Reportage
Le domaine Katzhof met l’accent sur la terre, la solidarité et la durabilité

Sur les hauts de Richenthal (LU), Markus Schwegler se base sur l’agriculture régénératrice pour développer son exploitation, veillant à la cohérence entre ses aspects culturaux, sociaux et environnementaux.

Le domaine Katzhof met l’accent sur la terre, la solidarité et la durabilité

Ces temps, on ne peut guère s’attendre à voir foisonner la surface maraîchère du NaturGut Katzhof, ni ses parcelles de céréales surplombant la ferme blottie sur une colline lucernoise bien exposée au soleil – et à la bise hivernale. Mais on cherchera en vain de la terre nue: si épeautre, engrain et avoine sont ici semés et récoltés selon une alternance biennale printemps/automne en observant des rotations de six ans incluant une jachère, le mot d’ordre de la maison est d’emblée donné par un Markus Schwegler tout sourire: «Du vert, partout, tout le temps!»

Lorsqu’il a repris en 2015, avec son épouse Claudia, le domaine de la famille de celle-ci, cet ancien travailleur social a immédiatement entrepris sa reconversion bio – l’exploitation est aujourd’hui certifiée Bourgeon et Demeter. Il s’est surtout rapidement intéressé à l’agriculture régénératrice, visant à redonner aux sols leur pleine santé – intégrant d’ailleurs Regenerativ Schweiz, l’association créée pour assurer sa promotion (lire l’encadré). «Elle incite à une démarche volontaire basée sur l’observation et l’analyse du contexte pédoclimatique de chaque parcelle, plus qu’au respect d’un calendrier ou d’un cahier des charges», explique-t-il.

Plusieurs gestes essentiels
Du vert! Markus Schwegler veille donc à semer des couverts sur ses sols, entre deux périodes de cultures céréalières, ainsi que sur ses surfaces maraîchères – ou plutôt sur les bandes intercalaires de 75 cm qu’il a commencé à y ménager depuis cette année. Et s’il nourrit sa terre de l’engrais fourni par son petit troupeau de huit vaches mères, il lui apporte surtout un maximum de compost. «On utilise tout, y compris les herbages des prairies proches de nos forêts, peu aptes à la production de fourrage, note-t-il. En optimisant le volume des apports et le procédé, je pourrais en mettre davantage et ainsi favoriser encore plus la formation d’humus.»

Ferments et thé de compost font également partie du paysage au Katzhof, inoculés au fumier afin de le booster – ou directement aux cultures, grâce à un petit réservoir couplé au Geohobel, la machine conçue pour le travail superficiel du sol à laquelle recourt fréquemment l’agriculture régénératrice. «Cela contribue à le stabiliser et favorise la multiplication des micro-organismes présents, précise Markus Schwegler. Ces interventions visent bien sûr à permettre in fine une résilience totalement autonome du sol.»

De la santé de ce dernier dépendent celle des bovins, la qualité des engrais de ferme… et globalement la productivité durable de l’exploitation, insiste-t-il. «Même dans une démarche agronomique innovante, l’efficience économique doit être au rendez-vous – et pas l’effondrement du domaine ou celui du paysan!»

Volontariat plébiscité
Au Katzhof, la colonne vertébrale commerciale, c’est la vente directe des paniers de légumes et de la viande qui y sont produits, par le biais de la coopérative d’agriculture solidaire créée dans ce but. Fin 2019, le Lucernois a d’ailleurs fait un bilan comptable serré – et procédé à quelques changements: «Nos prix étaient trop bas et on livre désormais tous les quinze jours, pas chaque semaine. Et surtout, nous avons renoncé à l’obligation contractuelle de fournir du travail, préférant désormais un appel non contraignant au volontariat. Avec succès: le nombre d’heures n’a pas changé et ceux qui viennent sont motivés, davantage autonomes, et font des progrès palpables. Le paradoxe de cette expérience sociale est qu’elle atteste du bien-fondé du bénévolat opposé à une dynamique purement commerciale, mais implique d’être intégré à celle-ci pour être durable et viable.»

L’engagement de la famille Schwegler dans une démarche agricole durable repose sur cette vision très globale des dimensions sociale, technique et environnementale de l’exploitation. Une vision que Markus, passionné par son métier, assume et gère en hiérarchisant les problèmes, au besoin en faisant les compromis nécessaires, mais aussi en osant prendre des chemins non conventionnels: le paysan développe ainsi un projet ambitieux tirant profit du drainage de ses parcelles céréalières pour irriguer ses cultures de légumes, comprenant un large volet agroforestier. Un gros œuvre à même de transformer de façon spectaculaire le paysage de la ferme. Ce qui le réjouit: «Évoluer dans un cadre esthétique est indissociable d’un travail motivant et gratifiant. Même si c’est la fonctionnalité qui est visée avant tout.»

Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Blaise Guignard

Nouveau relais en romandie

Actif en Suisse alémanique depuis plusieurs années, le groupe d’intérêt Regenerativ Schweiz, dont est membre Markus Schwegler, va acquérir dès ce mois d’avril une visibilité nouvelle dans nos régions, par l’ouverture d’une antenne romande et d’un site internet conçu spécifiquement pour les francophones. L’initiative est venue de Stéphane Deytard, pratiquant convaincu de la démarche sur son exploitation de Suchy (VD). «Nous avons reçu le soutien de l’équipe alémanique, qui nous a confié le mandat et nous a également alloué un budget pour la réalisation de vidéos explicatives», indique l’agriculteur. Déjà accessible, Regenerative.ch – avec un «e» qui le différencie de son homologue d’outre-Sarine – sera alimenté d’articles traduits en français et proposera une newsletter gratuite sur inscription, ainsi que des cours (payants) et des visites de cultures. «L’idée est de pouvoir répondre aux questions que les professionnels intéressés, nombreux selon les échos que j’ai eus, peuvent se poser sur ces pratiques avant de se lancer.»

+ d’infos www.regenerative.ch

En chiffres

  • 15 hectares de surfaces cultivées au total, plus 2,5 hectares de forêt, en zone de montagne 1 à 650 m d’altitude. Le domaine NaturGut Katzhof est certifié Bio Bourgeon et Demeter, et la vente directe de la production est assurée par une coopérative d’agriculture contractuelle.
  • 6 hectares de céréales (engrain, épeautre, avoine, millet).
  • 0,6 hectare de maraîchage, y compris 2 tunnels conçus et construits «maison».
  • 0,2 hectare de pommes de terre.
  • 8 vaches mères et 1 taureau.

+ d’infos www.katzhof.ch