«Chez les bovins, le stress thermique n'est pas qu'une question de température»

Lors des épisodes de canicule, les vaches souffrent de différents maux et perdent en productivité. En cas de grosses chaleurs, plusieurs mesures sont à prendre, comme le rappelle la vétérinaire Amandine Baumert.
5 août 2025 Marjorie Spart
Amandine Baumert, vétérinaire conseil pour l'association Santé Bovins Suise.
© Serge Mérillat

Amandine Baumert

Bio express

Née en 1980 en Alsace, Amandine Baumert a étudié la médecine vétérinaire à Munich. Elle a effectué son doctorat sur la production laitière à l’Université de Berne. Elle vit dans le canton de Fribourg depuis vingt ans, où elle travaille comme vétérinaire et s’occupe essentiellement des vaches. Depuis un an, elle a rejoint l’association Santé Bovins Suisse en tant que vétérinaire conseil.

Les bovins sont-ils des animaux fragiles?

Les vaches sont sélectionnées génétiquement pour leurs performances et traitées comme des athlètes de compétition. Elles ont donc besoin d’un plan d’alimentation très pointu et d’un bon management. Les allaitantes sont plus robustes que les laitières, qui doivent être performantes. Celles-ci sont fragilisées parce qu’on leur demande de produire toujours plus. Pour garder des vaches en bonne santé, il faut que tout se passe bien lors de la gestation, de la lactation et du vêlage.

Selon l’Agroscope, la température idéale pour les bovins se situe entre 4 et 15°C. Comment supportent-ils les épisodes de canicule?

Les différents types de vaches ne réagissent pas de la même manière. Dans le cas des laitières, produire du lait engendre de la chaleur que l’animal doit évacuer. Idem pour les vaches gestantes ainsi que les veaux. La canicule augmente la température de leur corps et complique leur processus de rafraîchissement. Les veaux, bien plus fragiles, doivent faire l’objet d’une attention particulière pour rester en bonne santé: être à l’ombre, mais à l’air et avoir assez d’eau à disposition.

Comment les vaches évacuent-elles la chaleur?

Les vaches ont peu de glandes sudoripares. Elles réduisent la température de leur corps grâce à l’exposition à l’air. Plus une vache a une grande surface corporelle, par rapport à son volume, mieux elle réussira à réguler sa température. Alors pour se refroidir, les vaches vont se tenir debout pour chercher l’air. Les bovins se mettent à haleter pour réduire leur température interne via la respiration. L’air extérieur, plus frais, arrive dans les poumons et lors de l’expiration, l’air réchauffé par la température interne est évacué. Mais la conséquence est une augmentation du rythme cardiaque et donc un affaiblissement du système immunitaire.

Les veaux, bien plus fragiles, doivent faire l’objet d’une attention particulière pour rester en bonne santé.

Quelles sont les autres conséquences, sur les bovins, d’une température trop élevée?

Le fait que les vaches restent debout pour se rafraîchir augmente la pression sur les onglons. Ceux-ci peuvent en souffrir. Comme les bêtes se couchent moins souvent et, de ce fait, ruminent moins, la production de lait est réduite. Par ailleurs, elles sécrètent moins de salive, ce qui entraîne une hausse de l’acidité dans le système digestif. Cette acidose de la panse détruit la flore intestinale de l’animal et dérègle sa digestion. Toute une série de problèmes métaboliques peut être entraînée par une température trop élevée: baisse de production du lait, baisse de la fertilité et, pour les veaux, un ralentissement de la croissance.

Quelles mesures faut-il prendre pour aider les vaches en cas de canicule?

Il est indispensable de multiplier les points d’eau, mais aussi les endroits ombragés. Comme l’ingestion de nourriture produit de la chaleur, les vaches doivent manger aux heures les plus fraîches: aller au champ durant la nuit et passer la journée à l’étable. Mais il convient d’avoir une bonne gestion de la circulation de l’air dans l’étable, éventuellement avec des ventilateurs bien orientés. Les vaches ne supportent pas les courants d’air directs, sous peine d’être malades. Les bêtes doivent avoir assez de place pour ne pas se tenir chaud.

À partir de quelle température les bovins risquent-ils le stress thermique?

Le stress thermique n’est pas qu’une question de température, mais aussi d’humidité dans l’air. Pour le déterminer, on se base sur l’indice hygrométrique, c’est-à-dire la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’air humide. Concrètement, une vache supportera aussi bien une température de 26°C avec un taux d’humidité de 30% qu’une température de 20°C avec 80% d’humidité dans l’air. Plus le taux d’humidité est élevé et plus la température doit être faible pour que les bovins se sentent bien. Le déplacement de l’air joue aussi un rôle essentiel dans le ressenti de la chaleur et permet de diminuer le stress thermique.

Peut-on déterminer ce stress autrement?

Oui. Les agriculteurs se basent surtout sur la production laitière des vaches, ainsi que leur comportement et leur état général pour voir si elles vont bien. L’analyse de l’entier du troupeau est également un bon indicateur. Sans compter les données physiologiques récoltées par les colliers connectés.

Chaque année, on bat de nouveaux records de chaleur. Dans ce contexte, quel est l’avenir de l’élevage bovin en Suisse?

Le réchauffement climatique est un défi que nous devons tous relever ensemble: éleveurs, vétérinaires, ingénieurs en bâtiments, acteurs de la filière laitière…

La génétique – la découverte du gène slick – est-elle la clé de cette adaptation?

C’est une piste. Découvert en 2014 chez des espèces élevées dans les Caraïbes, ce gène confère aux vaches une peau plus épaisse présentant de nombreux plis, des poils plus courts et un plus grand nombre de glandes sudoripares. Une peau qui permet donc un meilleur contact avec l’air et un échange de chaleur pour se rafraîchir. Ce gène dominant est déjà disponible en Suisse.

+ D’infos

rgs-ntgs.ch

Centre de référence

Basée à l’Inforama de Zollikofen (BE), l’association Santé Bovins Suisse est un centre de compétences en matière de médecine de troupeau et de médecine préventive pour les exploitations d’élevage bovin. «Nous effectuons des audits chez des éleveurs, offrons nos conseils et programmes de promotion de la santé animale. Nous proposons des webinaires en lien avec la santé du troupeau et des formations complémentaires pour les vétérinaires», explique Amandine Baumert, qui y prodigue ses conseils deux jours par semaine.

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