Oiseau rare, la cigogne noire ne fait que passer

Espèce très rare, discrète et farouche, Ciconia nigra fait de brèves incursions dans notre pays sans y nicher. Son observation fait donc le bonheur des ornithologues.
7 mai 2025 Daniel Aubort
© Daniel Aubort

Classée parmi les échassiers, la cigogne noire fait des apparitions très suivies par les ornithologues lors de ses vols migratoires au-dessus de la Suisse. «Elle fait partie des Ciconidae, précise Christophe Sahli, collaborateur scientifique et responsable du suivi ornithologique à l’Association de la Grande Cariçaie. Sa répartition en période de nidification s’étale sur toute l’Eurasie, de l’ouest de la France jusqu’à l’est de la Russie, en dessous de 60° Nord.

Elle est cependant rare sur l’entier de cette localisation. Partiellement migratrice, la population européenne hiverne en Afrique centrale et du Sud.» Plus petite que la blanche, la cigogne noire mesure de 90 à 105 cm pour une envergure de 2 m. Sa longévité avoisine les 18 ans, soit la moitié de celle atteinte par la cigogne blanche.

Vol au-dessus du Plateau

La cigogne noire est une espèce dont l’observation est totalement aléatoire. Dans notre pays, l’oiseau n’est en effet visible qu’en transit sur sa route migratoire depuis ou vers le Sahel, étroite bande d’Afrique centrale subsaharienne où le volatile hiverne. Le voir au sol est donc exceptionnel. «Les meilleures périodes vont de mars à mai, puis de juillet à octobre.

En vol au-dessus du Plateau, elle a tendance à suivre la chaîne du Jura qui offre de bons courants. Les grandes zones humides et agricoles de plaine sont potentiellement favorables à son observation en escale», détaille le scientifique. En août-septembre, La Côte, sur les bords du Léman, recense les meilleures observations lorsque les jeunes de l’année se mêlent aux adultes.

Grande opportuniste

Bien qu’elles soient proches parentes, les cigognes blanches et noires sont de mœurs fort différentes. «La noire vit en solitaire ou en couple, à la différence de la blanche très sociable. Elle aime les forêts claires, bien tranquilles avec peu de présence humaine dans ses sites de nidification, explique le scientifique. Elle s’alimente dans les marais, les cours d’eau et les prairies humides, mais évite les grands lacs et les forêts denses.»

On ne la rencontre généralement pas dans de vastes zones ouvertes, sauf parfois lors de la migration. Son régime alimentaire est assez similaire à celui d’autres grands échassiers. «Elle se nourrit d’une grande diversité d’espèces de poissons et d’amphibiens. Mais aussi d’insectes, de mollusques, de petits mammifères et reptiles. Elle est assez opportuniste.»

Sa présence est anecdotique

Avec de vastes espaces boisés bordés de marais, on pourrait supposer certaines réserves naturelles de la Grande Cariçaie propices à la nidification de l’espèce. Pas si simple. «Les portions les plus forestières des réserves des Grèves de la Corbières, de la Motte ou de Cheyres, pourraient éventuellement être favorables, mais il y a probablement trop peu d’endroits suffisamment calmes et éloignés du public pour les besoins de la cigogne noire», souligne Christophe Sahli.

L’observation d’un adulte accompagné d’un jeune durant plusieurs jours près de Font (FR), en 2020, a posé la question d’une nidification, mais aucun indice n’a pu la confirmer. En raison d’une présence très anecdotique, la Suisse ne porte pas de responsabilité dans le maintien de cette espèce.

Des effectifs fluctuants

La rencontre d’une cigogne noire suscite une grande curiosité chez les oiseaux d’eau indigènes, et la hargne des corneilles lorsque l’échassier se gave de vers dans un champ inondé. L’espèce reste très rare et a failli disparaître d’Europe au XIXe siècle. «La chasse, ainsi que des modifications de la sylviculture et de l’agriculture en sont responsables», argue Christophe Sahli.

Jouit-elle dès lors de mesures de protection et que sait-on des effectifs actuels? «L’espèce est protégée sur le plan national et européen. Elle est inscrite dans l’annexe II de la Convention de Berne. Ses effectifs sont globalement stables, et même en augmentation en Europe de l’Ouest depuis les années 1990.» Un déclin est en revanche remarqué dans sa répartition orientale en raison de pratiques forestières intensives et, peut-être, du réchauffement climatique.

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