Terroir
Dans sa version châteloise, le stollen se révèle d’une richesse insoupçonnée

Il trouve ses origines dans l’Allemagne du Moyen Âge et se conserve comme nul autre: le stollen est un pain de l’avent aux fruits secs et à la pâte d’amande auquel il est très difficile de résister.

Dans sa version châteloise, le stollen se révèle d’une richesse insoupçonnée

Recouvert d’une épaisse couche de sucre glace et enrichi de nombreux fruits secs, le stollen a davantage la réputation d’un étouffe-chrétien que d’une fine pâtisserie. Un comble pour cette spécialité des temps de l’avent et de Noël! «Les stollens que mon père rame-nait d’Allemagne quand j’étais enfant n’étaient pas des plus savoureux», se rappelle Laure Niquille. Cette archéologue et ethnologue de formation a ouvert une table d’hôte il y a un an et demi à Châtel-Saint-Denis (FR).
Passionnée par la gastronomie du terroir et curieuse des arts culinaires du monde, la cuisinière fribourgeoise a décidé de revoir son jugement en fabriquant ses propres stollens. Elle s’est d’abord plongée dans sa collection de livres de recettes pour retrouver ce qui fait l’essence même de cette spécialité. «La liste des ingrédients est simple: farine, beurre, sucre, fruits secs, rhum et épices. Ça ne peut être que bon!» La recette a voyagé et évolué au fil des siècles, des échanges commerciaux, mais aussi des goûts et des cultures (voir l’encadré ci-contre). Laure Niquille a choisi de l’adapter, tout en respectant son esprit originel. Sa version laisse donc la place aux arômes d’une pâte levée et au croquant des fruits secs. Elle agrémente également son stollen avec de la pâte d’amande confectionnée maison. Une partie de cette douceur entre directement dans la composition de la pâte, tandis que l’autre tient le rôle de farce.

Patience et précision
La Châteloise d’adoption commence par préparer une pâte levée. «C’est la base, il faut donc la soigner», prévient-elle. Le levain a été préparé en avance, les ingrédients mesurés avec précision, car la pâte doit lever lentement afin de permettre aux arômes de bien s’exprimer lors de la cuisson. Si le beurre est bien présent, le sucre, lui, est ajouté avec parcimonie: «Il y aura bien assez d’ingrédients qui viendront rehausser le goût par la suite!» La pâtissière ajoute en effet à la pâte levée une bonne quantité de raisins secs, d’écorces confites de citron et d’orange, ainsi que des amandes, non pas moulues, mais grossièrement hachées au couteau. «Elles apportent davantage de goût, mais surtout de structure au stollen.» Le pétrissage est aussi long que la pâte est lourde, et Laure Niquille la laisse lever une deuxième fois. «Patience et précision sont les deux clés de la réussite en pâtisserie», glisse la cuisinière, qui roule pendant ce temps de fins boudins de pâte d’amande. Chacun d’entre eux est ensuite enroulé dans la pâte du stollen et durcira à peine lors de la cuisson.
Vient enfin la phase la plus délicate, l’enroulage du stollen dans une fine pellicule de pâte non levée. «Elle viendra protéger les fruits secs lors de la cuisson comme le ferait une couverture», précise Laure Niquille. Outre son intérêt protecteur, cet «emballage» du stollen symbolisait autrefois – période de l’avent oblige – le petit Jésus, non pas en culotte de velours, mais dans ses langes!

Longue conservation
Avant de les enfourner, la cuisinière châteloise incise finement les stollens sur toute leur longueur, leur permettant ainsi de s’arrondir et de prendre cette jolie forme oblongue qui les caractérise. Sitôt sortie du four, chaque pièce est badigeonnée de beurre et saupoudrée d’un mélange de sucre et de cannelle. «C’est un pain festif, qui rassemble, s’enthousiasme Laure Niquille. On le retrouve aussi bien sur la table du déjeuner ou du brunch, qu’au moment des quatre heures, quand les enfants rentrent de l’école.»
Avis aux amateurs, les stollens de Laure Niquille seront en vente dès cette semaine à la Boucherie Blanc de Châtel-Saint-Denis, à la boutique Hérisson à Bulle ainsi qu’au Petit marché bio d’Écharlens (FR). La cuisinière en réalise également volontiers sur commande. «J’aime d’autant plus cette recette qu’elle permet au stollen de se conserver durant plusieurs semaines», assure la Fribourgeoise. En effet, grâce à sa haute teneur en fruits secs, ce pain peut rester longtemps sur la table sans rassir ni présenter de goût rance. Pour ceux, bien sûr, qui parviendront à résister à cette alléchante gourmandise!

Texte(s): Claire Muller
Photo(s): Mathieu Rod

La productrice Laure Niquille

Laure Niquille est née en Gruyère. Archéologue et ethnologue de formation, cette passionnée de cuisine et de saveurs a ouvert son enseigne Laure’s Kitchen voilà un an et demi, au cœur de Châtel-Saint-Denis (FR), où elle s’est installée avec son mari et ses deux enfants. Amoureuse des traditions gastronomiques du monde entier, fascinée par l’histoire et l’origine des produits, Laure Niquille aime décloisonner les goûts et les styles culinaires. Ce qui n’empêche pas la cuisinière de mettre un point d’honneur à s’approvisionner chez des producteurs du coin. «J’essaie de donner du sens à ma cuisine, tant dans le choix des recettes que dans l’origine et le mode de fabrication des matières premières.» Les menus qu’elle propose à sa table d’hôte et dans son activité de traiteur marient ainsi traditions fribourgeoises et spécialités d’ailleurs. Des plats qui lui ressemblent, en somme!
+ D’infos www.laureskitchen.ch

Tradition de Noël

L’origine du stollen remonterait au XIVe siècle. Symbole de fêtes – païennes puis chrétiennes –, sa recette a évolué au fil du temps. Avec la découverte de nouveaux continents et territoires et l’arrivée en Europe des épices et du rhum, le stollen, initialement assez sommaire, s’est petit à petit enrichi: on le connaît désormais comme un pain fourré aux fruits et à la pâte d’amande. Originaire de la Saxe allemande – le Dresdner Stollen est un must outre-Rhin – on le consomme désormais pendant les fêtes de fin d’année dans toute l’Allemagne, les Pays-Bas, ainsi que dans le nord-est de la France et en Suisse.