De saison
Pithiviers et galettes briochées, les plaisirs sucrés de l’Épiphanie

Qui dit 6 janvier, dit couronne des Rois. Popularisée en Suisse il y a 70 ans, cette fameuse pâtisserie se décline en plusieurs variétés. Rencontre avec le Bullois Thierry Blanc, qui en confectionne chaque année.

Pithiviers et galettes briochées, les plaisirs sucrés de l’Épiphanie

Dans le laboratoire de la confiserie Monsieur Blanc à Bulle (FR), le maître des lieux Thierry Blanc applique délicatement de la frangipane jaune sur une pâte feuilletée au beurre. «Le fourrage est fait avec de la masse aux amandes, de la crème pâtissière, ainsi qu’avec de la vanille, de l’orange et du citron», décrit le boulanger fribourgeois. Une douce odeur d’agrumes se dégage du mélange. Une fois ce travail terminé, il attrape un petit santon représentant un mouton coloré de noir, de blanc et de doré, qu’il plonge dans la préparation. Il recouvre le tout d’une couche de pâte feuilletée puis trace des losanges sur la galette à l’aide d’un couteau, avant de la mettre au four.

 

Inspiré de l’Hexagone

Ce que Thierry Blanc prépare, c’est un pithiviers, un gâteau originaire d’une commune française portant le même nom. Là-bas, il est traditionnellement réalisé pour l’Épiphanie. Cela fait maintenant une dizaine d’années que le pâtissier confectionne cette alternative à la couronne briochée, bien plus commune dans notre pays. «Je voulais proposer quelque chose de nouveau», justifie l’artisan.
Lui-même préfère cette version, qui offre une plus grande variété d’arômes. La recette traditionnelle de la frangipane lui vient directement de France, mais il y a apporté quelques touches personnelles, comme l’ajout d’agrumes. «Nous avons chaque année de plus en plus de clients qui apprécient le pithiviers», se réjouit le Bullois.

 

Raisins secs ou pépites de choc

À la fin de la cuisson, il en découpe une part pour nous la faire goûter. La pâte feuilletée est croquante. Quant au fourrage, de légères notes d’orange et de citron viennent compléter les saveurs prononcées d’amande et de vanille. Un délice.

Un peu plus loin dans le laboratoire, Thierry Blanc sort une plaque de cuisson sur laquelle repose une large boule de pâte briochée, entourée de six autres plus petites. «Là, nous préparons la version plus classique, commente le Bullois. En cuisant, les sept parts gonflent et se lient. Cette variation est pour l’instant plus populaire que le pithiviers.» Le pâtissier la réalise depuis qu’il a ouvert sa confiserie en 1987 avec son père.

La couronne des Rois ne se vend que durant la semaine du 6 janvier. En moyenne, la confiserie en produit plus de 700pièces contre 400pithiviers. «Nous proposons deux versions. Une recouverte d’amandes et fourrée de raisins secs, et l’autre avec du sucre et des pépites de chocolat.» Pour cette déclinaison briochée, il avoue ne pas avoir de secret de fabrication. La recette est simple et traditionnelle, mais excellente.

 

Des saveurs mexicaines

Évidemment, à cela s’ajoute la fève, cachée dans l’une des six petites boules avant le passage au four. Le propriétaire de l’enseigne nous dévoile sa collection de santons. Ils représentent des anges, des Rois mages ou encore les animaux de la crèche de Noël. Tous sont peints en noir, blanc et doré. «Nous commandons les figurines en France, informe-t-il. En général, on change d’assortiment tous les deux ou trois ans. Cela permet aux collectionneurs de récupérer davantage de personnages d’une même série.»

Si la France semble être sa principale source d’inspiration, l’homme ne cache pas son admiration pour les traditions plus exotiques. Il y a 30 ans, Thierry Blanc travaillait dans une boulangerie à Mexico, capitale du Mexique. Là-bas, il a découvert une culture de l’Épiphanie totalement différente de la Suisse. «Dans les pays hispanophones, cette fête est même plus importante que Noël, raconte le pâtissier. Entre le 5 et le 6janvier, les magasins sont ouverts toute la nuit. Dans la confiserie où j’œuvrais, nous produisions six tonnes de galettes des Rois chaque année!»

L’artisan se souvient bien de la composition de la Rosca de Reyes (couronne des Rois, en espagnol). «La galette est faite avec de la pâte briochée et fourrée à la crème chantilly, le tout décoré de fruits au sirop ou de confits colorés.» L’un de ses projets est d’ailleurs de concocter sa propre recette pour la faire goûter un jour à ses clients fribourgeois.

+ d’infos

Texte(s): Mattia Pillonel
Photo(s): Jean-Paul Guinnard

Une tradition française

Originaire de France, la galette de l’Épiphanie est née durant le XVIIe siècle, où le tirage de la fève était joué à la cour du roi. Connue uniquement dans quelques régions suisses limitrophes de l’Hexagone, elle s’est répandue dans le reste de notre pays seulement à partir des années 1950. Après des débuts modestes, elle a été popularisée par une campagne marketing de l’association des boulangers. En 1960, l’arrivée des Rois mages par hélicoptère à Chandolin (VS), événement très médiatisé, a permis à la tradition de se faire connaître. Aujourd’hui, on estime qu’environ 1,5 million de couronnes sont vendues le 6 janvier.

L’artisan: Thierry Blanc

Après un apprentissage dans une chocolaterie lausannoise et quelques années passées dans un hôtel de Lugano, Thierry Blanc rachète avec son père la boulangerie de l’avenue de la Gare, à Bulle. Ils fondent ainsi la confiserie Monsieur Blanc en 1987. Quatre ans plus tard, le jeune boulanger part œuvrer au Mexique, où il découvre les pâtisseries espagnoles. Il rentre en Suisse en 1993, et ouvrira un deuxième point de vente dix ans plus tard, toujours à Bulle. Depuis, le magasin possède également un tea-room. L’artisan est surtout connu pour son ancienne recette du gâteau bullois, produit phare de la confiserie. Monsieur Blanc propose une grande variété d’articles, allant des pains surprise aux tourtes à la mousse, en passant par la moutarde de Bénichon. Si aujourd’hui Thierry Blanc laisse la confection d’une majorité de l’assortiment à un employé-boulanger, il aime toujours travailler le chocolat. Sa spécialité est une ganache infusée au thé.