Les pâtes suisses s'adaptent aux nouveaux droits de douane américains

Après deux mois de taxes douanières à 39% imposées par Washington, comment se portent les fromages suisses? Tour d'horizon, entre espoirs d'un retour à la normale pour les plus exportés et limitation des activités américaines pour les autres.
3 octobre 2025 Milena Michoud
Représentant 45% des exportations de fromage suisse, le Gruyère AOP est le plus touché par les nouvelles taxes douanières des États-Unis.
© Le Gruyère AOP

Nombreux sont les acteurs de l’économie suisse qui se souviennent du 7 août, jour de mise en application des droits de douane à 39% imposés par les États-Unis sur les produits en provenance de notre pays. Parmi eux, les producteurs de Gruyère ont particulièrement attiré l’attention. Mais d’autres organisations fromagères ont aussi réagi à ces nouvelles taxes douanières. Alors, qu’elles soient dures, mi-dures ou molles, comment se portent désormais les pâtes de notre pays?

Le Gruyère plus touché

Selon TSM Treuhand, garante de la statistique laitière suisse, 12% des exportations totales de fromage suisse partent pour les États-Unis. Représentant à lui seul près de la moitié de ce total, le Gruyère est le plus exporté et donc le plus touché. «13% de notre production est envoyée dans ce pays, mais cela représente 30% des exportations, soit notre deuxième marché après l’Europe», détaille Olivier Isler, directeur de l’Interprofession du Gruyère.

Depuis août, il constate une diminution des exportations. En conséquence, les volumes produits ont dû être adaptés: chaque fromagerie a vu ses droits de production se réduire de 5%. Une décision prise pour éviter un surplus de stock – donc une baisse des prix du marché – sur 2025, qui aura des conséquences sur les producteurs. «Ils savent qu’ils font cet effort pour soutenir toute la filière, mais économiquement, c’est douloureux.»

Pour les entreprises exportatrices, l’impact est direct. «Avec des achats gelés, nous accusons 15% de ventes en moins sur le Gruyère aux États-Unis, dit Anthony Margot, cogérant d’une société d’affinage à Yverdon (VD). Conséquence: des commandes aux producteurs ou aux fournisseurs de matériel d’emballage sont mises sur pause.» Les entreprises comme la sienne sont en première ligne pour garder le lien de confiance avec les consommateurs américains, malgré la hausse des prix. «Les ventes américaines représentent moins de 2% de notre chiffre d’affaires, relativise-t-il. Mais difficile de trouver un aussi grand client: le pays a l’avantage d’être un marché continent.»

Potentiel revu à la baisse

Toutes les organisations fromagères espèrent un retour à la normale. En particulier celles qui, comme la Tête de Moine, commençaient à miser sur ce marché. «Avant l’annonce de Donald Trump, nous passions de 10 tonnes exportées chaque année aux États-Unis à 74 en 2024, ce qui nous avait incités à creuser ce potentiel», indique Martin Siegenthaler, gérant de l’interprofession.

En raison d’un temps de logistique long et d’un pic de commande en hiver, l’impact de cette nouvelle situation ne se traduit pas encore en chiffres: il faudra attendre la fin de l’année pour un bilan représentatif. Pas alarmiste, le gérant décrit néanmoins un climat d’incertitude, à l’image d’une commande de 17 tonnes restée plusieurs semaines chez un producteur avant d’être partiellement envoyée. À l’échelle des 3000 tonnes de Tête de Moine produites par an, cette commande ne pèse certes pas lourd, mais l’ensemble de la production budgétisée pour 2025 par les six entreprises fabriquant ce fromage pourrait être revu à la baisse.

Autres pistes privilégiées

Du côté des spécialités, l’inquiétude reste faible. Certaines n’ont pas déployé de moyens particuliers pour le marché américain, préférant miser sur de nouveaux clients, comme la Grande-Bretagne pour le Vacherin Mont-d’Or AOP ou les pays nordiques pour le Vacherin fribourgeois AOP. D’autres, comme l’Emmentaler ou le Raclette, peuvent ajuster leur volume de production de manière plus flexible.

Une légère crainte subsiste néanmoins, celle des effets secondaires: «Si plusieurs fromages suisses se retrouvent avec un stock important à écouler, ce surplus pourrait mener à une baisse de prix et donc à une situation de concurrence sur le marché national», détaille Romain Castella, directeur de l’IP Vacherin Fribourgeois AOP. Pour l’éviter, la filière du lait s’est adaptée et a appliqué des mesures qu’elle espère temporaires. Les prochains mois nous en apprendront davantage.

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