La mention «poulet végétal» bannie par le Tribunal fédéral
Voilà une décision qui sera peut-être dure à avaler: à l’avenir, la société Planted Food basée à Kemptthal (ZH) n’aura plus le droit d’utiliser le mot «chicken» – poulet en anglais – sur les emballages de ses émincés protéinés 100% végétaux.
Créée en 2019, cette start-up issue de l’École polytechnique fédérale de Zurich est devenue experte dans la fabrication de substituts de viande, notamment à base de pois jaunes ou de protéines de soja, de tournesol ou encore d’avoine. Elle écoule ses produits, marinés ou nature, dans de nombreuses grandes surfaces du pays. Plus de 3200 restaurants en proposent également à leur carte.
La raison du litige
En 2021, le laboratoire cantonal de Zurich, chargé de la protection des consommateurs, a cependant estimé que ces produits innovants ne pouvaient pas être décrits avec des noms d’animaux. Selon lui, cela pouvait induire les acheteurs en erreur.
À la suite de cette décision, Planted a saisi le Tribunal administratif, qui lui a cette fois donné raison. Il a autorisé ces appellations sur les emballages, se basant sur une étude montrant que 93% des personnes sondées reconnaissaient le «planted.chicken» comme étant un produit d’origine végétale au premier coup d’œil.
Rebond judiciaire
L’affaire aurait pu s’arrêter là, mais le Département fédéral de l’intérieur a fait recours au Tribunal fédéral (TF). Pour lui aussi, cette mention était trompeuse. Le TF vient d’accepter ce recours, décrétant le 2 mai dernier que ces ersatz de viande ne peuvent pas porter des noms d’animaux tels que «planted.chicken» ou «porc végan». Le DFI s’est félicité que «la deuxième Cour de droit public ait œuvré en faveur de la sécurité du droit». Un verdict irrévocable.
Judith Wemmer, cofondatrice de Planted et présidente de la Swiss Protein Association, s’est dite «déçue qu’une décision de cette ampleur semble être dictée par la politique et les émotions. Au lieu d’aider les consommateurs, qui préfèrent des termes simples et clairs, on crée inutilement de la bureaucratie et on gaspille ainsi des ressources précieuses. Dans le contexte de la nouvelle politique alimentaire du Conseil fédéral, qui appelle à une alimentation plus végétale, cette décision est une contradiction.»
Émincé encore accepté
Elle salue en revanche le fait que les termes génériques comme steak ou filet puissent toujours être utilisés. Le verdict, en effet, ne s’applique pas à tous les éléments de langage utilisés par la start-up, qui commercialise ses substituts de viande sous diverses formes et appellations.
D’autres sociétés, comme Protaneo SA, utilisent également ces noms rappelant des préparations carnées. «Le débat est différent, car ils indiquent simplement la forme des produits, souligne Valérie Vincent, responsable de l’innovation au sein du Groupe Minoteries SA. Sur nos emballages, les mots «hachis» et «émincé» sont directement suivis de «végétal». Cela ne porte pas à confusion et ne peut donc pas être jugé comme trompeur pour le consommateur.»
Victoire du «bon sens»
François Monin, directeur d’AgriJura, salue l’arrêt du TF, mais il souhaite encore plus de clarté. «C’est la victoire du bon sens. La justice protège enfin ce que nous, agriculteurs et éleveurs, défendons depuis toujours: l’honnêteté envers le consommateur et la reconnaissance de notre travail. Défendre nos mots, c’est aujourd’hui défendre nos produits. Derrière les mots «escalope», «saucisse» ou «filet», il y a des métiers, des savoir-faire et des terroirs.»
Il estime qu’il faut désormais «une réglementation stricte sur le plan des ordonnances qui empêche une fois pour toutes l’appropriation du langage spécifique de l’élevage à d’autres fins». Le Département fédéral de l’intérieur souligne quant à lui dans un communiqué que les produits mis sur le marché doivent être étiquetés de manière transparente afin d’éviter toute confusion. De son côté, Planted a déjà annoncé avoir revu ses emballages pour se plier à la nouvelle législation.
+ D’infos eatplanted.com
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