A Auvernier, la famille Beyeler a fait de la polyvalence un maître mot

La ruelle pavée mène à une enseigne quelque peu en retrait, d’où surgissent des effluves discrets et agréables de marc de raisin. Contre les murs des maisons villageoises, des tonneaux s’alignent, emplis de fruits fermentés, tandis qu’au centre de l’atelier un container récolte des peaux vidées de leur contenu; elles serviront d’engrais pour les vignes de la même exploitation. Ici, à Auvernier (NE), à la Cave et Distillerie de la Ruelle, rien ne se perd.

Parfois, on nous amène des choses un peu particulières à distiller, comme du marc de raisin ou de la bière.

Dans la famille Beyeler, la polyvalence est le mot d’ordre. Fondé en 1910 par Rodolphe Beyeler, le domaine comprenait à l’époque du bétail, des parchets et des travaux de tonnellerie. Aujourd’hui, il tourne toujours autour de trois activités: la distillerie, la vigne et surtout, la mise en bouteille à façon, une prestation peu connue qui fait la particularité de l’endroit. «Grâce à celle-ci, on voyage et côtoie des habitués que l’on revoit chaque année. C’est un vrai plaisir», confie Daniel Beyeler.

Avec leurs machines dernier cri, ils se déplacent dans la région des Trois-Lacs (Bienne, Vully et Neuchâtel) afin d’offrir une panoplie de services – allant du rinçage des contenants, de la filtration, de la gazéification du vin jusqu’à l’étiquetage, en passant par la pose du bouchon et le remplissage des contenants. «On fait généralement entre 1800 et 2300 bouteilles à l’heure, et environ 8000 par jour. Cette année, on a atteint les 500 000 flacons, c’est la quantité d’un gros encavage», explique Daniel Beyeler. Un travail qu’il apprécie particulièrement et dont le rythme ralentit un peu à la période des vendanges.

Plusieurs récompenses

Prunes mirabelles, abricots, coings, pommes, poires William, cerises, et même mûres ou gentianes (une spécialité jurassienne): la famille distille une grande variété de fruits fermentés et de plantes. Cette production est destinée à leur propre magasin, bien sûr, mais aussi et surtout à des clients privés, des domaines ou des entreprises. Les Beyeler ne refusent que l’absinthe, en raison du nettoyage trop conséquent qui s’ensuit, dû à la forte imprégnation de l’odeur. «Les cuves à distiller sont toujours les mêmes depuis mon grand-père, elles ont vu passer des quantités astronomiques de fruits», précise le Neuchâtelois, la fierté dans la voix.

Côté vigne, les Beyeler ne sont pas en reste. Malgré la taille restreinte de leur exploitation, dont la superficie ne dépasse pas 2,5 hectares, ils cumulent les distinctions, comme la médaille d’or DistiSuisse 2021-2022 pour leur Vieux marc de pinot noir, ou encore le Prix Excellence 2023 pour leur Nobles grains de gamaret. Labellisés Bio Bourgeon depuis 2018, ils proposent pinot noir, gamaret, Cru des Ceylards ou œil-de-perdrix, ainsi qu’une spécialité hybride: l’auverniac, un jus de raisin mélangé à de l’eau-de-vie de vin, puis vieilli quelques années en fût de chêne. «À côté de ça, on effectue pas mal de travaux viticoles mécaniques pour d’autres vignerons, en support. On s’occupe de 3 hectares qui ne sont pas à nous», rajoute le viticulteur.

On retrouve leurs produits certifiés Neuchâtel Vins et Terroir regio.garantie dans certains restaurants et magasins régionaux. Mais c’est surtout dans leur échoppe, au cœur d’Auvernier, qu’ils accueillent leurs clients le samedi matin de 10 h à 12 h, et sur rendez-vous les autres jours de la semaine.