniers zigzags dans la pente puis elle apparaît enfin, au sommet d’une prairie semée de fleurs alpines. On ne peut pas manquer la nouvelle extension de la cabane de Chanrion: à côté des pierres apparentes du bâtiment construit en 1938, un monolithe de métal aux façades brillantes percées de larges baies vitrées attire le regard. Dessinée par l’architecte bagnard Philippe Vaudan sur mandat de la section genevoise du Club alpin suisse (CAS), propriétaire de la cabane, cette annexe voit le jour dans le cadre d’une rénovation globale d’un édifice ne correspondant plus aux attentes des visiteurs, aux normes actuelles d’isolation ou de traitement des eaux usées.

 

Contraintes alpines

2462 mètres d’altitude: ce n’est pas tout à fait de la haute montagne, mais c’est déjà assez élevé pour entraîner d’importantes conséquences en matière de technique constructive. D’un côté, un hiver long avec d’abondantes chutes de neige et des températures extrêmement basses qui accélèrent le vieillissement de la cabane, un éloignement logique des réseaux d’électricité ou d’eau et une accessibilité limitée. De l’autre, des besoins relativement modestes et quelques ressources à exploiter au mieux sur place, comme un ensoleillement exceptionnel.

L’architecte ne s’y est pas trompé et le soleil est largement mis à contribution, à la fois par des panneaux photovoltaïques losanges qui remplacent les tuiles de l’ancienne cabane et alimentent une série de batteries ainsi que par des panneaux thermiques placés en façade sur la nouvelle annexe. «Ils sont reliés à un boiler de 4000 litres qui alimente le réseau d’eau sanitaire et de chauffage, explique Olivier Seidler, qui gardienne la cabane depuis ce printemps avec son épouse Sophie Voutaz. Le potager à bois de la cuisine est aussi relié au chauffage. En l’allumant simplement le matin pour faire chauffer l’eau du thé et la soupe, il complète facilement les besoins de la cabane.» L’eau, elle, est captée plus haut dans la roche, tandis que le toit concave a pour mission de récolter l’eau de pluie en cas de manque.

Du bois et du métal

Dans le réfectoire où le couple de gardiens s’affaire en prévision de l’arrivée des randonneurs, nul besoin d’allumer une ampoule: les larges ouvertures laissent entrer le soleil à flots dans la pièce, tout en laissant le regard dériver vers les sommets alentour. Grand-Combin, Mont-Avril ou Mont-Gelé, qui marquent la frontière avec l’Italie, constituent la toile de fond d’une cabane située sur le tracé de la Haute Route, cet itinéraire de haute montagne reliant Chamonix (F) à Zermatt (VS). Pour encadrer cette vue, un écrin de bois clair: parois, plafonds et mobiliers sont uniformément taillés dans ce matériau qui s’associe au verre et au métal. «Tous les éléments ont été préfabriqués et isolés en atelier, explique Philippe Vaudan. Au printemps 2020, nous les avons ensuite transportés par la route pour assembler façades et dalles en bois sur un socle de béton que nous avons, lui, préparé sur place: impossible de monter jusqu’ici avec un camion malaxeur.»

Après quelques mois d’utilisation, la nouvelle cabane de Chanrion tient toutes ses promesses. «Il reste encore quelques ajustements à faire du côté des toilettes sèches, note Olivier Seidler. Nous devrions aussi être reliés par un câble à l’usine électrique de Mauvoisin, ce qui nous permettrait de nous passer de la génératrice de secours et d’installer une station de recharge pour les VTT électriques.» En attendant, gardiens comme randonneurs apprivoisent cette cabane revisitée qui semble, déjà, faire partie du paysage.

Texte(s): Clément Grandjean
Photo(s): Clément Grandjean

En chiffres

1890: construction de la première cabane, agrandie en 1938.

2019: début des travaux.

2462 mètres d’altitude.

708 m2 de surface.

105 m2 de panneaux photovoltaïques.

59 lits.

4,2 millions, le prix de la rénovation.

L'architecte

C’est en 1993 que Philippe Vaudan ouvre son bureau d’architecture au Châble (VS). Diplômé de l’École d’ingénieurs de Fribourg, il cultive la proximité avec ses clients comme avec son équipe qui compte aujourd’hui six personnes. Construction de chalets neufs et réaffectation de raccards n’ont pas de secret pour celui qui a aussi collaboré à la rénovation de la cabane Panossière.