Reportage
Un burger composé de noisettes argoviennes

Le Zurichois Leander Dalbert a lancé les premiers «hazelburger», petites galettes faites de légumes, mais surtout de noisettes. Ces dernières sont cultivées en bio chez le pionnier Andreas Gauchs.

Un burger composé de noisettes argoviennes

C’est un projet un peu fou, qui a pris naissance il y a un an à peine à Niederwil (AG), dans un des rares vergers de noisetiers du pays. On le doit à Leander Dalbert, jeune climatologue et économiste en phase de reconversion à la paysannerie, qui travaille depuis deux ans sur l’exploitation d’Andreas Gauchs, le pionnier de la noisette bio en Suisse (voir encadré ci-dessous). Ce brillant touche-à-tout de 32 ans fourmille d’idées, et n’a de cesse de s’interroger sur les limites de nos systèmes agricoles et alimentaires actuels. «Comment se nourrir non plus à base de cultures annuelles, gourmandes en ressources et en énergie, mais à partir de plantes pérennes et d’un écosystème régénératif?», questionne cet Allemand d’origine, installé sur les bords du lac de Zurich depuis 2017. La réponse est arrivée sur le marché au printemps dernier: le hazelburger, petite galette d’à peine 130 grammes, constituée pour un cinquième des oléagineuses en forme de billes, mais aussi de haricots en grains, betteraves rouges, champignons, sauge, oignons et ail. «C’est un concentré de protéines végétales, de bonnes graisses et de nutriments, mais surtout un aliment qui répond à de nombreuses problématiques liées à la façon dont nous nous nourrissons», résume-t-il.

De l’arbre à l’assiette
Certifiés Bio Bourgeon, tous les ingrédients de ces burgers atypiques proviennent de fermes régionales où les ressources naturelles – le sol et l’eau – sont préservées grâce à des modèles culturaux proches de la permaculture ou de l’agroforesterie. «L’arbre est au cœur d’un écosystème équilibré, poursuit l’inventeur du hazelburger. Il enrichit la terre en éléments nutritifs, protège la biodiversité et absorbe le carbone. Intégrer des arbres dans un système agricole, c’est aller vers une alimentation qui touche moins l’environnement.»

La recette exacte, Leander Dalbert ne tient pas à la dévoiler. Pour son développement, qui lui a demandé plusieurs mois, il s’est adjoint les services d’Alena Matzke, experte en nutrition et santé à l’Organisation mondiale de la santé (OMS). «Nous avons passé des heures à multiplier les essais en cuisine, confie celui qui a trouvé l’inspiration dans les livres du chantre de la cuisine végétarienne, le chef anglo-israélien Yotam Ottolenghi. Le défi était d’obtenir un produit à la fois croquant et juteux, et qui ne se désintègre ni dans la poêle ni dans l’assiette.»

Mais qu’on ne s’y trompe pas. S’il est pétri d’idéaux, Leander Dalbert ne défend pas pour autant l’approche d’un régime alimentaire uniquement végétal. «La noisette doit revenir au coeur de notre alimentation, comme elle l’était pour nos ancêtres», assure celui qui envisage désormais de se lancer dans la production de burgers de châtaignes et de noix.

7 fr. 50 le burger
La démarche du jeune entrepreneur alémanique dépasse en outre la simple conception d’une recette novatrice. Leander Dalbert a en effet mis sur pied un système de rémunération équitable des agriculteurs qui lui fournissent les matières premières. «Les prix sont fixés par les paysans eux-mêmes. La rétribution prend en compte le fait d’avoir construit un système de production résilient.» Même philosophie en ce qui concerne le personnel de cuisine et de logistique, payé 25 à 35 francs de l’heure. «Voilà pourquoi un hazelburger de 130g coûte 7 fr. 50», justifie Leander Dalbert.

Conditionnés dans des emballages réutilisables (bocaux en verre ou tissus enduits de cire d’abeille), les burgers sont commercialisés dans des épiceries en vrac ou dans des magasins fermiers de la région zurichoise. Le concept a d’ailleurs séduit le jury du Grand Prix Bio Suisse, qui vient de récompenser l’apprenti zurichois de 10000 francs pour son innovation, et souligne le potentiel gigantesque de ce projet, «véritable alternative aux autres burgers végétariens». Leander Dalbert, lui, ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. «Je cherche à développer ce nouveau marché dans toute la Suisse, y compris en Romandie. Pour cela, j’ai besoin de producteurs qui adhèrent au principe selon lequel l’arbre est la clé pour un nouveau système alimentaire, plus durable et résilient.»

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Claire Muller

Andreas Gauchs, le génie de la noisette

Si Leander Dalbert est un apprenti agricole peu ordinaire, son maître d’apprentissage, l’Argovien Andreas Gauchs, est quant à lui reconnu comme étant le «génie helvétique de la noisette» par plusieurs de ses collègues. Agriculteur bio de longue date, il a d’abord été à la tête d’un troupeau de brebis laitières et d’un atelier de transformation fromagère. «Il y a huit ans, j’ai voulu changer d’orientation», raconte celui qui jette alors son dévolu sur la noisette, «parce que personne n’en produisait». Après plusieurs voyages à l’étranger afin d’analyser les différents modes de production, le nuciculteur autodidacte se lance dans une activité de sélection et de multiplication de noisetiers (il dispose désormais de sa propre pépinière), et développe en parallèle un ingénieux système de culture: les arbres sont greffés de façon à être menés en fuseau, contraints à un enracinement profond et équipés de filets suspendus à 1mètre du sol pour faciliter les récoltes. Le verger, actuellement en sixième année de production, est devenu une référence internationale, si bien qu’Andreas Gauchs est mandaté pour aller conseiller de nouveaux producteurs à l’étranger.

En chiffres

Hazelburger, c’est…

  • Une collaboration avec l’exploitation d’Andreas Gauchs, qui cultive 1,7 hectare de noisetiers en bio, possède sa propre pépinière, et produit 1,5 tonne de noisettes par année destinées à la vente directe.
  • Un objectif de production de 200 burgers par semaine pour 2021
  • 21 kg de noisettes décortiquées utilisés environ chaque mois.
  • Il faut compter 7 fr. 50 pour un burger de noisettes.

+ D’infos hazelburger.chwww.gauchs.ch