Héros d’un documentaire, le paysan partage sa quête du bio

Afin de vivre en accord avec ses idées, Cédric Chezeaux a renoncé aux vaches pour se lancer dans la culture des céréales anciennes. Un documentaire, qui sort le 25 janvier dans les cinémas romands, témoigne de ce parcours.
12 janvier 2017 Aino Adriaens
Muriel Antille

Sur l’affiche du film Révolution silencieuse qui sortira le 25 janvier dans les salles romandes, Cédric Chezeaux rayonne de bonheur. Avec un grand sourire, sa tête rousse émerge d’une vague ondulante de blés anciens aux couleurs magnifiques. Le ton est donné. Le thème se devine. C’est le même sourire qui nous accueille à la ferme Arc-en-Ciel, à Juriens (VD), au pied du Jura vaudois. Son épouse Christine est présente, leurs enfants vont et viennent. Eux aussi sont les héros ordinaires d’une histoire touchante qui nous concerne tous, car elle raconte ceux qui nous nourrissent et questionne sur ce que nous mangeons.

Dans le film, l’histoire démarre en 2013, lorsque Cédric décide de se séparer de ses vaches, mais la démarche du paysan vaudois commence en réalité bien plus tôt. «C’est en 2005 que notre vie a pris un réel virage. Je venais juste de reprendre la ferme familiale lorsque j’ai assisté à une conférence de l’agriculteur français Pierre Rabhi. Écouter ce chantre de l’agroécologie m’a bouleversé au point que j’ai décidé du jour au lendemain de passer en bio. Pour nos enfants et grâce à eux, nous faisions déjà très attention à nous soigner de façon naturelle, à manger sainement et à utiliser des matériaux écologiques dans notre maison, mais nous nous sentions en totale incohérence avec la production de notre propre ferme. Le bio s’est imposé naturellement», se souvient Cédric.

Dans cette nouvelle voie, le paysan apprend à considérer la terre autrement et découvre un état d’esprit positif et solidaire dont il ne soupçonnait même pas l’existence. «J’en veux à ma formation agricole qui, au début des années nonante, nous proposait un modèle basé exclusivement sur l’intensification et la spécialisation par branche de production, tout en négligeant de nous apprendre à bien connaître les sols et leur fonctionnement et en occultant la dangerosité des pesticides pour ceux qui les emploient», s’insurge-t-il encore aujourd’hui.

Tout d’un coup nous n’avions plus la paie du lait et nos réserves ont fondu très vite. Ce qui est difficile à vivre avec six enfants. Mais j’ai fait confiance à Cédric, car, comme lui, je souhaitais qu’on puisse maîtriser toute la chaîne de production, jusqu’à la vente directe, ce qui est impossible avec le lait.

Pari réussi sur l’avenir

Après celle de Pierre Rabhi, d’autres rencontres seront décisives. Celle du Français Gérard Méot d’abord, paysan-boulanger en Côte-d’Or, grâce à qui Cédric Chezeaux découvre tout l’intérêt nutritif et gustatif des anciennes variétés de blés, comme l’engrain et l’amidonnier. Puis il y aura celle de Marc Haller, boulanger philosophe qui fabrique des pains au levain dans le four communal de L’Abergement (VD): «Marc est la première personne qui m’a permis de croire à ces nouvelles cultures. Il était prêt à m’acheter la farine, et c’est ce qui m’a encouragé à acheter un moulin de haute précision», raconte Cédric Chezeaux.

En 2013, un pas de plus est franchi avec l’abandon de la production laitière. Lila Ribi, jeune cinéaste romande, filmera alors la scène et celles qui suivront, car Cédric et sa famille ont accepté de témoigner sur plusieurs années: «Pas pour se mettre en avant, mais pour partager nos réflexions et notre besoin de cohérence», insiste-t-il. Le départ des vaches jette la famille dans l’inconnu et l’insécurité. Christine est très inquiète: «Tout d’un coup nous n’avions plus la paie du lait et nos réserves ont fondu très vite. Ce qui est difficile à vivre avec six enfants. Mais j’ai fait confiance à Cédric, car, comme lui, je souhaitais qu’on puisse maîtriser toute la chaîne de production, jusqu’à la vente directe, ce qui est impossible avec le lait.»

Les inquiétudes de Nicola, son papa, ébranlent beaucoup Cédric, mais le confortent aussi dans ses choix: «Nous devions absolument relever le défi de rendre la ferme plus viable et tout le monde a fini par y croire.» Aujourd’hui, tous les doutes sont levés. La vie de la ferme repose principalement sur 20 hectares de blés anciens, sur deux moulins à meules de pierre, mais surtout sur des consommateurs toujours plus nombreux à demander des pains et des céréales aux qualités exceptionnelles.

Une démarche militante

À la force des citoyens, Cédric Chezeaux y croit dur comme fer: «Par nos actes d’achat, nous avons tous le pouvoir de changer les choses et c’est ce qui se passe actuellement. J’aimerais bien sûr que ça aille plus vite, mais comme le dit Pierre Rabhi, il faut d’abord que la révolution se fasse dans les têtes.» Depuis quelques années à la présidence de Bio Vaud, Cédric Chezeaux s’engage par l’exemple et le dialogue. Et ne cache pas la fierté d’avoir convaincu six autres paysans d’acheter leur propre moulin: «Grâce au bio, je n’ai plus peur de la concurrence. Le potentiel est énorme et chacun peut y trouver sa place. Je rêve qu’un jour cette agriculture soit la norme et que les pesticides ne soient plus qu’une option dans le cursus de formation.»
Idéaliste, Cédric Chezeaux? «Bien sûr! J’ai envie de protéger la terre dans son ensemble, et c’est ce qui me donne l’énergie de communiquer. Cela passe aussi par une approche spirituelle et artistique qui a ramené beaucoup de poésie dans ma vie d’agriculteur.» Les vagues d’épis colorés qui l’entourent sur l’affiche en sont la meilleure preuve.

En dates

2005
Une conférence de Pierre Rabhi à Lausanne le convainc de passer au bio.

2008
Cédric Chezeaux sème ses premiers blés anciens à l’automne.

2011
Commandé en Bretagne, un premier moulin de haute précision Astrié fait son entrée à la ferme. Ce modèle permet une extraction très fine de la farine en un seul passage du grain.

2013-2015
Lila Ribi accompagne la famille et tourne Révolution silencieuse.

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