Un nouveau revenu soutient les Romands qui se tournent vers un métier durable

Des expérimentations communales et cantonales déploient des formes de rémunérations inédites, inspirées du revenu de transition écologique. Bénéficiaires de l'aide sociale et entrepreneurs sont concernés, pour créer des modèles économiques soutenables.
16 juillet 2025 Lila Erard
© Marcel G

Les enjeux

Meyrin (GE) et Gland (VD) testent deux formes de rémunérations inspirées du revenu de transition écologique, dans le sillage de la France.

Cet outil a été conceptualisé par la philosophe et économiste lausannoise Sophie Swaton.

Toutefois, les freins sont nombreux à sa mise en œuvre, comme à Neuchâtel et dans le Jura.

Depuis le mois de mai, Pedro et Roderich cultivent une parcelle de 2000 m2 devant le restaurant Luigia, à Meyrin (GE). Ce matin, les quadragénaires récoltent les fleurs de courgette et les tomates qui serviront à agrémenter les pizzas de l’établissement. Grâce à ce stage de six mois, ils font partie des premiers Romands à bénéficier d’une forme de rémunération inédite inspirée des travaux sur le revenu de transition écologique (RTE), imaginé en 2018 par la philosophe et économiste lausannoise Sophie Swaton. Fourni par les collectivités publiques, cet outil vise à soutenir économiquement les personnes souhaitant se réorienter vers des activités en lien avec l’écologie et le social, tout en proposant un suivi et une mise en réseau avec d’autres acteurs de la région, grâce à une coopérative dédiée.

Lire l’interview de Sophie Swaton: «Il faut soutenir ceux qui veulent se reconvertir dans un métier durable»

Cinq stagiaires meyrinois

En plus de créer des métiers durables, la coopérative meyrinoise Comete s’est donnée pour mission de faciliter le retour à l’emploi des bénéficiaires de l’aide sociale. Pour ce faire, elle propose une immersion dans des entreprises locales engagées, comme Luigia Academy, mais aussi Konoï, qui valorise le chanvre bio, ainsi que le supermarché participatif paysan La Fève. Cinq stagiaires participent à ce pilote grâce à un financement de l’Hospice général et au soutien de la Ville.

Cet outil est une solution concrète et solidaire face à l’urgence climatique.

«Ils sont payés sur une base de salaire minimum, tout en acquérant de nouvelles compétences. Quant aux entreprises, elles peuvent développer des projets expérimentaux en bénéficiant d’un soutien en ressources humaines, explique le secrétaire général Olivier Reymermier. L’idée est de bâtir des ponts entre les personnes disponibles et les besoins d’un territoire, afin de proposer des solutions concrètes et solidaires face à l’urgence climatique. Pour l’instant, nous avons de bons retours.» L’apprenti maraîcher Roderich confirme: «J’avais déjà fait du jardinage, mais en amateur. Là, j’apprends tout de A à Z. En plus de recevoir un salaire, j’ai des échanges réguliers avec mes employeurs et la coopérative pour maximiser mes chances de trouver un emploi dans ce domaine par la suite.»

Pour une alimentation verte

Si sept territoires français ont déjà mis en place ce dispositif novateur depuis 2019, d’autres expérimentations voient le jour en Romandie. «Des projets émergent à l’échelle communale et cantonale. Ils varient selon les régions pour être au plus proche de la réalité des acteurs et des contextes locaux», remarque Caroline Lejeune, directrice de la Fondation Zoein, qui anime le réseau et documente ces initiatives. Une étude de faisabilité a été réalisée dans le canton de Vaud, par l’Entraide protestante suisse en partenariat avec la fondation. Plusieurs types de RTE ont été identifiés, aussi bien à destination des personnes ayant droit au revenu d’insertion que d’entrepreneurs participant à la transition écologique.

C’est justement le cas à Gland, qui a lancé un appel à candidature pour soutenir financièrement trois porteurs de projet dans des activités «qui contribuent à l’autonomie alimentaire, à la sobriété de consommation ou à la relocalisation de compétences». Un montant de 70 000 francs par personne par an sera alloué suite à l’annonce des résultats durant l’été. «Il y a eu un vif intérêt, avec onze candidatures, portant notamment sur la transformation de produits locaux et la cuisine végétale. Ces initiatives apportent une réelle valeur d’intérêt collectif, mais peinent à trouver un équilibre économique viable aujourd’hui. Nous voulons permettre aux entrepreneurs de se consacrer pleinement à leur projet sans pression financière immédiate», déclare Joanna Baird, déléguée à l’économie.

Si ce projet a été conçu avec la coopérative vaudoise Covates, créée en 2023 dans le cadre du Plan climat cantonal, un collectif neuchâtelois s’est également formé. «Malheureusement, nous n’avons pas obtenu assez de fonds pour faire une étude de faisabilité. Ici, le concept de RTE est encore méconnu. Nous allons d’abord consolider le réseau et sensibiliser, tout en organisant des évènements grand public», expose la chargée de communication Nathalie Ljuslin. Dans le Jura, malgré le feu vert du Parlement pour expérimenter un tel outil suite à une proposition des Vert.e.s en 2021, le gouvernement a enterré le projet en février, avançant qu’il «semble compliqué, voire impossible à l’échelon d’un canton, de mettre ce type de rémunération en phase avec les exigences propres au droit du travail».

Le piège de la concurrence

Des craintes qu’Olivier Reymermier, de la Comete, entend. «Selon la forme choisie, le RTE peut être difficile à déployer. Il faut être attentif à ne pas générer de concurrence déloyale, tout en trouvant les bons modes de financement. De plus, il ne doit pas empiéter sur les mesures économiques ou sociales déjà existantes. Mais chaque territoire peut adapter ce dispositif à sa réalité.» Caroline Lejeune acquiesce. Selon elle, créer un dialogue entre les différents acteurs de terrain prend du temps, mais est nécessaire pour insuffler une dynamique positive. «Nous devons soutenir ces nouvelles formes de coopération, afin de transformer nos modèles économiques dans le respect des limites planétaires.»

Envie de partager cet article ?

Achetez local sur notre boutique

À lire aussi

Accédez à nos contenus 100% faits maison

La sélection de la rédaction

Restez informés grâce à nos newsletters

Icône Boutique Icône Connexion