D’ici à 2038, la moitié des chefs d’exploitations du pays partira à la retraite. Selon certains, l’arrivée de la jeune génération est une aubaine pour l’écologie. Terre&Nature lui donne la parole dans son nouveau podcast Graines d'agriculteurs.

Mais qui sont ces apprentis? Si les femmes sont toujours plus présentes, on observe également une forte augmentation de personnes non issues du milieu – appelées néo-paysans –, qui suivent pour la plupart un CFC de maraîcher. Cette filière a vu son nombre d’étudiants passer de 85 à 155 en cinq ans, soit une progression supérieure à celle des autres apprentissages. «Cela s’explique par le fait que cette population est plutôt attirée par une agriculture biologique de petite structure, qui correspond davantage à ce secteur», souligne Loïc Bardet.
L’intérêt grandissant des jeunes s’accompagne d’un autre phénomène moins médiatisé: la modification de la pyramide des âges. En effet, selon Agroscope, environ la moitié des chefs d’exploitation actuellement en activité atteindront l’âge de l’AVS d’ici à quinze ans et partiront à la retraite, ne pouvant plus toucher de paiements directs. Conséquence directe du vieillissement de la population du baby-boom, cette évolution démographique rapide et inédite pourrait avoir un impact considérable sur le secteur. C’est en tout cas l’avis de Marcel Liner, spécialiste de la politique agricole chez Pro Natura et auteur d’une récente étude à ce sujet. Pour lui, le changement de génération à venir constitue une occasion de mettre en place une agriculture plus durable. «Notre système actuel ne répond pas aux objectifs environnementaux promis par la Confédération dans une situation de crise climatique, avec une production intensive et une quantité trop élevée de cheptels. Sans compter que cela s’accompagne d’un recul permanent du nombre de domaines et de paysans. Nous devons agir.»
Au-delà des instruments de politique agricole, d’autres freins existent à l’écologisation du secteur, selon Marcel Liner, tels que le rôle des grands distributeurs, les modèles de consommation ou encore l’accès à la terre pour les néo-paysans. En effet, environ 60% des titulaires d’un CFC de maraîcher ne trouvent pas d’exploitation à reprendre, d’après Uniterre. «Cela est dû à une dynamique de concentration encouragée par le gouvernement, qui conduit à la disparition de deux ou trois domaines chaque jour. En outre, si une ferme est vendue hors du cadre familial, elle coûtera quatre à cinq fois plus cher, alors même que les banques prêtent moins facilement aux gens qui ne sont pas du métier. Ainsi, les personnes non issues du milieu ne sont pas du tout incitées à s’engager dans cette voie», déplore Eline Muller, spécialiste de ces questions au sein de l’organisation. Pour y remédier, Uniterre forme actuellement une coalition de plusieurs structures, dont l’Association des petits paysans, le Mouvement pour une agriculture paysanne et citoyenne ou encore Longo Maï, afin d’acquérir des parcelles et faire des baux à des collectifs de néo-paysans. Une manière de pousser encore davantage de jeunes à travailler la terre.
Nouveau podcast
À l’occasion des 125 ans de Terre&Nature, nous lançons un podcast baptisé Graines d’agriculteurs qui donne la parole à la jeune génération, afin de connaître les motivations, les craintes et les choix de celles et ceux qui nous nourriront demain. Chaque deuxième jeudi du mois, découvrez un témoignage illustrant la diversité de parcours et de profils des jeunes paysans, entre rapport à la tradition, légitimité à reprendre une ferme sans être issu du milieu ou gestion des conflits familiaux. Dans le premier épisode, nous rendons visite à Ophélie Baudit, 26 ans (photo). Après des études d’architecture, cette Genevoise gère désormais le domaine familial, devenant la première femme à la tête de l’exploitation en cinq générations. Ses motivations: pratiquer une agriculture respectueuse de l’environnement, faire de la ferme un lieu culturel tourné vers la ville et travailler en équipe afin de limiter la charge mentale.
+ d’infos Le premier épisode est disponible gratuitement sur notre site www.terrenature.ch/podcasts ainsi que sur les plateformes Spotify et YouTube.