Un nouvel or
Avant toute chose, une méthode de tri rigoureuse a dû être mise en place, afin de garantir la traçabilité et la pureté des cinq nuances d’acier utilisées dans la fabrication de montres. «Nous avons demandé à nos partenaires de séparer les copeaux dans des bennes différentes. Il a fallu du temps pour que ces nouvelles habitudes soient adoptées», raconte Liselotte Thuring, cheffe de projet. La matière est ensuite scannée à l’aide d’un pistolet spectrométrique, mise sous scellés, puis acheminée dans les hauts fourneaux de deux fonderies, situées à moins de 250 kilomètres du Jura.
Près de cinquante tonnes d’acier sont coulées par nuance, pour une production finale de 250 000 montres. «Il n’a pas été facile de trouver des aciéristes qui acceptent de fondre de si petites quantités, car cela ne représente que quatorze minutes de travail. Il a fallu les convaincre du bien-fondé de la démarche», explique-t-elle. Afin de réduire davantage l’empreinte écologique de ses produits, Panatere projette même d’installer un four solaire dans la région.
Si les lingots produits sont certifiés non allergènes et biocompatibles, 135 tests ont dû être effectués pour s’assurer, notamment, de la résistance de l’acier à la salinité ou à l’acidité de la peau. «Aujourd’hui, ses propriétés sont exactement les mêmes que celles de l’acier classique, avec un bilan carbone divisé par six. C’est le nouvel or du Jura!» assure Raphaël Broye. Quant à son prix, il est pour le moment équivalent, notamment grâce à des subventions fédérales en faveur de l’environnement.
Transparence et traçabilité
L’une des premières marques à avoir fait appel à Panatere est ID Genève, qui a lancé une gamme inédite en décembre dernier, à la suite d’un financement participatif. «Nous avons reçu 275 000 francs en quelques semaines, ce qui montre l’intérêt des consommateurs pour ce type de produit», se réjouit Nicolas Freudiger, son fondateur. Les autres fournisseurs ont été sélectionnés en fonction de leur proximité et de leur durabilité, dans une optique d’économie circulaire.
Dans la boutique en ligne, ces derniers sont clairement mentionnés, pour plus de transparence. «Ce n’est généralement pas le cas pour les autres marques. Le marché horloger mondial est très opaque. Nous souhaitons faire évoluer ce modèle d’affaires.» Il en est de même pour Panatere, qui s’est entouré de plusieurs start-up européennes pour étendre son concept aux autres composants horlogers. Ainsi, un bracelet fait à partir de matière organique comme le fenouil, la pomme ou le raisin a été élaboré. De nombreux tests sont actuellement menés pour évaluer la qualité de ce cuir écologique novateur. «Les fibres naturelles du raisin sont particulièrement qualitatives. En revanche, nos essais avec l’ananas ne sont pas concluants», précise l’entreprise.
Dans le Jura, Panatere a installé des points de collecte, afin de collaborer avec des maraîchers. Mais la société ne s’arrête pas là: les joints d’étanchéité des montres sont conçus en canettes de PET et l’huile de coupe – issue du pressage des copeaux lors de l’usinage – est valorisée en produit détergent par une firme saint-galloise. «Il s’agit de créer un écosystème vertueux. Notre but? Que le mot «déchet» disparaisse de notre vocabulaire d’ici trente ans.»