Coup de pouce
Élimenterre, une épicerie modèle dédiée aux artisans suisses

Deux fois par mois, nous partons à la découverte d’une exploitation agricole ou d’une structure de vente romande proposant ses produits en vente directe et présente sur notre plateforme de bonnes adresses.

Élimenterre, une épicerie modèle dédiée aux artisans suisses

Avant d’évoluer entre les rayons joliment garnis de ce spacieux local niché au centre d’Étoy (VD), Aurélie Daiz cultivait déjà un contact privilégié avec les producteurs du terroir: la jeune femme a en effet travaillé plusieurs années comme conseillère en commercialisation chez Proconseil, le service de vulgarisation agricole de Prométerre. Un poste dans lequel cette native de la Côte (Étoy, précisément!) a prodigué infatigablement formations et activités de consulting auprès de professionnels de la terre engagés dans la difficile voie de la vente directe.

En 2020, Aurélie Daiz a quitté Proconseil, tout en conservant un mandat de formation pour la patente en produits fermiers, dans le but de réaliser le rêve qu’elle et son mari Guillaume Racloz caressaient depuis longtemps: ouvrir une épicerie exclusivement dédiée aux spécialités artisanales collectées directement auprès de producteurs suisses. «C’est un changement de carrière, mais aussi un renforcement de mon engagement, explique-t-elle. Je souhaitais continuer à contribuer à la diffusion de ces produits, en les rassemblant dans un lieu inspirant qui en facilite l’accès pour les consommateurs.»

 

Un défi logistique

Élimenterre se veut ainsi un «point relais» pour un certain nombre de délices exclusifs, qu’Aurélie et Guillaume vont chercher eux-mêmes là où ils sont confectionnés. «Comme nous n’avons pour ainsi dire pas de stock et que nous nous calons au maximum sur les jours de production des artisans, c’est un gros défi logistique», reconnaît-elle. Pour «tout ce qui pousse sous nos latitudes», Élimenterre ne fait aucune concession: le swissness est de mise. Boulangerie, primeurs, boissons, conserves, viandes et salaisons, fromages et même cosmétiques obéissent strictement à la règle. «Pour les denrées exotiques comme le café, on ne s’adresse qu’aux filières et aux labels les plus équitables», précise Aurélie Daiz.

«Proximité, diversité, réciprocité»: à l’entrée du magasin, l’enseigne annonce la couleur. «Nous ne sommes pas juste des «revendeurs», insiste la commerçante. En touchant notamment une clientèle d’épicuriens, on peut attirer l’attention sur la richesse et la qualité de la production paysanne suisse. Et en favorisant l’échange direct avec les producteurs, nous pouvons ainsi ouvrir un espace de dialogue.» Car l’accès au marché sans intermédiaire n’a rien d’une sinécure pour les agriculteurs, «aussi parce que le cadre général de la vente des denrées alimentaires est d’abord conçu pour la production et la transformation industrielle», observe Aurélie Daiz.

Lorsque son entreprise aura pris son rythme de croisière, la spécialiste en commercialisation prévoit ainsi de reprendre une activité de consulting à l’intention des producteurs. «Et pourquoi ne pas organiser un événement réservé aux professionnels, les mettre en contact les uns avec les autres ainsi qu’avec les consommateurs, constituer des ateliers de travail? Il y a encore beaucoup à faire pour établir un contexte commercial réellement favorable aux petits producteurs», conclut-elle.

+ d’infos Place de la Saint-Jaques 3, 1163 Étoy.

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Texte(s): Blaise Guignard
Photo(s): Olivier Evard

Petits producteurs sous pression

«Il devient très difficile pour les producteurs fermiers de se conformer à des règles sur la commercialisation des denrées alimentaires essentiellement conçues pour des produits élaborés et transformés à l’échelle industrielle, alors que les spécialités de la ferme sont généralement l’objet d’une fabrication et d’un suivi bien plus rigoureux et personnalisés», relève Aurélie Daiz. Pour la spécialiste, «la grande industrie dicte ses codes aux petits artisans dans le but de limiter le développement de ce segment de marché, tout en faisant tout pour occuper cette zone de chalandise avec l’argument du prix». Un écueil que les petits producteurs ne pourront contourner sans y consacrer du temps et de l’énergie – en tâchant de faire évoluer la réglementation dans leur sens. «Mais cela exige qu’ils se fédèrent, ce qui est encore très peu le cas.»