Huit mois après son lancement, le Franc Paysan voit plus grand

Inspirée à la fois des monnaies locales et des bons d'achat, cette devise consacrée au terroir a réussi à séduire les communes et les producteurs. Des commerces comme les épiceries et les restaurants peuvent désormais faire partie du réseau.
20 mai 2025 Lila Erard
© Joachim Sommer

En septembre dernier, les coupures colorées de 1, 5, 20 et 50 Francs Paysans (FP) faisaient leur apparition en Romandie. Lancée par l’association du même nom, cette devise thématique visait à redynamiser la vente directe de produits agricoles locaux, mise à mal après la pandémie, en s’inspirant à la fois des monnaies locales et des bons d’achat.

Le projet pilote étant terminé, un premier bilan a été présenté jeudi dernier. Résultat: sur 50 000 FP imprimés, 35 325 ont été vendus entre les mois de septembre et d’avril. «Nous pensions que cela partirait un peu plus vite, mais c’est déjà très encourageant», déclare le président Aurélien Roger.

Volonté politique

Parmi les acheteurs, on compte quelques particuliers, des entreprises, mais surtout des communes telles que La Tour-de-Peilz et Blonay (VD). Dans le district de Morges (VD), la Municipalité de Lully s’en est procuré plusieurs milliers, qu’elle s’apprête à proposer à ses habitants avec 20% de bonus.

«Cela signifie que pour 100 FP acheté, ils ne paieront que 80 francs. Cet argent pourra être dépensé auprès de viticulteurs et maraîchers du territoire, expose Jean-François Rubin, municipal de la transition écologique. Cela découle d’une volonté politique de favoriser les circuits courts, conformément à notre récent Plan climat.»

De 15 à 70 points de vente

Pour Aurélien Roger, cette initiative répond parfaitement aux objectifs de l’association. «Générer une plus-value financière est essentiel pour qu’une monnaie complémentaire fonctionne. Dans cette optique, nous démarchons aussi des entreprises pour qu’elles versent un certain montant à leur équipe.

En Suisse, ce type de prime est exempt de cotisations sociales jusqu’à 500 francs par personne et par an. Mais jusqu’à présent, il a été plus difficile de les convaincre.» Aujourd’hui, septante points de vente vaudois acceptent ces billets d’un nouveau genre, contre seulement quinze en septembre. «Le bouche-à-oreille fonctionne bien. Nous avons même eu des demandes dans le Jura et en Valais», se réjouit le président.

Un traçage des billets

Au domaine viticole du Brantard, à Denens (VD), cette devise a attiré de nouveaux clients. «En tout, 1200 FP ont été encaissés. Ce n’est que du positif! Il a fallu apprendre à s’organiser différemment, en ayant deux caisses distinctes. Ainsi, nous pouvons rendre la monnaie en FP, afin que cet argent reste dans le secteur du terroir», explique la vigneronne Isaline Sauty, qui précise que la cotisation à l’association – d’un montant de 50 francs par année – était offerte durant le projet pilote.

Pendant cette période, les billets ont été numérotés et tracés, afin de suivre leur trajet. «Cela a permis de voir que 6909 FP ont été effectivement dépensés chez 18 producteurs. De plus, 694 FP édités comme fonds de caisse chez des agriculteurs se sont retrouvés dans d’autres points de vente, ce qui montre qu’il y a eu une vraie circulation», décrit Aurélien Roger.

Celui-ci ajoute que quatre producteurs ont rééchangé une partie de leur pécule en francs suisses, sans dévaluation. «Cela est prévu dans notre fonctionnement, car le FP est un outil transitoire destiné à l’alimentation, qui n’a pas vocation à instaurer un système d’échange entre tous les acteurs économiques, comme certaines monnaies locales.»

Version numérique envisagée

Parmi les nouveautés, un statut de «membre commerçant» a été introduit lors de l’assemblée générale, jeudi passé. Ainsi, les intermédiaires tels que les épiceries, restaurants et caves peuvent utiliser les FP reçus de leurs clients pour se fournir chez des agriculteurs. «De cette manière, nous espérons tripler les points de vente du réseau», annonce-t-il.

Autres objectifs d’ici à 2027: créer une version numérique et obtenir des aides auprès de fondations, entreprises et cantons afin d’atteindre une autonomie financière. «Pour l’instant, le comité est entièrement bénévole. Nous sommes fiers d’être arrivés à ce résultat dans ces conditions. Ce projet concret en vaut la peine, car il facilite l’accès aux produits locaux, tout en garantissant un prix juste aux producteurs.»

+ D’infos Notre article du 12 septembre 2024 sur le lancement du Franc Paysan

www.lefrancpaysan.ch

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