Le fabuleux destin de Heros, le crack qui défie les plus grands
Les meilleurs chevaux de saut d’obstacles du monde vont fouler la piste de Palexpo, en cette fin de semaine. Mais avant de briller au plus haut niveau, chacun d’eux a été formé durant plusieurs années, à l’image de Heros du Roumaillard CH. À 11 ans, ce demi-sang suisse participera pour la première fois au Concours hippique international de Genève (CHI) dans les épreuves 5 étoiles, sous la selle du Neuchâtelois Ken Balsiger.
Si chaque histoire est unique, le parcours de ce cheval permet d’illustrer le cursus suivi par les cracks, de leur vie insouciante de poulain jusqu’aux feux de la rampe. Ceux qui atteignent un tel niveau sont cependant rares, bien que tout éleveur rêve de faire naître un champion et tout cavalier de dénicher cette perle. «Il faut une bonne part de chance, souligne Jean Menoud, de Travers (NE), éleveur et propriétaire de Heros. Néanmoins, choisir de marier un étalon qui a fait ses preuves à une jument de qualité est essentiel pour espérer produire une monture avec un certain potentiel.»
De ce côté-là, Heros a de qui tenir. Son père Hickstead n’est pas moins que le champion olympique des Jeux de Pékin en 2008, sous la selle du Canadien Éric Lamaze, alors que son grand-père maternel a été également champion olympique par équipe avec l’Allemagne. «Tout jeune déjà, il a démontré des prédispositions hors norme pour ce sport, se réjouit l’éleveur. Alors qu’il n’avait que quelques mois, il sautait chaque jour les fils des clôtures afin de rejoindre d’autres chevaux, avant de retourner vers sa mère!»
Un tempérament de star
Croyant au potentiel de son protégé, Jean Menoud choisit de le confier à l’âge de 4 ans au jeune Ken Balsiger, la vingtaine, afin qu’il le valorise en compétition. Le
demi-sang suisse est alors tout juste débourré. «Lorsque j’ai vu Heros sortir du van, j’étais plutôt dubitatif face à ce cheval particulièrement imposant, se rappelle le cavalier, qui dirige le centre équestre familial du Cudret, à Corcelles-Cormondrèche (NE). Jamais je n’aurais imaginé qu’il atteindrait un tel niveau. Il était très excité et ne tenait pas en place.»
Après quelques mois de travail, Ken Balsiger découvre les fabuleuses qualités de l’équidé. Très respectueux des barres, n’ayant peur de rien, généreux à l’effort, il possède en outre énormément de force qui lui permet de tout sauter. «Mais à la maison, il est très nonchalant et se contente du strict minimum. Comme il a un fort caractère, ce n’est pas évident de le faire travailler. Dès qu’il rentre en piste, au contraire, il a envie de se surpasser, d’autant plus s’il ressent que l’épreuve est importante», ajoute le cavalier. La formation vise à augmenter peu à peu les difficultés techniques et la hauteur des obstacles. «Tout réside dans le bon dosage. L’objectif est de donner à ces jeunes chevaux l’envie de sauter, sans pour autant brûler les étapes. Il est important qu’ils gardent le moral.»
Des montants qui donnent le tournis
Les chevaux de saut d’obstacles peuvent coûter plusieurs centaines de milliers, voire des millions de francs. Une monture de 4 à 6 ans avec du potentiel vaut entre 50’000 et 80’000 francs, mais le futur propriétaire achète du rêve, les capacités de l’animal étant à confirmer. L’équidé qui tourne sur des épreuves de 140 cm, quant à lui, se négocie au minimum 100’000 francs. Les montants se sont envolés ces dernières années, car l’offre s’est notamment réduite, le nombre de naissances ayant tendance à diminuer. En outre, les gains en concours ayant augmenté, les acquéreurs sont prêts à investir davantage. Mais si les prix de vente sont élevés, les frais pour amener une monture à un haut niveau sont également importants: achat de la jument, insémination, alimentation, entretien quotidien, débourrage, soins vétérinaires, ferrures, entre autres. «Le coût de formation pour un cheval sortant en compétition s’élève de 20’000 à 25’000 francs par année», estime Ken Balsiger.
Des qualités qui se confirment
À 5 et 6 ans, Heros du Roumaillard CH termine 4e, puis 3e de la finale des chevaux demi-sang CH à Avenches (VD). Même si ses excellents résultats laissaient présager de sa qualité, le hongre se révèle l’année de ses 7 ans, où il se classe dès sa première sortie sur la hauteur de 140 cm. Cette performance lui permet d’accéder au championnat du monde des jeunes chevaux à Lanaken, en Belgique. «En terminant 8e sur 200 concurrents, il y confirme ses aptitudes hors norme», se rappelle avec émotion son éleveur. Celui-ci refuse alors des offres d’achat particulièrement intéressantes, prenant le risque de le garder. «Je ne sais pas si c’était du courage ou de la folie! Mais faire naître une monture qui sort ainsi du lot est exceptionnel.» Dans la majorité des cas, les équidés sont en effet vendus plusieurs fois entre leur naissance et le haut niveau: c’est la seule façon pour les éleveurs et les cavaliers professionnels de gagner leur vie, les gains en compétition n’étant pas suffisants.
Le couple pouvant continuer à évoluer ensemble, les résultats s’enchaînent, avec en apothéose pour Ken Balsiger le titre de champion romand cette année, qui lui ouvre les portes du CHI de Genève. «Participer à cette compétition prestigieuse et pouvoir rivaliser avec les meilleurs cavaliers en montant un crack que j’ai formé me remplit d’une grande fierté, se réjouit le Neuchâtelois. J’avais pris part avec Heros aux épreuves jeunes chevaux suisses, puis à celles réservées aux cavaliers de moins de 25 ans, mais c’est la première fois que nous serons en lice dans les compétitions phares du concours. Je peux vivre cette merveilleuse histoire grâce à Jean Menoud, qui me permet de le conserver.» Onze ans après avoir vu naître un poulain dont la génétique laissait présager de sa qualité, l’éleveur pourra admirer son champion côtoyer l’élite mondiale.
En chiffres
5 jours de compétition: c’est la durée du Concours hippique international de Genève.
3 disciplines: saut d’obstacles, cross et attelage.
21 nations représentées.
1,60 m, la hauteur des obstacles en CSI 5*.
Plus de 140 chevaux engagés dans les épreuves 5*, plus de 400 au total.
Moins de 10 montures nées et élevées en Suisse.
+ d’infos
www.chi-geneve.ch
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