Un immeuble retourne à la terre pour se fondre dans l'environnement
Une belle harmonie se dégage d’un petit immeuble au cœur de Jussy (GE), à deux pas du presbytère. Ses teintes naturelles lui permettent de se fondre parfaitement dans le village. Le choix des matériaux qui ont servi à sa construction explique en grande partie cette intégration réussie, dans ce secteur protégé du point de vue patrimonial.
Conçu avec de l’épicéa et de l’aluminium recyclé à 87%, le bâtiment se distingue surtout par ses trois façades en fines briques couleur terre. «On a opté pour les parpaings de la start-up genevoise Terrabloc. Elle les confectionne selon un processus ancestral, en récupérant de la terre excavée sur des chantiers romands, détaille l’architecte à l’origine de ce projet, Pascal Tanari. Ils attirent la lumière et s’insèrent parfaitement dans leur environnement, car le matériau qui les compose en fait réellement partie.»
Économie circulaire
Ces déblais d’excavation de chantiers, auxquels on ajoute 5% de ciment, sont ensuite concassés puis compressés, afin de répondre aux besoins des architectes. Terrabloc a redonné vie à des matériaux qui sont d’ordinaire acheminés dans les décharges, en appliquant le principe de l’économie circulaire.
L’enjeu est grand: plus de 3,7 millions de tonnes de déblais sont produites rien que sur les chantiers genevois chaque année, rappelait la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève dans un rapport à ce sujet. Si les tons doux de ces parpaings les rendent populaires, ce sont surtout leur impact environnemental minimal et leurs performances énergétiques qui séduisent les constructeurs.
Elles remplissent en effet les exigences ecobau et Minergie-ECO, les standards les plus élevés en la matière. Leurs qualités sont particulièrement appréciées à l’intérieur des bâtisses. Avec son inertie thermique naturelle, la terre crue fait rayonner la fraîcheur de la nuit et la chaleur emmagasinée le jour dans les pièces. Elle y régule aussi le taux d’humidité, améliorant le confort des habitants.
L'architecte
En 1997, Pascal Tanari fonde son bureau d’architecture, tout en enseignant en parallèle à l’École d’architecture de Genève jusqu’en 2003. De 2006 à 2013, il assure la présidence de la Commission des relations territoriales de la Société des ingénieurs et architectes de Genève. En 2023, le bureau devient Tanari Architectes + Urbanistes Sàrl. Il emploie quatre collaborateurs.
Cloisons en faux-acacia
À Jussy toutefois, le bureau Tanari, qui a collaboré avec le bureau Architech pour la direction des travaux, a préféré les mettre en évidence à l’extérieur. Ces briques donnent du charme à ce bâtiment de deux étages et un sous-sol, composé d’une structure en béton armé partiellement apparente. Les six appartements bénéficient de grandes baies vitrées et de balcons autoportants en bois massif, exposés plein sud.
Chaque loggia est séparée de celle de son voisin par des cloisons en robinier ouvré. «En plus d’être esthétique, ce bois est très dur et aussi pérenne que des bois exotiques, poursuit l’architecte. On a fait en sorte que les pièces de vie, ainsi que la cage d’escalier traversante, soient éclairées et ventilées naturellement. On a également réussi à préserver un tilleul, présent depuis des décennies dans ce parc.» Les balcons linéaires, avec une vue sur les vénérables arbres, sont équipés de toiles, protégeant les logements des surchauffes estivales.
Métier responsable
Au besoin, les locaux sont tempérés grâce à une pompe à chaleur, également raccordée à la fermette d’à côté, jusqu’alors chauffée au mazout. Des panneaux photovoltaïques ont également été intégrés en toute discrétion à la toiture, pour ne pas dénaturer l’ensemble.
«Nos ancêtres utilisaient des matériaux locaux pour bâtir leurs fermes. Il y a une certaine logique à faire aujourd’hui de même, en essayant chaque fois de trouver la juste solution dans un contexte donné, conclut Pascal Tanari. C’est notre responsabilité en tant qu’architectes.»
En chiffres
Le petit immeuble compte 6 appartements de 4 et 5 pièces, répartis sur deux niveaux.
Il a été inauguré en janvier 2024.
Long de 30 m, le bâtiment ne mesure que 10 m de large et répond aux hautes exigences énergétiques du canton de Genève.
28 panneaux photovoltaïques, d’une surface de 54 m2, intégrés à la toiture.
+ d’infos www.terrabloc.ch ; www.tanari-architectes.ch
Envie de partager cet article ?