Les Alpes pourraient devenir une fabrique à orages violents

Selon une nouvelle simulation, les événements extrêmes mêlant vents violents et pluies diluviennes seront de plus en plus fréquents à l'avenir. Ils se concentreront tout particulièrement dans les régions alpines, avec jusqu'à 52% d'orages supplémentaires
6 octobre 2025 Hugo Ruher/Le Temps
© Adobe Stock

Le futur de l’Europe s’annonce orageux. Littéralement. Une étude parue il y a un mois dans la revue Science Advances prévoit que les orages supercellulaires – des phénomènes d’une grande intensité, avec des vents violents, de la grêle, des pluies diluviennes et parfois même des tornades – devraient être 11% plus fréquents sur le continent avec la persistance du réchauffement climatique. L’étude signée par des chercheurs de l’Université de Berne ainsi que de l’ETH Zurich, met notamment en lumière que la Suisse ferait partie des pays les plus concernés.

La principale auteure, Monika Feldmann, a imaginé un scénario dans lequel la température à l’échelle mondiale augmenterait de 3°C, puis couplé cela aux données récoltées entre 2016 et 2021 sur les orages présents à travers le continent européen. Cette méthode a établi qu’il y a eu environ 700 orages supercellulaires par saison, surtout autour des montagnes, et que l’évolution des conditions climatiques allait conduire à une augmentation sensible sur ces zones.

52% d’événements en plus

La chercheuse détaille: «Notre simulation montre que les Alpes sont un hotspot d’orages supercellulaires. En cas d’augmentation de 3 degrés Celsius, ces orages continueront à se concentrer dans la région alpine, avec jusqu’à 52% d’événements en plus au nord des Alpes et 36% en plus au sud». Au contraire, le sud-ouest de la France et la péninsule Ibérique connaîtront une diminution dans les décennies à venir.

En Suisse et à travers les Alpes, la menace est à prendre au sérieux car les orages supercellulaires sont particulièrement craints. En 2021, de tels orages avaient causé d’importants dégâts à Zurich, puis à La Chaux-de-Fonds en 2023. À chaque fois, il s’agissait de manifestations très localisées dans lesquelles les vents tournent sur eux-mêmes, accompagnés de fortes précipitations.

Des orages difficiles à étudier

«Ces événements sont difficiles à reconnaître car ils sont très petits et peu visibles sur les images radars», précise Mikhael Schwander, prévisionniste chez MétéoSuisse. Pire: si les météorologues peuvent identifier les conditions promptes à déclencher un orage de ce type, il leur est encore difficile de dire précisément quand et où celui-ci aura lieu. «Nous pouvons affirmer qu’un orage arrive tel jour sur telle région, mais sans dire quelle ville sera touchée ni à quel moment précis», ajoute le météorologue.

L’équipe de Monika Feldmann a justement étudié quelles étaient les conditions de départ nécessaires. Il est admis que les orages supercellulaires se déclenchent lorsque l’air est instable et humide, mais il faut en plus un élément déclencheur. Par exemple, le relief, lorsque la masse d’air rencontre une montagne par exemple et se retrouve forcée à s’élever, ou alors le passage d’un front froid avec une forte différence de température. «La topographie des Préalpes, avec des lacs qui maintiennent l’humidité, constitue l’environnement idéal pour déclencher ces orages, considère la chercheuse. Mais cela est à prendre en compte aussi dans le contexte du changement climatique.»

Mieux se préparer aux catastrophes

Les scientifiques se sont confrontés à la difficulté de répertorier les orages existants pour pouvoir extrapoler à partir de ces phénomènes passés. Dans leur étude, ils n’ont pu prendre en compte que les événements qui s’étendaient sur plus de 2,2 kilomètres, correspondant à la résolution maximale des mesures. «Mais certains orages sont plus petits et durent moins longtemps», regrette la chercheuse. Ceux-là restent mis de côté.

Pour Mikhael Schwander, l’étude reste extrêmement intéressante malgré ces limitations. «L’étude des orages est particulièrement compliquée. Contrairement aux températures ou aux précipitations, nous avons très peu de données les concernant, et presque rien pour l’étude sur le long terme, commente l’expert. On a l’impression que les orages s’intensifient ces dernières années, et cette étude montre que c’est réel, et que la tendance va continuer en ce sens.»

Le manque de données solides a un effet pervers: les orages sont globalement ignorés dans les stratégies de gestion des risques, et ce, malgré les importants dégâts qu’ils peuvent provoquer. «Comprendre les conditions qui favorisent ces tempêtes est essentiel pour mieux se préparer, assure Monika Feldmann. Les informations que nous récoltons avec ce type d’étude sont cruciales pour mieux se préparer face à ces catastrophes naturelles.»

La météorologie mondiale traverse des turbulences

Il y a deux semaines, 500 représentants de services météorologiques nationaux, agences spatiales et centres de recherches réunis à Lyon ont tiré la sonnette d’alarme: la politique climatique américaine sous Donald Trump met en péril la coopération scientifique mondiale. «Le mot climat n’est pas très bienvenu à Washington, aujourd’hui», a notamment déclaré Paul Counet, chef de la stratégie et de la communication de l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (EUMETSAT).

Depuis l’arrivée du président républicain, des sites officiels sur le climat ont été supprimés, des banques de données entières perdues, et les budgets de la NASA et de la NOAA (l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique) largement amputés. Pour certains chercheurs, il est devenu nécessaire d’effacer toute mention du changement climatique dans leurs projets pour espérer un financement. À l’inverse, les argumentaires sur les applications de sécurité et de défense amélioreraient les chances de subventions, y compris européennes. (ATS/TN)

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