Le flop de deux nouveaux abricots, en décalage avec le marché
«On a fait moins bien qu’espéré», reconnaît Danilo Christen, responsable du groupe Production fruitière en région alpine au sein d’Agroscope, situé à Conthey (VS). En sept ans, Mia et Elsa ont à peine conquis 4 hectares sur les quelque 700 plantés au total en Suisse.
Les deux variétés conçues pour être plus robustes – Mia résiste assez bien au pseudomonas, une maladie bactérienne très répandue, Elsa tolère bien les attaques de moniliose sur fleurs, une maladie fongique – ont surtout convaincu les arboriculteurs bios, les petits producteurs et les privés.
Concurrence féroce
Première raison avancée pour cette déception: la concurrence. Il existe une dizaine de programmes d’amélioration génétique d’abricotiers en Europe, dont certains organismes privés très prolifiques. «Leurs programmes visent à améliorer la quantité produite de variétés très belles mais pas forcément aussi bonnes. Et les producteurs sont payés au kilo et non au goût», analyse l’ingénieur agronome, dont les deux petites nouvelles sont issues de croisements avec le très savoureux Luizet.
Deuxième raison, Elsa et Mia ne sont pas autofertiles. Or la pollinisation est plus difficile lorsqu’il faut compter sur un autre arbre et que le printemps est instable, comme ces dernières années, note Danilo Christen. Ce critère a été ajouté dans les nouvelles créations en cours d’élaboration.
Un décalage avec la demande
Il existe, parfois, dans ce genre de cas, un décalage entre les nouvelles variétés et la demande du marché qui souhaite un verger plus homogène en termes de goût et de qualité, avance aussi Olivier Borgeat, Secrétaire général de l’Interprofession des fruits et légumes du Valais (IFELV). L’organisme n’a pas effectué de suivi sur l’implantation des deux protégées d’Agroscope en Valais, qui accueille entre Sierre et Vernayaz 95% des abricotiers du pays.
On constate toutefois qu’au moment de renouveler leurs arbres fruitiers, les producteurs ont privilégié d’autres abricots. Si une centaine de variétés sont plantées en Valais, une trentaine occupent le 80% des surfaces et la plupart ont fait leurs preuves depuis le milieu des années 1990.
Vingt ans de recherche
Elsa et Mia n’ont toutefois pas dit leur dernier mot. «Il n’y a pas d’équivalent du centre de recherche suisse plus au nord de l’Europe. Nos travaux sont donc pertinents pour des zones de productions moins connues pour les abricots. L’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie et la République Tchèque sont intéressées par nos fruits qui, contrairement à certaines variétés venant d’Espagne, n’éclatent pas à la moindre pluie, voire à une rosée matinale. Elles résistent également à de fortes chaleurs», se réjouit Danilo Christen, soulignant que Mia et Elsa sont le fruit d’une vingtaine d’années de recherches.
Et leur commercialisation n’a pas été plus facile, se souvient l’ingénieur agronome, car l’institut fédéral s’est heurté à un problème de prénom. Initialement baptisée Lisa, nom qui s’est avéré trop proche de la prune néo-zélandaise Luisa, elle a été renommée Elsa. Si en Suisse, la variété a gardé ce patronyme, elle est connue en tant que Manera dans le reste de l’Europe, puisque Elza désigne déjà une cerise australienne.
Une longue dormance
Agroscope travaille aussi à une solution pour limiter les risques de gel des abricotiers en fleurs. «Notre problème ces dernières années, ce sont les premières chaleurs en janvier-février, suivies par un retour du froid», analyse Danilo Christen. Son équipe et lui souhaitent donc développer des variétés dont la période de dormance est plus longue, soit des types d’abricotiers qui ont besoin d’un nombre d’heures de froid plus important avant de se remettre en sève, et qui ne se réveillent pas dès les premières chaleurs.
De quoi repousser la floraison le plus tard possible. «Ce genre de recherches demande de comparer le développement de chaque variété d’abricots avec les données climatiques des cinquante dernières années. C’est un travail énorme mais qui, là aussi, constitue un créneau que l’institut suisse est le seul à exploiter», conclut le chercheur.
Envie de partager cet article ?