Du fenouil local pour une liqueur déjà reconnue au niveau national
Avec sa façade vert saule flambant neuve, impossible de manquer le Kilomètre Zéro, au centre de Courtételle (JU). Cette épicerie axée sur l’ultralocal a récemment opéré une rénovation complète pour accroître son efficacité énergétique et sa surface commerciale, s’offrant au passage un relooking.
L’inauguration en septembre a été l’occasion de lancer une liqueur «maison», la Fenouillette, récompensée dans la foulée par une médaille de bronze au Concours suisse des produits du terroir.
Transformer l’essai
Couplé à l’Agrocentre, le magasin met notamment en valeur les graines alimentaires qui y sont triées. Pas moins de 40 variétés y ont été passées au crible depuis 2021, favorisant l’innovation agricole et la diversification des cultures. Dernière en date, la graine de fenouil a été produite à petite échelle par Roland Glauser, à Courfaivre.
«Le tri s’est avéré plus compliqué que prévu, révèle Ignace Berret, gérant de la Société coopérative agricole. Les graines de graminées mêlées à la récolte ont une forme très similaire. Nous ne pouvions pas atteindre un degré de pureté suffisant pour en faire des tisanes ou aromatiser des saucisses, par exemple.»
L’expérience au service de l’innovation
Germe l’idée d’élaborer un alcool, pourquoi pas un pastis ou une absinthe. «Cela demande toutefois d’autres ingrédients, chers et qu’on ne trouve pas dans la région, indique le Jurassien. Ma mère m’a mis sur la piste en me parlant d’anciennes recettes d’anisette. J’ai fait des essais. Le fenouil seul étant trop fade, j’ai ajouté des épices pour un goût plus complexe, puis soumis la recette au distillateur qui l’a améliorée.»
Dans sa distillerie artisanale à Pleigne (JU), le bouilleur de cru Jean-Louis Guenat explique avoir choisi une infusion plutôt qu’une macération pour des parfums plus intenses, et réduit la dose de cannelle, qui tend à couvrir le fenouil. «Je commence par mettre l’eau à bouillir, détaille-t-il en joignant le geste à la parole. Pendant ce temps, je prépare les épices.»
Les producteurs
Gérant de la Société coopérative agricole de Courtételle depuis 2020, Ignace Berret souhaite la démarquer dans ses différentes activités, notamment côté épicerie avec des produits locaux. Les eaux-de-vie de Jean-Louis Guenat en ont donc rejoint les rayons. Également agriculteur, le Pleignet a toujours distillé, comme ses parents et grands-parents, et comme sa fille Martine, qui perpétue la tradition à l’enseigne de La Ravière.
Mélange d’épices
Pour confectionner 25 litres de fenouillette, il pèse quelques centaines de grammes de graines de fenouil, compte avec précision les clous de girofle et ajoute des bâtons de cannelle. L’ébullition stoppée, il jette le tout dans la marmite. «C’est important de remuer pour bien imbiber le fenouil, afin qu’il délivre tout son arôme, commente-t-il. Je laisse infuser environ dix minutes, jusqu’à ce que le liquide se soit coloré.»
Le distillateur en profite pour verser cinq kilos de sucre dans un récipient en inox qu’il surmonte d’un filtre à lait doublé d’un linge de coton. «Je filtre avant de mélanger au sucre, sinon tout colle, note le sexagénaire. Puis je brasse avec un remue-lait pour dissoudre le sucre. Ensuite, il faut attendre que cela refroidisse avant d’ajouter l’alcool, sans quoi il s’évapore.»
Jeu d’équilibre
Les seaux étalonnés et la maîtrise de la règle de trois facilitent le dosage de l’alcool à 96% et de l’eau. Un dernier brassage pour homogénéiser le liquide, puis le Pleignet vérifie le taux d’alcool grâce à un densimètre: il doit s’élever à 22%. La liqueur est ensuite transférée dans une dame-jeanne. «Je la laisse reposer un à deux jours pour que les résidus se déposent au fond.»
Restent la mise en bouteille, minutieuse pour un niveau toujours identique, et l’insertion du bouchon, scellé d’une pellicule plastique. La pose de l’étiquette apporte la touche finale. «Je souhaitais un graphisme un peu rock’n’roll, relève Ignace Berret. Puis j’ai appris que le mot «marathon» signifie à la base «champ de fenouil», d’où le style d’inspiration grecque et l’évocation de la flamme olympique.»
Difficile de savoir si le flacon importe, le breuvage semble en tout cas faire recette. Médaillé moins d’un mois après son lancement, ses stocks fondent à mesure des productions.
+ D’infos agrocentre.ch, laraviere.ch