Reportage
Le premier producteur d’orchidées du pays sait se montrer patient

Les pépinières spécialisées dans la culture de ces plantes ornementales sont extrêmement rares. Aux portes de Zurich, l’entreprise de Hanspeter Meyer aiguise son savoir-faire depuis des décennies.

Le premier producteur d’orchidées du pays sait se montrer patient

Si la zone industrielle de Wangen (ZH) est grise et morne en ce début d’hiver, l’ambiance est tout autre une fois franchie la porte de Meyer Orchideen. Un univers tropical coloré accueille en effet le visiteur, l’entreprise familiale s’étant spécialisée dans les orchidées. Au point de devenir le plus important producteur de Suisse – et de loin! –, l’immense majorité des plants disponibles dans le commerce étant importés de l’étranger. «Cette culture requiert énormément de savoir-faire, notamment pour les espèces moins répandues, où les connaissances manquent, note le directeur Hanspeter Meyer. Il faut beaucoup de patience, certains spécimens demandant jusqu’à une dizaine d’années de soins avant de pouvoir être mis en vente, et donc une assise financière non négligeable.»

Ce jour-là, quelques clients font leur choix dans le magasin en vente directe. Ceux-ci sont émerveillés par la diversité de feuillages et de coloris, parfois très rares, et découvrent un monde végétal bien plus vaste que celui des grandes surfaces, qui se résume aux orchidées classiques. «Bien que l’espèce Phalaenopsis – la plus connue – constitue notre culture principale, nous proposons des variétés très peu communes, s’enthousiasme le Zurichois. Les sabots de Venus sont une de nos spécialités: il en existe une multitude de sortes.»

La durabilité pour objectif
Dans les serres, des milliers de plants plus ou moins jeunes attendent le moment opportun pour être commercialisés. La reproduction des orchidées exigeant un milieu très particulier, des laboratoires spécialisés – à Taïwan, en Hollande, en Belgique ou en Allemagne – se chargent de répliquer les végétaux in vitro dans un environnement stérile, avant qu’ils ne rejoignent l’entreprise alémanique. La culture dure ensuite plusieurs années en serre climatisée. «On peut influencer précisément la floraison des Phalaenopsis grâce à une maîtrise parfaite des températures, explique le quinquagénaire. Lorsque leur feuillage est suffisamment développé, les plants sont transférés dans une serre plus fraîche et lumineuse.»

Tout est contrôlé par ordinateur. L’entreprise s’est donné pour objectif de rendre la production le plus durable possible, alors même qu’elle est particulièrement gourmande en ressources, une partie des serres étant chauffées à 28°C. Des efforts qui ont été récompensés par le Prix suisse de l’énergie en 2020. «Nous sommes complètement neutres du point de vue climatique depuis 2012, n’utilisant plus d’énergies fossiles, se réjouit Hanspeter Meyer. La durabilité s’impose aussi dans la culture, avec un substrat sans tourbe, contrairement à la Hollande. Des essais pour remplacer les pots en plastique sont par ailleurs en cours.»

De nouvelles tendances
Pour faire face à la concurrence et se démarquer des produits de masse disponibles en grande surface, Hanspeter Meyer propose des Phalaenopsis avec des coloris rares ou de grosses fleurs. L’entreprise privilégie ainsi toujours plus les orchidées peu communes. Depuis plusieurs années, le blanc est très tendance, tout comme les teintes vives. Selon la saison, certaines ont plus de succès que d’autres – le jaune au printemps, les couleurs chaudes en hiver. Le parfum des fleurs prend également de l’importance et devient un critère pour les consommateurs.

Des variétés inédites étant régulièrement sélectionnées, l’entreprise zurichoise en teste chaque année, en petite quantité. «La diversité des orchidées me fascine. Il est néanmoins difficile de savoir si celles-ci vont plaire à la clientèle, d’autant plus que la durée entre la mise en culture et la vente peut être longue.» Si le directeur ne devait citer qu’une orchidée qui tient une place particulière dans son cœur, ce serait naturellement la variété Sabine Meyer. «Je l’ai découverte à Taïwan, chez un modeste sélectionneur. Le contraste entre ses tons jaune et noir m’a immédiatement fasciné. Je suis le seul à la commercialiser en Europe et ai pu ainsi la baptiser en l’honneur de mon épouse.»

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): Véronique Curchod

En chiffres

  • 400’000 plants d’orchidées sont produits chaque année par l’entreprise Meyer. Cette culture a démarré en 1975.
  • 2 à 10 ans, le temps de croissance avant la mise en vente.
  • 400 espèces différentes, dans de multiples variétés. Environ 60% d’entre elles proviennent d’Allemagne, le reste de Hollande, de Belgique et de Taïwan.
  • 16’000 m2 de surface et 25 employés.
  • 2/3 de la production sont vendus aux jardineries, 1/3 en direct
    + d’infos www.swissorchid.ch

Une fleur au succès mondial

Dans la nature, les orchidées – toutes protégées – sont répandues de l’Asie à l’Amérique du Sud, en passant dans une moindre mesure par l’Europe et l’Afrique. En Suisse, près de 70 espèces sont répertoriées. Elles se raréfient cependant, en raison notamment de leur mode de reproduction; celui-ci nécessite la présence d’un champignon dans le sol, avec lequel ces plantes vivent en symbiose. Plus de 90% des orchidées vendues dans notre pays ont été produites en Hollande – qui en écoule 120 millions par année. Le reste provient d’autres pays européens, l’Allemagne en tête. Le commerce de ces fleurs est toutefois strictement réglementé, l’import n’étant possible qu’avec un permis CITES, qui vise à sauvegarder la flore menacée d’extinction. En outre, un certificat sanitaire est obligatoire. Il existe 30’000 espèces différentes d’orchidées au monde, dont 200 sont régulièrement mises sur le marché. Celles-ci se déclinent en de multiples variétés – près de 5000 pour les fameuses Phalaenopsis. Le succès de ces dernières repose avant tout sur leur durée de floraison de près de trois mois. Les prix varient entre 10 et plus de 1000 francs en fonction de leur rareté.