Reportage
Un ingénieux robot-tâcheron épaule les vignerons

Par guidage GPS, le Vineatrac de la société STEVmotion fauche, traite et désherbe les pieds de vigne en parfaite autonomie. Un engin que son créateur présentera au salon Agrovina, du 23 au 25 janvier à Martigny (VS).

Un ingénieux robot-tâcheron épaule les vignerons

L’amour donne des ailes. Et parfois des idées. C’est en parlant avec sa femme viticultrice-encaveuse des difficultés techniques du métier que Marc Stevanin a trouvé une occasion de mettre à profit sa créativité et ses talents d’ingénieur. «L’entretien des vignes avec les tracteurs, surtout sur les terrains pentus et glissants, peut occasionner des accidents parfois mortels pour la personne aux commandes», explique-t-il. Ingénieur mécatronicien, un temps employé chez Liebherr Machines à Bulle (FR), le Vaudois a conçu de A à Z un robot capable de soulager les vignerons dans leurs travaux mécanisés. Un projet sur lequel il a transpiré durant trois ans, au cœur de son atelier à Mathod(VD), installé dans la grange de la maison familiale de son épouse. D’abord à côté de son travail à la Haute école d’ingénierie et de gestion du Canton de Vaud (HEIG-VD), puis presque à temps complet.

Après deux prototypes, une étude de marché et un soutien financier de la HEIG-VD, il a présenté son «bébé» au public en 2022. Le Vineatrac, comme il l’appelle, est capable de pulvériser des produits de traitement, faucher ou désherber. Tout cela sans conducteur. Cette création lui a valu le prix de l’innovation 2024 du salon Agrovina, qui se tiendra du 23 au 25 janvier à Martigny(VS). Une belle vitrine pour le Vaudois et son robot-tâcheron.

Travail de grande précision
En attendant cette exposition, il se livre à une démonstration au-dessus de Mathod, dans un vignoble boueux après les pluies abondantes. La machine s’enclenche d’un tour de clé et se met à ronronner. Sensible à l’écologie, Marc Stevanin a cependant opté pour un moteur thermique. L’électrique aurait posé de nombreux problèmes, dit-il, précisant toutefois que, comparé à un tracteur, son robot – beaucoup plus léger – consomme moins de carburant.

Sur la télécommande munie d’un écran, Marc Stevanin consulte différentes données: niveau du réservoir, données de distance, déclivité de la pente… D’une simple commande, il lance l’engin, qui s’aligne dans l’axe du parcours; ses chenilles se mettent à mordre la pente entre deux rangs de vignes, à la vitesse du pas.

Pour s’orienter, le Vineatrac est muni d’un GPS ultratechnologique (RTK, cinématique temps réel en français). Cela permet de travailler avec une précision de 3 à 4 centimètres près. «Le système fonctionne grâce à un deuxième GPS, qui lui reste fixe, et corrige les données du premier sur le robot», détaille l’ingénieur. Avant toute intervention, il faut toutefois cartographier le vignoble en enregistrant les coordonnées GPS à chaque bout de ligne. Le boîtier électronique se décroche facilement de la machine, et il suffit de le déplacer sur un trépied pour relever les points de la parcelle.

Taillé pour la pente
Si le Vineatrac soulage le vigneron, Marc Stevanin précise que ce dernier doit tout de même rester dans les parages. Question de sécurité, même si l’engin comporte un lidar, système de télédétection par laser, lequel arrête le robot en cas d’obstacle, d’animal ou autre sur le chemin. À ce système s’ajoute un autre dispositif de sécurité, mécanique cette fois, consistant en un fil tiré à l’avant de la machine qui la stoppe instantanément en cas de pression. «Le Vineatrac s’arrête aussi en cas de perte de contact avec la télécommande», relève le pragmatique ingénieur, qui a effectué une étude de marché et s’est renseigné auprès de professionnels de la branche afin de s’assurer que sa création réponde aux attentes.

Le boîtier électronique est ainsi entièrement étanche, le robot se nettoyant au Karcher. Il est possible de le coupler aux outils de travaux viticoles standards que l’on trouve sur le marché. Pour l’entretien et les réparations, à l’exception du boîtier électronique, les travaux peuvent être confiés à n’importe quel atelier mécanique. Enfin, le Vineatrac peut être utilisé en mode manuel, le vigneron pilotant alors appareil et outils grâce au joystick de la télécommande.

Marc Stevanin a mis un soin particulier à rendre sa création compacte. «Le moteur tient entre les chenilles du véhicule, abaissant le centre de gravité. Et l’absence de porte-à-faux stabilise l’engin tout en facilitant les mouvements en bout de ligne.» Quant au traitement de la vigne, qu’il s’agisse de produits biologiques ou phytosanitaires, l’intérêt est évident. «Le robot permet au vigneron de rester à distance. Ce qui est un plus pour préserver sa santé.»

Quant au désherbage, souvent réalisé chimiquement aujourd’hui, le Vineatrac représente une alternative mécanique. À ce propos, Marc Stevanin, jamais en panne d’idées, travaille en ce moment sur un concept de herse rotative afin de désherber sous le rang. «Elle devra être capable de détruire les racines des indésirables en triturant la terre», conclut-il.

Texte(s): Pierre Köstinger
Photo(s): Thierry Porchet

Comment ça marche?

Le Vineatrac, c’est 420 kg de technologie sur chenilles (poids hors outils), pilotés par une boîte électronique étanche, munie de quatre circuits hydrauliques indépendants et d’autant de sorties électrohydrauliques double effet. Une fois les coordonnées GPS enregistrées, le robot pulvérise des produits de traitement, fauche ou désherbe mécaniquement à une vitesse de 2 à 5 km/h selon les tâches, poussé par un moteur thermique de 27 chevaux. Avec son réservoir de 20 litres, il sillonne le vignoble une demi-journée durant, voire davantage. L’engin, compact avec ses 80 cm de large pour 140 cm de long, travaille une ligne sur deux ou l’intégralité du vignoble. Utilisé en parfaite autonomie, il se pilote aussi manuellement grâce au joystick de la télécommande. Cette dernière, de longue portée et munie d’un écran, permet d’intervenir à distance en cas de problème (le robot s’arrêtant alors automatiquement). Prix actuel: 50’000 francs.

+ d’infos www.stev-motion.com

Aux commandes

Concepteur, constructeur, ouvrier de maintenance, responsable des ventes: Marc Stevanin est l’unique employé de STEVmotion Sàrl, qu’il a fondée en 2022. Dans son atelier à Mathod (VD), l’ingénieur du Nord vaudois a déjà construit, programmé et vendu trois de ses robots Vineatrac. Afin de réaliser cette machine, il a pu profiter du HEIG Tech Grant, de la HEIG-VD à Yverdon-les-Bains. Ce prix, qui récompense chaque année un collaborateur ou un étudiant, lui a permis de consacrer 50% de son temps à son projet durant deux ans. Aujourd’hui, Marc Stevanin entend continuer à développer sa société en se concentrant sur le Vineatrac. Il prévoit de déménager son atelier dans un endroit plus spacieux et songe à engager un collaborateur pour aider à la construction ainsi qu’à la maintenance.