Le pâtissier voyageur qui sublime les produits de la ferme familiale

Au pied de la Dent-de-Vaulion (VD), le trentenaire transforme le lait et la viande de l'exploitation en desserts et produits traiteurs. Toujours prêt à essayer de nouvelles recettes, il propose sa gamme de délices sur des marchés.
10 mai 2025 Margaux Mauran 
© François Wavre / Lundi 13

La météo a beau être radieuse ce matin, il fait encore frais à 1000 m d’altitude. La terre est gelée et la nature quitte doucement sa torpeur hivernale. À la Bergerie du Petit Boutavant, à Vaulion (VD), l’activité du pâtissier-confiseur Aloïs Rempe reprend elle aussi après une pause annuelle de trois mois.

«Après la vente des bûches de Noël, nous arrêtons les activités de transformation à la ferme, explique le Vaudois, tout en préparant la garniture de feuilletés salés. Cela nous permet de nous reposer. Et les clients sont d’autant plus contents de retrouver nos produits à notre retour.»

Une enfance à l’alpage

La vie d’Aloïs Rempe a toujours été rythmée par les saisons: petit, il passe ses étés dans un alpage du Jura vaudois avec ses parents qui sont alors bergers. L’hiver, ceux-ci tiennent une buvette dans un chalet au confort rudimentaire. C’est dans cet environnement qu’Aloïs, son petit frère et sa petite sœur traversent la saison froide. Au rayon des souvenirs, le pâtissier garde en premier lieu celui de la tarte aux noix que sa maman préparait pour les clients. «J’ai retrouvé la recette de ce dessert, raconte Aloïs Rempe, amusé. Mais je l’ai un peu modifiée, car elle était franchement chargée en sucre! La nouvelle version se vend très bien aujourd’hui.»

Lorsque le jeune homme a 12 ans, ses parents s’associent à l’éleveur Pascal Viande pour reprendre les 17 hectares du domaine du Petit Boutavant. Les locaux étant délabrés, les deux familles se lancent dans de grosses rénovations avant de démarrer l’élevage de brebis, de cochons et la fabrication de fromage. «À cette époque, les gens disaient que ça ne fonctionnerait pas, raconte aujourd’hui le trentenaire. Nous ne correspondions pas au modèle classique d’une exploitation économiquement rentable.»

Des grands hôtels à la coloc

Au moment de choisir une formation, le jeune homme opte pour la pâtisserie. «Quand j’étais plus jeune, j’ai fait pendant deux étés la plonge dans l’ancien chalet des Croisettes, près du col du Mollendruz (VD). J’aimais bien le rythme qui régnait en cuisine, et un chef à la fois cool et intéressant m’a marqué. C’est grâce à lui que j’ai voulu explorer ce domaine, relève-t-il. Je me suis plus précisément orienté vers la pâtisserie après avoir effectué quelques stages.»

Ensuite, il effectue ses trois années d’apprentissage dans une boulangerie-pâtisserie de la vallée de Joux. Peu à peu, la soif de découvertes se fait sentir: le Vaudois souhaite étoffer ses compétences et découvrir de nouveaux horizons. Pendant près de sept ans, Aloïs Rempe devient alors saisonnier. «Ce mode de vie m’a permis de multiplier les expériences, notamment dans les cuisines des grands hôtels de stations de ski, à Verbier ou Crans-Montana (VS). J’ai pu compléter mes connaissances en pâtisserie et apprendre la boulangerie aux côtés de personnes expérimentées.»

Son univers

Un ingrédient

«La farine. Je suis passionné par les produits dont elle constitue la base.»

Un pays

«Madagascar. J’y suis allé cet hiver pour œuvrer un mois dans une école avec ma compagne.»

Un objet

«Mon snowboard. J’ai passé beaucoup temps dans les alentours du téléski de Vaulion où mon papa a travaillé.»

Un pâtissier

«Cédric Grolet. Je le suis sur les réseaux sociaux, ses créations sont magnifiques.»

Décès subit

Aloïs Rempe a la bougeotte. Chaque année entre les saisons, lorsqu’il ne travaille pas, il voyage. «J’ai découvert l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Afrique», énumère le trentenaire. Mais en 2020, la pandémie de Covid survient et la maman du jeune homme décède d’un cancer.

La famille est aidée d’amis, la vie à la ferme se réorganise et Aloïs s’y installe à nouveau. Il privilégie la seconde main pour équiper le laboratoire de pâtisserie qui voit le jour dans une ancienne grange. La maison familiale, elle, se mue en une grande colocation où vivent actuellement Aloïs, sa compagne, sa petite sœur, une amie et les deux fromagers qui travaillent à la ferme avec son papa.

Le plaisir des marchés

Lorsque le Vaudois rentre au bercail, les produits du Petit Boutavant bénéficient déjà d’une certaine renommée: la famille Rempe est présente sur les marchés depuis une dizaine d’années et régale la clientèle de viande et de fromage de brebis. Le pâtissier s’emploie donc progressivement à élargir la gamme des délices proposée à Lausanne, à Morges, à Nyon ou au Sentier (VD). «Je tiens beaucoup au lien avec la clientèle, les gens nous font des retours chaque semaine, cela m’encourage à satisfaire leurs envies et leur curiosité, c’est très stimulant.»

J’ai eu la chance de démarrer mon activité en disposant déjà d’un canal de vente établi.

Aloïs Rempe se plaît à inscrire son activité de pâtisserie dans la vie de la ferme. «En début de saison, les brebis produisent beaucoup de lait, j’en profite pour proposer des recettes de flans. Avant l’hiver, nous abattons des bêtes, je déploie donc plusieurs variétés de produits salés à base de porc et d’agneau, j’ai pu me former à la transformation de la viande avec un ami.»

Lorsque nous nous apprêtons à quitter la ferme, le pâtissier repasse une quatrième fois la pâte feuilletée en devenir dans le laminoir: cette tâche, à laquelle Aloïs Rempe s’est attelé plusieurs fois au cours de l’entretien, nous rappelle tout le soin mis dans l’élaboration d’un produit artisanal. C’est aussi l’occasion d’apprendre que 30% de la farine utilisée est complète. «Et ça, à ma connaissance, peu de professionnels le proposent dans la région», conclut-il avec une pointe de fierté.

+ d’infos: Le Petit Boutavant

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