On fond pour le «4 h du Bouébo», un délice à savourer à toute heure
À la Fromagerie de Mézières, des milliers de meules de gruyère AOP et de vacherin fribourgeois AOP sont façonnés toute l’année. Si ces deux spécialités cantonales permettent à la structure de fonctionner, ce sont pourtant d’autres produits qui interpellent les clients.
Nicolas Schmoutz, à la tête de l’entreprise depuis 2009, prend en effet un malin plaisir à expérimenter sans cesse. Après avoir mis sur le marché une boisson à base de petit lait, il a imaginé un délice tout public mettant en valeur deux produits phares du canton: la crème double et le vacherin. De leur douce union est né le «4 h du Bouébo», une crème à tartiner écoulée dans de petits pots immaculés.
Consistance étudiée
L’idée de créer une telle spécialité trottait dans la tête du Fribourgeois depuis longtemps. Jusqu’au jour où il a proposé à l’un de ses apprentis, en recherche d’un sujet pour son brevet de fromager, de développer la recette. «Je voulais un produit qui ait à la fois du goût et une texture crémeuse, précise le patron âgé de 60 ans. Hors de question de proposer un fromage à tartiner de style industriel, d’une consistance plus solide.»
S’il avait ce projet bien précis dans son esprit, c’est qu’il lui rappelle de bons souvenirs passés sur les alpages. Le laitier de Mézières y dégustait du vacherin, un baquet de crème double posé sur la table pour le petit-déjeuner.
«On en tartinait une bonne couche sur une tranche de pain, à la place du beurre, pour reprendre des forces avant la traite du soir. L’appeler le «4 h du Boubéo» – mot qui signifie «garçon de chalet» en patois fribourgeois – coulait de source.»
Le producteur
Née en 2009 de l’union de quatre sociétés de fromagerie (Mézières, Berlens, Estévenens et Villariaz), la Fromagerie de Mézières est gérée par Nicolas Schmoutz (60 ans). Elle rassemble 42 producteurs de lait, travaillant dans un rayon de 3 km autour de la fromagerie. Ils livrent 5,7 millions de kilos de lait par année. Le patron y confectionne avec ses treize employés de nombreux fromages, du gruyère au vacherin fribourgeois en passant par des spécialités fleurant bon le terroir: citons notamment le mi-dur Pra Diabla – en référence à une ferme située non loin de la laiterie – ainsi que plusieurs pâtes molles telles que le Pavé de Romont ou le Pélutse (signifiant «flocon de neige» en patois).
Recette constamment affinée
Après de nombreux essais, les deux hommes se mettent d’accord sur un subtil mélange de deux vacherins fribourgeois distincts et de crème double, avec une pincée de sel de fonte pour que la masse soit homogène.
«On a choisi un fromage Classic, c’est-à-dire affiné au moins neuf semaines, et un Extra, dont on a pris soin vingt et un jours de plus, poursuit Nicolas Schmoutz. On améliore sans cesse notre recette, en fonction notamment de la teneur en matière grasse des meules. Je souhaite aussi à terme qu’on parvienne à se passer de sel de fonte.»
Présenté il y a quelques années au Salon suisse des goûts et terroirs, leur fromage à tartiner fait un carton. Il est vendu dans de nombreuses épiceries de la région, mais pas question d’en réaliser à tout-va. «Nous transformons le lait des producteurs de la région avant tout en gruyères et en vacherins, cela reste le cœur de notre métier», souligne-t-il.
Grande dose de patience
Chaque semaine ou presque, il confectionne ainsi 90 gobelets de «4 h du Bouébo» dans sa fromagerie. Si la recette est simple, sa réalisation exige une bonne dose de patience. Nicolas Schmoutz a pris l’habitude de lancer sa préparation le lundi lorsqu’il arrive dans ses locaux, à 3 h 45 du matin.
«Je verse les ingrédients dans une grande marmite que je chauffe au bain- marie, détaille-t-il. Il faut compter 2 h 30 pour que le fromage fonde. Le mélange de 5 kg doit atteindre la température souhaitée de 85°C.» Il le remue régulièrement pour homogénéiser la masse, avant de passer à une étape clé du processus, le décaillage.
En apéro ou en balade
À l’aide d’un grand mixeur, il améliore alors la texture de sa crème à tartiner, encore chaude, afin qu’elle devienne onctueuse et surtout, qu’elle le reste même après avoir séjourné au frigo.
Muni d’un doseur, il remplit ensuite les gobelets avec 85 g de préparation, un à un. «On ne pose pas immédiatement l’opercule pour éviter que de la condensation se crée, poursuit le fromager. Ce n’est qu’une fois refroidi qu’on le ferme et apposons une étiquette.»
Les petits pots, pasteurisés, se conservent jusqu’à six semaines au frais. «On peut en consommer aussi bien à l’apéro qu’en balade, en l’emportant dans un sac à dos», explique le fromager, ravi d’avoir pu valoriser le vacherin dans un autre produit que la traditionnelle fondue fribourgeoise.
Un fromage de caractère
L’apparition du mot «vacherin» remonte au moins à l’an 1420, selon l’Interprofession du vacherin fribourgeois. Il provient du nom Vaccarinus, un dérivé du latin signifiant «petit vacher». Plus de 3000 tonnes de vacherin fribourgeois sont produites chaque année dans le canton, dont 10% sont écoulées à l’étranger. Bénéficiant d’une appellation d’origine protégée (AOP) depuis 2005, cette spécialité, réalisée à base de lait cru ou thermisé, se distingue par sa pâte onctueuse, affinée au minimum pendant neuf semaines avant d’être mise en vente ou d’intégrer les savoureuses fondues fribourgeoises.
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