Reportage
Des anges gardiens canins veillent sur la santé des êtres humains

De plus en plus de chiens sont capables de détecter l’arrivée d’une crise d’épilepsie et d’alerter les personnes concernées. L’association Medical Flair aide les propriétaires à former eux-mêmes leur compagnon.

Des anges gardiens canins veillent sur la santé des êtres humains

Débordante d’énergie, Boogie accueille chaque visiteur qui passe la porte en quémandant des caresses. Pourtant, cette chienne est bien davantage qu’un simple compagnon pour la famille Marquis. «Elle a changé notre quotidien», témoigne avec pudeur Pauline, la maman. Désormais, l’infirmière redoute moins les crises d’épilepsie de son fils, qui surviennent plusieurs fois par jour. Et ceci depuis le tout jeune âge de Léon, qui a aujourd’hui 6 ans. «Boogie m’avertit plusieurs minutes avant qu’elles ne se déclenchent, témoigne l’habitante de Syens (VD). Cela ne les empêche pas de se produire, mais je peux ainsi m’y préparer.
Je les vis désormais de manière moins traumatisante. J’ai également le temps de mettre mon enfant en sécurité, afin d’éviter qu’il ne se blesse en tombant.»

La jeune Lagotto a en effet appris à percevoir l’odeur particulière annonciatrice d’une crise et à la signaler en touchant la jambe ou le bras de Pauline Marquis avec sa truffe. Si le nombre de chiens d’alerte médicale tend à progresser en Suisse romande depuis une dizaine d’années, Boogie a la particularité d’avoir été formée par ses propriétaires, avec le soutien de Medical Flair. «Plutôt que de mettre un animal «prêt à l’emploi» à la disposition des familles, comme c’est généralement le cas, nous préférons épauler celles-ci dans leur démarche, explique Clémentine Baumann, éducatrice canine et cofondatrice de l’association.
À nos yeux, il s’agit avant tout d’un compagnon du quotidien qui doit développer une attache émotionnelle forte avec son maître.»

Un investissement conséquent
Pauline, son mari et leurs trois enfants ont donc sélectionné eux-mêmes la race qui leur plaisait, adoptant un chiot chez un éleveur de leur région il y a un peu plus d’une année. «Les animaux choisis par nos bénéficiaires restent dans leur foyer, même s’ils n’arrivent pas à être reconnus officiellement comme chiens d’assistance, souligne Clémentine Baumann. Sur la douzaine de familles que nous avons suivies en deux ans, nous avons été confrontés à cette situation à deux reprises seulement.»

Boogie a, pour sa part, passé avec succès les tests lui donnant le droit de suivre Léon partout. L’engagement pour obtenir un tel résultat a cependant été conséquent, en matière de compétences et de temps, et n’est pas à la portée de tout le monde. Chaque semaine pendant un an, Clémentine Baumann a accompagné les Marquis, leur donnant des exercices quotidiens à pratiquer. «Si la formation de base est commune à tous les chiens, nous la personnalisons ensuite en fonction des besoins des bénéficiaires. Outre l’épilepsie, certains apprennent à détecter les crises d’hypoglycémie en cas de diabète.»

Les premiers mois comportent une éducation classique – rappel, marche en laisse, socialisation –, avant un travail plus précis sur la reconnaissance d’un effluve spécifique. La difficulté majeure consiste à faire comprendre au canidé qu’il doit retranscrire cette information dans un langage intelligible pour l’humain. «On enseigne à l’animal un geste qu’il ne fait que dans cette situation, note Clémentine Baumann. Mais contrairement aux autres exercices, tel le rapport d’objet, le chien doit prendre l’initiative lui-même. En effet, l’humain ne sentant pas cette émanation, il ne peut pas lui donner l’ordre de la signaler.»

Une relation privilégiée
«Lorsque Boogie a pour la première fois réussi à nous indiquer la «bonne» odeur parmi plusieurs autres mélangées dans différents pots, cela a été magique, s’enthousiasme Pauline Marquis. Avoir réussi à la former nous-mêmes est extrêmement valorisant.» Si la chienne est pleinement «opérationnelle» en pleine journée, l’objectif est désormais qu’elle se réveille même quand elle dort la nuit, afin d’avertir les parents de Léon de l’arrivée d’une crise. Elle est également en train d’apprendre à appuyer sur un bouton d’alerte, les besoins de la famille évoluant au fur et à mesure que le garçon grandit. À observer celui-ci jouer au salon, alors que Boogie, attentive, est couchée vers lui, on perçoit que le lien qui les unit dépasse celui qui relie en général un enfant à son compagnon à quatre pattes. Presque en permanence, elle est à ses côtés, prenant son rôle d’ange gardien au sérieux. Pour le plus grand soulagement des parents de Léon.

+ d’infos medical-flair.ch

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): Mathieu Rod

De multiples champs d’application

L’odorat des chiens s’avère un million de fois plus performant que celui de l’homme. Alors qu’on y recourt depuis des millénaires pour la chasse, cette capacité est désormais utilisée dans le cadre du sauvetage de personnes en cas d’avalanche ou de tremblement de terre, de la recherche de drogue ou de billets de banque, de la détection de punaises de lit ou de la localisation de truffes. Sur le plan médical, de nouveaux champs d’application s’ouvrent, comme le dépistage de tumeurs. Des études ont également montré que les canidés sont capables de reconnaître les personnes atteintes de Covid-19. Traditionnellement, le golden et le labrador retriever comptent parmi les plus utilisés comme chiens d’assistance, en raison de leur caractère social et amical. Mais toutes les races peuvent être capables de détecter l’odeur typique d’une personne qui va entrer en crise d’épilepsie. En revanche, leur motivation à apprendre fait la différence, tout comme leur capacité physique. Les animaux de taille moyenne sont donc privilégiés. Quant à leur tempérament, ils doivent être curieux et non craintifs, avec un mental bien équilibré.

Plusieurs acteurs en romandie

Outre Medical Flair, d’autres associations sont actives en Suisse romande. À Sierre (VS), Farah Dogs forme des chiens d’alerte pour les personnes diabétiques, épileptiques ou autistes. Des familles accueillent l’animal en apprentissage pendant douze à dix-huit mois, avant qu’il ne soit placé chez un bénéficiaire. C’est aussi le cas de la fondation Le Copain, à Granges (VS), également connue pour les chiens d’assistance aux personnes handicapées, et de la fondation Arthanis, à Genève. Quant à l’association L’autre regard, à Thonex (GE), elle fonctionne pour sa part comme Medical Flair, en accompagnant les propriétaires et leur canidé.