Portrait
Le futur astronaute Marco Sieber vise la Lune depuis l’hôpital de Bienne

Le Bernois de 33 ans vient d’être choisi par l’Agence spatiale européenne (ESA) pour partir à la conquête de l’espace. Il est le deuxième Suisse à connaître cet honneur après Claude Nicollier.

Le futur astronaute Marco Sieber vise la Lune depuis l’hôpital de Bienne
Son curriculum vitae a de quoi donner le vertige. Après avoir obtenu son diplôme au gymnase de Berthoud (BE) en 2007, Marco Sieber devient éclaireur au sein des parachutistes du commando des forces spéciales de l’armée. Il s’inscrit ensuite en médecine à l’Université de Berne, après avoir hésité un temps à étudier la criminologie, car le métier d’enquêteur l’attirait. En 2015, il termine premier de sa promotion. Puis il s’envole pour le Kosovo, trois ans plus tard, afin d’œuvrer en tant que médecin au sein de la Swisscoy.De retour au pays, il se forme à la médecine d’urgence, avant de rejoindre Air-Glaciers. Également titulaire d’une licence de vol, le trentenaire parle couramment le bärndütsch, l’allemand, le français et l’anglais, en plus de bases d’italien et d’espagnol. Si l’espace l’a toujours attiré – il se souvient avoir voulu construire une fusée avec son frère quand il était enfant – il n’en fait pas un objectif de carrière. Il se prend toutefois à rêver des étoiles à l’issue d’une discussion avec des amis. Le soir, il lit alors volontiers des ouvrages d’astronautes, comme Samantha Cristoforetti ou encore Timothy Peake, afin de découvrir un monde dont il ignore encore tout.

Dès 2014, il commence à suivre l’Agence spatiale européenne (ESA) sur les réseaux sociaux. Il s’inscrit même à la newsletter de l’institution dans le but d’obtenir les dernières informations. Jusqu’au jour où l’annonce tant attendue tombe. «Quand j’ai vu que l’ESA cherchait les astronautes de demain, je me suis lancé. C’était
l’occasion ou jamais, confie l’urologue, en visioconférence depuis un local de l’hôpital de Bienne où il est encore employé. J’ai été très minutieux dans la rédaction de ma lettre de motivation. Je ne pensais pas être choisi!»

Une rude concurrence
Comme lui, près de 23‘000 personnes de l’ensemble du continent se portent candidates. La sélection dure un an et demi. Marco Sieber cumule les tests et les entretiens en toute discrétion – mais avec le soutien de sa famille – continuant à exercer son métier en parallèle. «Je n’y pensais pas tout le temps, mais c’étaient quand même les montagnes russes émotionnelles, indique-t-il. Depuis petit, j’ai toujours essayé de travailler pour avoir les meilleures chances de faire ce dont j’ai envie.» Afin de se changer les idées, il enfourche alors volontiers son VTT pour arpenter l’Oberland bernois si cher à son cœur. Il lui arrive également de parcourir cette région skis de randonnée aux pieds, quand il ne la survole pas en parapente. «J’aime être en montagne, au grand air, explique le jeune homme, qui apprécie par ailleurs de glisser sur les vagues en kitesurf. Jouer avec les éléments me plaît beaucoup.»

Finalement, en novembre dernier, c’est la consécration: l’ESA annonce au monde entier qu’elle l’a choisi pour rejoindre la nouvelle promotion d’astronautes. La Suisse n’avait pas connu un tel honneur depuis la désignation de Claude Nicollier, il y a plus de trente ans. «C’est un rêve, affirme Marco Sieber. Je suis toujours étonné d’avoir passé la sélection face à des candidats aussi incroyables. C’était tellement intense! Pouvoir prendre part à des expériences scientifiques à ce niveau est fascinant. Peu de personnes ont eu la chance de vivre cela.»

À la fin janvier, il quittera son poste à l’hôpital de Bienne – avec un pincement au cœur, admet-il – pour emménager à Cologne (D) où il intégrera le campus de l’ESA. Marco Sieber, qui n’a cessé d’enchaîner les formations depuis sa maturité, se réjouit de retrouver les salles de cours dès le mois d’avril et de découvrir ses collègues. Scientifiques, biologistes, ingénieurs, le médecin a hâte de les rencontrer, de développer également ses connaissances dans des domaines variés à la pointe du savoir actuel.

Dépasser ses propres limites
«J’ignore ce qu’il se passera par la suite. L’ESA m’enverra peut-être aux États-Unis, selon leurs besoins. Il faut être flexible et prêt à partir à tout moment pour je ne sais quelle mission. J’aimerais bien rejoindre la station spatiale internationale (ISS) ou aller sur la Lune, bien sûr. Tout le monde rêve d’y marcher, non? Mais cela ne dépend pas de moi. Devenir astronaute est une aventure et une grande responsabilité.» Adorant relever les défis, il refuse toutefois qu’on le décrive comme une tête brûlée en recherche d’adrénaline pure. «J’ai bien sûr ressenti de la tension lorsque j’ai réalisé mes premiers sauts en parachute tout seul, mais j’ai surtout toujours voulu dépasser mes propres limites. Je n’ai jamais pris de risques inconsidérés. J’apprécie de prendre des décisions rapides et précises en sachant rester calme dans une situation stressante. L’armée m’a beaucoup appris dans ce domaine.»

Marco Sieber reconnaît d’ailleurs volontiers qu’il ignore quels sentiments l’envahiront, si un jour il aperçoit la Terre de haut depuis un hublot. «Ça ne me fait pas peur. Il paraît que la voir dans son entier, sans frontières et fragile, est magnifique, raconte-t-il. On appelle ça l’overview effect. J’espère avoir la chance un jour de pouvoir partager avec le monde entier mes photos ou vidéos prises de l’espace, afin d’éveiller l’intérêt des gens pour la science et la protection de la Terre. Le rôle des astronautes est également de sensibiliser la population à la fragilité de notre globe.»

+ d’infos www.esa.int

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): ESA/P. Sebirot

Son univers

Un livre

Guide d’un astronaute pour la vie sur Terre, de Chris Hadfield:  «Les ouvrages sur l’espace que j’ai lus prennent aujourd’hui une nouvelle dimension à mes yeux.»

Un plat

La fondue! «J’ai toujours aimé le fromage chaud, que l’on mange en bonne compagnie.»

Une chanson

«Apollo 11», de Patent Ochsner. «Un clin d’œil à ma future profession!»

Un lieu

L’Oberland bernois:  «Sa nature préservée m’apaise.»