Un «lifting» redonne un aspect 
plus naturel aux rives du Léman

Fantastique terrain de jeu pour les chercheurs, le plus grand lac du pays est étudié depuis des siècles. Pour offrir de l'air et de l'espace à la biodiversité, un projet pilote a été lancé à Saint-Sulpice (VD).
27 août 2024 Céline Duruz
À Saint-Sulpice (VD), la rive 
du Léman a fait l'objet d'une renaturation. Le canton de 
Vaud a profité de cette année bissextile, où le niveau 
du lac est plus bas, pour effectuer les travaux, explique 
Yves Scheurer, chef de projet 
à la Direction générale 
de l'environnement.
© Olivier Vogelsang
Ces renaturations sont vitales pour la biodiversité des lacs rappelle Nicole Gallina, secrétaire générale de la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL).
© DR

Après la renaturation des rivières, place à celle des rives des lacs! À Saint-Sulpice (VD), d’importants travaux ont eu lieu en début d’année pour rendre à la nature 250 mètres de grève. Une première à l’échelle du canton de Vaud.

Le vieil enrochement a laissé sa place à des galets descendant en pente douce jusqu’au Léman, bordés de végétation. Dans l’eau, plusieurs roselières prennent racine, protégées par des grillages qui évitent que les canards ne les affaiblissent et par des troncs d’arbres atténuant la puissance des vagues.

Quand l’A1 chassait les vaches

Sur ce petit tronçon, situé entre le port des Pierrettes et le Centre nautique de l’Université de Lausanne (UNIL) et de l’EPFL, la vie a repris de plus belle dès que les pelleteuses ont quitté les lieux. Les colverts, les poules d’eau, les hérons cendrés et même des martins-pêcheurs ont rapidement trouvé refuge sur ce site.

«Dans les années 1960, le pourtour du Léman a beaucoup changé avec, entre autres, la création de l’autoroute Lausanne-Genève et l’Expo 64, raconte Yves Scheurer, chef de projet à la Direction générale de l’environnement du canton de Vaud. Autrefois, des vaches paissaient ici, au bord du lac, avant que ce terrain, très humide, soit remblayé.»

L’enrochement qui garantit la stabilité des lieux ayant besoin de travaux d’entretien, l’UNIL a contacté le Canton en 2021. Ce dernier a saisi cette opportunité pour revitaliser le site, en partenariat avec les hautes écoles et la commune de Saint-Sulpice. «Depuis la révision de la loi sur la protection des eaux en 2011, les cantons ont planifié des travaux de renaturation, des rivières d’abord, de leurs deltas et maintenant des lacs, souligne Yves Scheurer. On a pu recréer ici un milieu de rives lacustres typique du Léman.»

Des décennies
de travaux

Selon les planifications stratégiques de revitalisation des cantons suisses, 37% des 1381 km de rives des lacs helvétiques sont plus ou moins naturels, selon l’Office fédéral de l’environnement. Entre 2011 et 2022, 23 projets de revitalisation ont été réalisés pour une longueur totale de 8,4 km de berges. D’ici à 2090, l’objectif est de renaturer un quart des rives du pays, que ce soit des cours d’eau ou des lacs. Le coût estimé de ces travaux se monte à environ 3000 francs par mètre. La Confédération subventionne ces projets à hauteur de 35 à 55%.

Roseaux en nombre

Retiré, l’enrochement a laissé la place à une grève en galets, avec une granulométrie précise, pour qu’ils ne disparaissent pas dans les profondeurs aux premiers assauts de vaudaire. Des roseaux existants ont été conservés alors que des milliers d’autres ont été plantés dans l’eau, afin de recréer les roselières d’antan à quelques mètres du rivage.

«On a profité de réaliser ce chantier une année bissextile, lorsque le niveau du lac baisse de 30 cm pour permettre l’entretien des rives, ajoute le chef de projet. Nous avons planté 2500 plantes aquatiques, joncs et roseaux, tous d’origine lémanique.»

Retour d’un cordon boisé

Dans trois ans, les végétaux formeront des massifs denses d’une surface totale de 2000 m3, dans lesquels les rousserolles effarvattes ainsi que les brochets pourront trouver refuge. Leurs racines permettront également de fixer le substrat et la matière organique qu’ils produisent enrichira et stabilisera le milieu aquatique, où se faufilent déjà, majestueusement, des dizaines de carpes.

Cet automne, 400 arbustes et 50 arbres seront plantés sur ce tronçon de manière à recréer le cordon boisé d’autrefois. Des bancs et une plateforme ont été installés; les badauds pourront ainsi admirer la vue et, peut-être, apercevoir des couleuvres à collier ou des grenouilles.

«Plusieurs projets, destinés à rétablir une morphologie plus naturelle et la connexion entre eau et terre, sont en cours d’élaboration dans l’ensemble du pays, rappelle 
Robin Poëll de l’Office fédéral de l’environnement. Les renaturations de rives de lacs ont commencé plus lentement que celles de cours d’eau, car il y avait moins de données de base et moins d’expériences pratiques.»

Renaturations programmées

Cela est en train de changer. De tels travaux ont déjà eu lieu dans sept cantons alémaniques. Il s’agit toutefois de la première revitalisation de cette envergure en terres vaudoises. Sur les 95 km de berges du Léman que compte le canton, seuls 6 km sont considérés comme naturels.

Plus de la moitié de ces berges, soit 50 km, est même jugée complètement artificielle, contrairement aux lacs de Morat, de Neuchâtel et de Joux, aux contours plus préservés. «Les autorités, mais aussi la Commission internationale pour la protection des eaux du 
Léman (CIPEL), se coordonnent et partagent leurs expériences sur ce type de 
projet souligne Yves Scheurer. D’autres chantiers sont prévus ces prochaines années sur l’ensemble du pourtour du plan d’eau.»

Rien que dans le canton de Vaud, près de 28 km de berges pourraient bénéficier de ce genre de lifting, tous lacs confondus, dans un avenir proche, les bénéfices liés à leur renaturation étant qualifiés d’élevés.

Questions à...

Nicole Gallina, secrétaire générale de la Commission internationale pour la protection des eaux du Léman (CIPEL)

Quelle est la situation actuelle des rives lémaniques?
Seules 3% des berges sont naturelles, 40% d’entre elles sont occupées par des murs ou des enrochements, 34% par des quais, des ports et des routes. Cette artificialisation appauvrit la biodiversité, primordiale à l’équilibre des écosystèmes, à la sécurité alimentaire et à la santé humaine.

Pourquoi faut-il renaturer les berges?
Leur préservation est cruciale, car elles offrent des habitats essentiels pour des espèces aquatiques et terrestres. On pourra recréer des corridors écologiques afin de favoriser leur migration, la reproduction des poissons et la préservation des zones humides.

À quelles espèces ces travaux seront-ils bénéfiques?
Les roselières restaurées fournissent un habitat pour le grèbe huppé et les canards. Les embouchures revitalisées constituent des zones de frai pour les brochets et les ombles chevaliers. Les forêts alluviales et les herbiers créés ou protégés par ces travaux profiteront aux insectes, reptiles et petits mammifères.

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