Entre deux rives, le grand bain et un souffle de liberté

Que ce soit sur les lacs de Morat, Neuchâtel, Zurich ou sur le Léman, il est désormais courant de voir de petites bouées orange se déplacer à une distance plus ou moins grande du rivage. La bouée fait partie du kit de survie du baigneur en eau libre, lui permettant de signaler sa présence aux bateaux et de s’assurer une flottaison en cas de crampe ou d’autres problèmes.

La présence croissante de ces points orange sur nos lacs serait-elle l’indice d’une pratique qui fait toujours plus d’adeptes?

Succès récent

«Avec la fermeture des piscines pendant le Covid, les gens ont commencé à aller nager au lac. Au début, chacun faisait un peu comme il pensait sans trop demander de conseils. Et puis, au fil du temps, les nageurs ont cherché à améliorer aussi bien leur technique que leur équipement», explique Swann Oberson, championne du Monde 2011 de nage en eau libre et participante aux Jeux olympiques de Pékin en 2008 et de Londres en 2012.

La trentenaire a fondé la Swim Academy, une école de natation à Genève, et propose un accompagnement personnalisé pour les personnes qui découvrent la nage en eau libre ou veulent s’entraîner en vue d’une course. «Ce que j’enseigne le plus, c’est s’orienter sur le lac, choisir un point de repère et observer le vent et les courants», ajoute Swann Oberson.

Ce sport offre une immersion totale dans la nature. À l’image d’une randonnée en forêt, il n’y a rien qui arrête les nageurs.

La discipline s’est trouvé une alliée dans la nage en eau froide. «On a vraiment remarqué que les gens ont commencé à venir dans l’eau lors du confinement, en mars et avril, lorsque l’eau était froide, puis ils ont continué», relève Yves Bellini, vice-président de la manifestation Tout Vevey Nage.

Un constat partagé par Olivier Boillat, responsable du groupe Baigneuses et Baigneurs de l’Association d’usagers des Bains des Pâquis: «Il y a toujours eu des gens qui se baignaient dans le lac, mais en général seulement pendant les mois d’été. Aujourd’hui, on a des nageurs toute l’année, c’est une expansion vraiment importante de cette pratique.»

Sans aucune limite

Quand on évoque les bienfaits de la nage en eau libre, le sentiment de liberté surgit en premier. «Ce sport offre une immersion totale dans la nature. À l’image d’une randonnée en forêt, il n’y a rien qui nous arrête, pas de bord de piscine devant nous, ça a un côté méditatif», explique Katy Jolidon, membre de la Société de sauvetage et de vigilance nautique de Neuchâtel qui organise la traversée Marthe Robert.

Les plus frileux se munissent d’une combinaison en néoprène. Si la combinaison facilite la flottaison, et plaît pour cette raison aux débutants, elle est moins appréciée des bons nageurs. Ces derniers préfèrent être en contact direct avec l’eau et la plus grande liberté de mouvement que cela procure, constate Yves Bellini. De plus, selon le spécialiste, la nage est une pratique douce – on ne sort pas du lac avec des courbatures – et qu’on peut pratiquer à tout âge.

De plus en plus de courses

À côté de la nage en solitaire, une offre de courses populaires et de traversées s’est développée dans plusieurs plans d’eau helvétiques. Certaines d’entre elles, qui existent depuis longtemps mais ne réunissaient jusqu’alors qu’un petit cercle d’adeptes, ont connu un bel essor ces dernières années. C’est le cas notamment de la traversée Marthe Robert du côté du lac de Neuchâtel, qui porte le nom de la première femme à avoir relié les deux rives du lac à la nage en 1904, à seulement 16 ans.

«En 2021, quand on a relancé la traversée, on a eu un peu moins de 40 nageurs pour 20 bateaux (ndlr: une embarcation assure la sécurité de deux nageurs). Cette année, pour notre cinquième édition, on attend environ 90 nageurs pour une cinquantaine de bateaux», explique Katy Jolidon.

À Genève, un groupe de baigneurs a mis sur pied en 2016 «La Traversée», qui propose de relier à la nage Genève-Plage aux Bains des Pâquis. «J’ai lancé le projet il y a dix ans en en parlant à mes connaissances. On a réuni 60 nageurs la première année. Vu le succès, on a ouvert à 600 et aujourd’hui, pour notre neuvième édition, on est à 1200 participants», explique Olivier Boillat.

Terrain de jeu exceptionnel

Sur la Riviera vaudoise, Tout Vevey Nage, une manifestation organisée depuis des décennies par le club Vevey Natation Riviera, s’est trouvé un nouveau public. «C’était une course assez confidentielle avec 50 à 60 nageurs par édition», se rappelle Yves Bellini qui a repris la gestion de l’événement il y a trois ans. Pour sa deuxième édition en 2024, la course a battu tous les records de participation, avec plus de 250 nageurs inscrits.

«Je suis trop heureuse de voir l’ampleur que prend ce sport et le bien-être qu’il procure aux gens», se réjouit Swann Oberson. La Suisse, avec sa diversité de lacs, offre un terrain de jeu unique en Europe qui devrait convaincre de nouveaux amateurs de se jeter à l’eau.