Reportage
Une maison en bois de lune inspirée des granges vaudoises

Une fois par mois, nous vous faisons découvrir des constructions exemplaires sur le plan énergétique. À Arzier-Le Muids (VD), Mathieu Ruchat a lui-même coupé les épicéas pour sa ferme et sa villa.

Une maison en bois de lune inspirée des granges vaudoises

Il y a trois ans, ce n’était qu’un champ où pâturaient les vaches. Aujourd’hui, ce terrain verdoyant d’Arzier-Le Muids (VD) abrite une écurie et une villa en bois, toutes deux imaginées et construites par le paysan et forestier Mathieu Ruchat. Son objectif: vivre sur son lieu de travail, un luxe rare quand on ne vient pas d’une famille d’agriculteurs. «Nous sommes partis de rien. Avant, nous habitions dans un appartement au village, loin du bétail et des parcelles, ce qui n’était pas pratique. C’est une chance que la Commune et le Canton aient accepté notre projet», dit-il en nous accueillant sur place. De l’extérieur, les bâtiments se fondent dans le paysage, avec leur toit à deux pans et leur voûte en pierre, typiques des anciennes granges vaudoises. «Ce n’est plus forcément la mode, mais je voulais être en cohérence avec ma région.»

S’entourer d’artisans locaux
Grand autodidacte, le Nyonnais d’origine a tenu à bâtir de ses mains la quasi-totalité de la partie habitation, en commençant par fournir lui-même le bois utilisé. Il s’est donc rendu avec son entreprise dans les forêts communales afin de couper sur pied des dizaines d’épicéas et de sapins blancs. Rien n’a été laissé au hasard, pas même le jour choisi pour effectuer ce travail de titan. «C’était une période de lune décroissante et descendante, ce qui a eu comme effet de vider la matière de sa sève. Ainsi, le bois n’a presque plus bougé une fois posé, raconte-t-il. Aujourd’hui, les artisans respectent rarement cette pratique ancestrale. Pourtant, elle est très utile, autant dans le domaine de la construction qu’en agriculture, lorsqu’il faut semer par exemple.»

Que ce soit lors du débardage, du transport ou du sciage, le quadragénaire s’est entouré d’entreprises locales, dans une volonté de fonctionner au maximum en circuit court. «Ce n’est pas l’option la moins chère, mais cela a permis de suivre les travaux de près et de demander des conseils à des personnes de confiance.» À ses côtés, son épouse Stéphanie acquiesce: «Quand nous avons eu des dégâts à cause de la foudre l’an dernier, tout le monde est venu nous aider. Une belle solidarité s’est créée.»

 

Chanvre, chaux et cire
Mélange entre modernité et tradition, la villa se compose d’un salon, d’une cuisine ouverte, d’une grande baie vitrée donnant sur le domaine, ainsi que de trois chambres destinées au couple et à leurs deux enfants. En plus du bois utilisé entre autres pour les poutres et le plancher, on retrouve une isolation en chanvre, un crépi à la chaux avec une protection à la cire d’abeille, ainsi que des pierres décoratives sur certaines cloisons, rappelant le calcaire du Jura. Pour l’approvisionnement en électricité, des panneaux solaires ont été installés sur le pan sud du toit, permettant à la maisonnée et à la ferme d’être en autonomie durant l’été, tout en profitant du réseau pendant la période hivernale.

En revanche, bénéficier de l’eau du village fut plus compliqué. «Comme il n’y avait aucune conduite, il a fallu creuser pendant des mois. Aujourd’hui, les autres habitants du coin peuvent profiter de cette installation, et ma douche a une tout autre saveur», témoigne l’artisan, qui s’est fait remplacer pendant deux ans sur l’exploitation afin de se consacrer pleinement au chantier. Après plusieurs années de labeur, le petit paradis de la famille Ruchat commence à prendre forme. Ces derniers mois, un espace vert coloré avec des plantes mellifères et des habitats pour la faune a même vu le jour, grâce aux multiples talents de celui qui est aussi horticulteur et paysagiste. «Aujourd’hui, nous commençons vraiment à profiter de ce que l’on a réalisé. C’est une fierté.»

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): Olivier Vogelsang

En chiffres

  • 2019, année d’emménagement.
  • 3 ans de conception et de travaux.
  • 50 m3 de bois d’épicéa des forêts communales pour le logement et 150 m3 de sapin blanc pour le rural.
  • 180 m2 habitables.
  • 15 kWh de production électrique grâce aux panneaux solaires.
  • 40 hectares de terrain agricole, avec 100 têtes de bétail.

Les concepteurs

Après des études d’agriculture, de paysagisme et d’horticulture, Mathieu Ruchat a monté sa propre exploitation sur La Côte en 2009 pour élever des vaches allaitantes. En parallèle, le Vaudois de
42 ans a créé une entreprise forestière. S’il a imaginé et construit la maison familiale, son épouse Stéphanie, éducatrice de métier, s’est chargée des plans d’aménagement intérieur. Le couple a deux filles, Charline et Océane.