Elle lutte pour promouvoir les femmes dans les ronds de sciure

Marielle Tissot est la présidente de l’Association romande de lutte suisse féminine, qu’elle a contribué à fonder en 2019. Elle souhaiterait que la discipline bénéficie d’une meilleure visibilité.
29 juin 2023 Aurélie Jaquet
Guillaume Perret

«Vous n’avez pas peur des chiens?» demande Marielle Tissot au téléphone lorsqu’on l’appelle pour trouver sa maison à Boudry (NE). Non pas qu’Opale, la gardienne des lieux, soit particulièrement féroce. Juste que certains invités pourraient se montrer surpris par son tempérament, au contraire, un peu trop affectueux et démonstratif. «Elle n’a que sept mois, elle est encore un peu turbulente», prévient la Neuchâteloise en nous présentant sa jeune chienne croisée border collie et berger australien. Une fois les salutations terminées, nous nous installons au frais, dans le salon familial.

De la fenêtre, on peut apercevoir un jardin luxuriant où poussent une multitude de plantes, un citronnier chargé de fruits, un figuier à la récolte prometteuse, des fleurs par dizaines et ce robinier faux-acacia au feuillage dense sous lequel Marielle Tissot prendra place ensuite lors de la séance photo. La raison de notre rencontre avec la sémillante Neuchâteloise de bientôt 55 ans n’a pourtant à voir ni avec le monde des canidés ni avec celui des jardins. Si nous la retrouvons ce jour-là, c’est pour évoquer son rôle de présidente de l’Association romande de lutte suisse féminine (ARLSF). Un poste que Marielle Tissot occupe depuis la création de la faîtière en 2019 et dont elle est la principale instigatrice. «Les femmes s’adonnent à ce sport depuis le début des années 1980, mais l’ont fait longtemps sans véritable encadrement. Il était temps de rassembler ces athlètes et de fédérer la discipline», explique-t-elle.Issue d’une famille de lutteurs

Les femmes s’adonnent à ce sport depuis le début des années 1980, mais l’ont fait longtemps sans véritable encadrement. Il était temps de rassembler ces athlètes et de fédérer la discipline

Quatre ans après sa fondation, l’ARLSF compte plus de 30 adhérentes, jeunes et actives confondues (elles sont 200 à l’échelon fédéral). C’est bien moins que les effectifs de l’Association romande de lutte suisse masculine, qui affiche quelque 500 membres au total. Preuve s’il en est qu’en 2023, la bataille pour une meilleure représentativité des femmes dans la sciure n’est pas (encore) gagnée. «Cela reste un sport d’hommes avant tout, particulièrement chez nous. Du côté alémanique, les lutteuses sont mieux perçues et le fossé n’est pas aussi grand», assure Marielle Tissot.

La Schwytzoise Sonia Kälin, 38 ans, sacrée reine de la Fête fédérale à quatre reprises (en 2012, 2015, 2016 et 2017), bénéficie d’ailleurs d’une notoriété identique à celle de ses alter ego masculins, comme Kilian Wenger, Matthias Sempach ou Christian Stucki, véritables stars outre-Sarine. «En Suisse romande, c’est une autre histoire», insiste Marielle Tissot. La quinquagénaire a elle-même connu ces barrières lorsqu’elle était plus jeune. Avec un père et un frère qui ont tous deux revêtu la culotte, elle est cependant issue d’une vraie famille de lutteurs. «Je n’étais âgée que de deux semaines quand mes parents m’ont emmenée à ma première fête. Je peux dire que je suis tombée dans la sciure toute petite», raconte-t-elle. À 12 ans, alors qu’elle passe ses week-ends à regarder son cadet enchaîner les passes, elle exprime son envie d’y aller elle aussi. «Ma mère a répondu que c’était exclu, que ce n’était pas un sport de fille.

Je connaissais pourtant les prises par cœur, j’étais complètement mordue», poursuit cette mère de cinq enfants – elle a une fille et quatre garçons âgés de 15 ans à 21 ans – qui ont tous pratiqué la lutte. Ce qu’elle aime dans ce milieu, dit-elle, ce sont d’abord les valeurs sportives. «On se serre la main, le vainqueur essuie la sciure du dos du perdant. On se charrie au bord du terrain, mais l’ambiance est toujours bon enfant.»

Adolescente, elle y a également trouvé une seconde famille au moment d’affronter l’épreuve la plus difficile de sa vie. «Mon frère est décédé tragiquement dans un accident de la route à l’âge de 15 ans. Nos amis lutteurs nous ont énormément entourés, mes parents et moi, tout le monde a fait preuve d’une solidarité incroyable», esquisse-t-elle. Un événement qui a marqué un tournant dans l’existence de Marielle Tissot et qui explique en partie le lien si fort qui l’unit à ce sport national. «J’apprécie aussi le côté patrimonial et le folklore des fêtes: le yodel, les lanceurs de drapeau, le cor des Alpes, c’est un monde à part et un peu hors du temps…»

Une carrière éclectique

Après une formation de téléphoniste et un premier emploi comme répondante du 111 – le fameux numéro de service de renseignements opérationnel jusqu’en 2006 –, Marielle Tissot entre ensuite à la police cantonale neuchâteloise, où elle œuvre comme secrétaire pendant quatorze ans, jusqu’à l’arrivée de son premier enfant. Parallèlement, elle se forme comme masseuse sportive, rebouteuse et réflexologue. Des compétences qu’elle met aujourd’hui au service du Team Romandie Espoirs.

Au bord des ronds de sciure, où tout le monde la connaît, la Neuchâteloise est souvent sollicitée afin de dénouer une épaule ou soulager un dos douloureux. Elle œuvre également comme secrétaire des jurés romands de l’association masculine. Autant de missions qui occupent une grande partie de son temps. Surtout que cette saison, pas moins de six fêtes féminines sont organisées en terres romandes. Avec, comme point d’orgue de la saison pour les athlètes, la Fête fédérale qui aura lieu début septembre en Valais. Car, contrairement aux hommes, dont l’événement est organisé tous les trois ans, ce grand rendez-vous a lieu chaque année pour les femmes.

Son univers

Une région
Neuchâtel, entre le lac et les montagnes!

Un plat
La fondue, partagée en famille ou entre amis. Normal, avec un fils apprenti fromager!

Un livre
Il y en a trop, ayant toujours été férue de lecture, je ne peux pas en citer un en particulier. Mais j’aime surtout les ouvrages qui ont une base historique.

Un animal
Ma chienne «Opale», et aussi les chats. En fait, j’aime tous les animaux, sauf les araignées.

+ d’infos
www.arlsf.ch

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