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Les écoles suisses se verdissent pour enseigner la durabilité aux élèves

De plus en plus d’établissements encouragent les classes à mener des projets liés à l’écologie. Si le canton de Genève est pionnier, Vaud a récemment créé une cellule dédiée pour renforcer ces pratiques.

Les écoles suisses se verdissent pour enseigner la durabilité aux élèves

Devant l’école privée La Découverte, dans le quartier de Sécheron (GE), les haies ont été arrachées pour laisser place à un joli potager en carré donnant sur la rue. Sur la parcelle, 18 élèves munis de bottes, râteaux et arrosoirs travaillent gaiement la terre et récoltent les derniers légumes d’automne. Ces jardiniers amateurs âgés de six à douze ans sont des écoguides. Peu après la rentrée, ils ont été élus par leurs camarades pour faire partie de la commission écologie de l’établissement, créée l’année dernière. Toutes les deux semaines, la petite équipe se retrouve sur son temps de pause, entre midi et treize heures, pour organiser des projets durables au sein de l’école, accompagnée de quatre enseignantes. «Nous nous sommes rendu compte que les élèves se préoccupaient beaucoup de l’écologie. Nous avons donc proposé aux plus motivés de mener une campagne sur les causes qui leur tenaient à cœur, expliquent deux d’entre elles, Anne-Laure Falconnet et Emilie Shaw. L’idée n’est pas de sauver les ours polaires, mais de réaliser des actions concrètes sur place. Nous avons été étonnées de voir autant d’engagement et de conviction!»

 

Mettre les élèves à contribution

Lors de la première réunion, les enfants ont partagé leurs idées puis se sont divisés en sous-commissions. «Dans mon groupe, on va essayer de motiver les autres à venir plus souvent en transports en commun, lance fièrement Yohan, 12 ans. Un garage à vélo devrait aussi être construit.» «Moi, je ne me déplace déjà qu’à trottinette!» se félicite Olivia, sa voisine. Milo, Lucia, Mia et Sofia vont quant à eux tenter de diminuer l’utilisation du plastique au quotidien, par exemple dans les emballages de goûters, tout en promouvant les objets de seconde main. «On aimerait organiser des trocs de jouets, avec des peluches ou des puzzles.» Le jardin sera agrandi et un système de récupération d’eau de pluie pour l’arrosage sera mis en place. «Pour y arriver, on va demander des conseils à un botaniste et à un plombier», expose Maïa. Si les écoguides sont si confiants, c’est que l’an dernier s’est soldé de plusieurs victoires, dont la création du potager, après avoir reçu l’autorisation de la Ville. «Les élèves ont d’abord contacté les autorités par courrier, puis ils ont envoyé un échantillon de terre en laboratoire pour le faire analyser. Enfin, ils ont budgétisé le projet et mesuré la parcelle pour construire les bacs. Cela a permis de travailler le français, les mathématiques et la biologie, se réjouit Anne-Laure Falconnet. De plus, des voisins nous ont donné des graines. Ce projet crée des liens dans le quartier.» Le printemps venu, certains fruits et légumes récoltés ont même pu être cuisinés à la cantine. «Nos tomates sont bien meilleures que celles du supermarché», assure Thibault, ravi.

 

Plateforme et kits pédagogiques

Si de plus en plus d’écoles incluent la durabilité dans leur programme, le Canton de Vaud a récemment tenu à renforcer ces pratiques, en créant une cellule dédiée au sein du Département de la formation, de la jeunesse et de la culture. Ainsi, un «référent durabilité» sera nommé dans chaque établissement. En parallèle, une plateforme à destination des enseignants propose des rencontres et des formations sur le sujet. Sa version en ligne, baptisée www.ecolevaudoisedurable.ch, met à disposition des ressources scientifiques sur la biodiversité, l’énergie ou la mobilité. «Nous offrons aussi des kits pédagogiques pour apprendre à fabriquer des potagers ou des hôtels à insectes. Il est important de centraliser ces informations et de mettre à contribution les élèves», déclare Gaëlle Keim, déléguée départementale à la durabilité. Au-delà des activités pratiques, l’éducation à la durabilité est désormais mise en avant dans les grilles horaires de l’enseignement obligatoire. «Depuis la rentrée, un guide indique quand ces enjeux peuvent être abordés dans le plan d’étude, que ce soit en sciences de la nature, en histoire ou en art.»

Ailleurs en Suisse, le canton de Genève est pionnier. En plus d’organiser de nombreux projets, concours, ateliers et formations autour de cette thématique depuis plus de dix ans, l’apprentissage du développement durable a récemment été intégré dans le plan d’études des écoles de culture générale, et le sera dans les plans des filières gymnasiale et commerciale. «Depuis les marches pour le climat, les élèves passent davantage à l’action, remarque Claudine Dayer Fournet, responsable de ce pôle au Département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse. Parler d’environnement au sens large leur permet de s’ouvrir au monde, de collaborer entre eux et de développer leur esprit critique ainsi que leur créativité. Ce sont des compétences essentielles pour leur avenir, que l’école se doit de valoriser.»

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): NICOLAS RIGHETTI/LUNDI13

Un label écolo

En Suisse, 73 établissements scolaires participent à Eco-Schools. Créé au Danemark en 1994 et développé dans le pays par l’association J’aime ma Planète, ce programme éducatif et label international permet aux écoles de s’engager dans une démarche de durabilité et de valoriser les résultats, tout en bénéficiant d’un suivi personnalisé. Parmi les projets accompagnés, une optimisation de la gestion de déchets à la crèche Pomme d’Happy, à Lausanne, ainsi que la création d’un jardin pédagogique au collège Champittet, à Nyon (VD).

+ d’infos

questions à...

Alain Pache, professeur à la Haute École pédagogique de Lausanne, spécialisé dans l’éducation à la durabilité

Existe-t-il une formation spécifique pour les futurs enseignants?

Oui. Depuis la rentrée, un atelier obligatoire figure au programme du niveau primaire, afin de les mettre à l’aise avec les enjeux de la durabilité. On y apprend des bases scientifiques, des notions de psychologie et des manières de relier ce thème à d’autres disciplines. C’est un grand pas.

Les professeurs en place sont-ils aussi soutenus?

Bien sûr. Nous organisons des activités et cours dans les écoles, en lien avec la durabilité. Les professeurs sont très demandeurs de formation et d’accompagnement, car certains donnent actuellement beaucoup de leur temps libre pour mettre sur
pied ce genre de projet. Il faut légitimer et valoriser ce travail. Un module va aussi être créé pour former les directeurs.

Quelle est la meilleure manière d’enseigner la durabilité aux élèves ?

Nous misons sur la pédagogie de projet, qui consiste à entreprendre des activités concrètes avec eux. Sortir de l’école pour rencontrer des acteurs du changement, tels que des ONG et des entreprises, est aussi important. L’action permet la transformation individuelle de chacun. Mais cela doit toujours s’accompagner d’une réflexion en lien avec le plan d’études.