Venus de toute la Suisse, ils se mobilisent pour démonter un téléski
En ce matin d’automne, à Chesières, petit village à côté de Villars-sur-Ollon (VD), la première neige de la saison tombe lentement sur une troupe de marcheurs, munis de pioches, de pelles, et d’une scie électrique. Ils sont venus bénévolement des quatre coins du pays pour démanteler les restes d’un vieux téléski tombé dans l’oubli et rongé par la rouille.
«C’est un habitant de la région qui nous a informés de sa présence. Dans la foulée, nous avons contacté la Commune, le propriétaire de la parcelle, puis, une fois leur feu vert obtenu, nous avons lancé un appel à nos membres et à la population», explique Luisa Deubzer, chargée de projet chez Mountain Wilderness, une organisation environnementale qui protège les espaces sauvages.
Une carte interactive
Sur le terrain, Bernhard, professionnel du bois et du métal venu de Bâle, s’active à débiter le premier des deux pylônes, plié au sol. Au fur et à mesure que sa scie projette des étincelles, les cinq autres bénévoles – Matthias, un Zurichois tout juste installé à Sion; Stève de Lausanne, Stefan de Bienne, Josia de Bâle et Doro de Belp – font des allers-retours entre le site et la benne, installée par la Commune sur la route d’accès, en contrebas.
«Je trouve magnifique de voir des gens venir prêter main-forte dans des coins dont ils ne sont même pas originaires. Ce fut aussi le cas lors des cinq démantèlements précédents», se réjouit Luisa Deubzer. À Chesières, l’impact des deux pylônes sur la faune est restreint, mais leur démantèlement permet de mettre en lumière deux choses.
Des centaines d’installations du même type
La première, c’est qu’il existe en Suisse, selon une estimation de l’association, des centaines d’installations d’origine militaire, agricole ou touristique de toutes tailles qui vérolent le paysage et dont la décomposition des matériaux pollue la nature en libérant des substances sans que cela ne soit connu par le grand public. La seconde, c’est que tout un chacun peut désormais les signaler à Mountain Wilderness afin de les cartographier. «Les autorités n’ont pas de vue d’ensemble de toutes ces constructions», indique Luisa Deubzer.
Prendre soin du paysage est tout aussi important pour la nature que pour le tourisme.
Avec cet inventaire participatif, l’organisation peut mettre sur pied des actions de démantèlement ou demander aux responsables de le faire. Elle peut aussi l’utiliser comme base de dialogue pour améliorer le cadre juridique. «La loi sur les installations à câbles de 2007 n’est, par exemple, pas assez contraignante. Si elle oblige le démantèlement des remontées mécaniques abandonnées, elle ne fixe aucun délai. Le chantier se voit alors retardé de plusieurs années, voire de plusieurs décennies, faute de moyens, ou avec l’espoir, souvent vain, de faire revivre le site», détaille Luisa Deubzer.
Une seule saison
L’organisation réclame l’inscription d’un délai et la création d’un fonds destiné au démantèlement. Cela doit être fait rapidement, ajoute-t-elle, car le réchauffement climatique et la pression économique croissante vont provoquer, en basse et moyenne montagne, de plus en plus d’abandons. Sur le terrain, la troupe s’attaque au deuxième pylône, que l’on distingue à peine, entouré par une famille de sapins. On scie, on disloque à coups de pioche et de masse, puis, enfin, on rebouche les trous. «C’est comme s’ils n’avaient jamais été là», s’exclament les bénévoles.
«Ce téléski a été construit en 1955 pour que les clients de nombreux hôtels et homes pour enfants de Chesières puissent avoir leur propre piste», raconte la municipale d’Ollon Caroline Ganz, qui s’est déplacée pour remercier les bénévoles. Mais, si l’infrastructure a été abandonnée après une seule saison, marquée en plus par un accident, la demi-douzaine de pylônes qui la composent n’ont jamais été totalement démantelés. Il doit s’agir des deux derniers: les autres ont été éliminés au fur et à mesure que les trois virages en aval se sont couverts de chalets, suppose l’élue chargée de l’économie, du tourisme et des forêts.
Pas toujours facile
Aujourd’hui, sur le territoire communal, cela ne serait plus possible de laisser rouiller des installations aussi longtemps, ajoute Caroline Ganz. Elle assure que les autorités suivent de très près ce genre de dossiers, car «prendre soin du paysage est tout aussi important pour la nature que pour le tourisme».
La municipale reconnaît toutefois que la tâche n’est pas simple. Pour Luisa Deubzer, le démantèlement se fait seulement lorsqu’un autre projet vient le remplacer. «Il faut absolument se rendre compte de la valeur d’un paysage non construit.»
+ D’infos mountainwilderness.ch
