Reportage
Les vaches dans les prés méritent le respect

La saison étant propice aux randonnées, les promeneurs doivent faire preuve de prudence au contact de troupeaux d’allaitantes. Agriculteurs et milieux touristiques rappellent les gestes à adopter pour éviter les accidents.

Les vaches dans les prés méritent le respect

Avec l’arrivée des beaux jours, de nombreux randonneurs s’apprêtent à arpenter les quelque 65000 kilomètres de sentiers du pays. Mais ce ne sont pas les seuls à profiter de l’air frais. Les vaches aussi ont rejoint ces derniers jours les pâturages pour y passer l’été, notamment dans le Jura. Or souvent, les chemins pédestres longent, voire traversent les prés où paissent les bovidés, ce qui n’est pas sans danger. Chaque année, des accidents surviennent lorsque les bêtes se sentent menacées. En juillet dernier par exemple, une randonneuse a été chargée par une vache vers Saignelégier (JU). En juin 2021, un autre incident s’est déroulé au Bémont, lorsqu’une promeneuse, voulant protéger son chien piétiné par des bovins, a elle aussi été blessée.

Bien qu’il n’existe pas de statistiques concernant ces incidents à l’échelle nationale – et que ceux-ci ne semblent pas augmenter, selon les experts –, ces situations ne doivent pas être traitées avec légèreté. Ce printemps, les autorités, les agriculteurs et les milieux touristiques ont donc choisi de prendre les devants, afin de sensibiliser les marcheurs au bon comportement à adopter à l’approche d’un troupeau. «Il ne faut pas oublier que dans les prés, les vaches sont chez elles. Ce sont aux promeneurs de faire un détour ou de rebrousser chemin par précaution», rappelle Quentin Guerdat, éleveur de 28 vaches-mères à Saint-Brais. Le Jurassien vient d’accrocher des panneaux sur les portails délimitant ses parcs, de façon à indiquer la présence d’allaitantes. Le pays en compte aujourd’hui plus de 100‘000, essentiellement dans les cantons de Berne, de Lucerne et des Grisons, indique la faîtière Vache Mère suisse.

Observation nécessaire
Parfois, les promeneurs commettent des imprudences en toute bonne foi, en voulant caresser une vache ou en s’approchant de sa progéniture pour la photographier. Il arrive également qu’ils ne remarquent pas les nouveau-nés, dissimulés dans les hautes herbes. Or s’en approcher peut être considéré comme une provocation par la mère, dont le sang ne fera qu’un tour. «Quand on traverse un pré, il faut observer le comportement des bovins, relève Quentin Guerdat. Ce n’est pas le taureau le plus dangereux, mais une vache isolée, ce qui peut signifier qu’elle vient de mettre bas; elle doit être gardée à l’œil.»

Paisibles au premier abord, ces bêtes sont particulièrement vigilantes durant les trois à quinze jours suivant la naissance de leur petit. Guidées par leur instinct, elles peuvent se montrer agressives, notamment si les randonneurs sont accompagnés d’un chien. D’ailleurs, un canidé est impliqué dans près de 95% des incidents. Les vaches les confondent intuitivement avec le loup, de plus en plus présent dans le pays (lire l’encadré).

Règles à suivre
Dans le Jura vaudois, au sein de secteurs où le carnassier avait fortement perturbé les bovins, des itinéraires pédestres ont même été modifiés l’été dernier, de manière à protéger les randonneurs. «Les vaches peuvent rester agitées et sur la défensive pendant des mois après une attaque de grands prédateurs, note François Monin, directeur d’AgriJura. Il est important que les agriculteurs prennent des mesures, comme placer les animaux problématiques loin des sentiers ou accrocher des panneaux de prévention à l’entrée des estivages, afin d’éviter les incidents.» Car en cas d’accident, les éleveurs risquent gros. Ils peuvent en effet être reconnus responsables, s’ils n’ont pas pris de dispositions suffisantes en amont (lire l’encadré ci-dessus).

Voilà pourquoi les services concernés ont tenu à rappeler les règles aux randonneurs. «Il faut toujours rester à distance des bovins, ne jamais toucher les veaux et tenir les chiens en laisse courte. Cette dernière ne doit être enlevée qu’en cas d’urgence, pour aider l’animal de compagnie à fuir une attaque», souligne Patricia Cornali de l’association SuisseRando. Les promeneurs doivent également contourner largement les troupeaux, ne pas passer entre les veaux et leurs mères et surveiller le comportement du groupe, poursuit-elle. «Si les bêtes écument, trépignent ou lèvent et baissent la tête successivement, le signal d’avertissement est indéniable. Il faut alors sortir du pré aussi vite que possible, dans le calme, sans leur tourner le dos ni les regarder directement dans les yeux.» En suivant ces conseils, les randonneurs pourront profiter de longues balades, admirant les bovins de loin, sans craindre les confrontations.

+ d’infos www.bul.ch; www.agrijura.ch; www.suisse-rando.ch; www.mutterkuh.ch

Texte(s): Céline Duruz
Photo(s): Nicolas de Neve

Sur la défensive en raison du loup

Le comportement des bovins s’est modifié depuis que les loups se sont multipliés dans le pays, des Alpes au Plateau. Canis lupus se plaît particulièrement sur la chaîne du Jura, où les spécialistes de la fondation KORA (Écologie des carnivores et gestion de la faune sauvage) ont mené une étude de mai 2021 à avril 2022. D’après leur rapport, la meute du Marchairuz occupe un territoire s’étendant du nord du col de la Faucille (F) jusqu’à L’Abbaye et le Mont-Tendre (VD). Durant l’hiver dernier, elle a aussi fait des incursions sur le Plateau, dans la région de Marchissy, Bière et Mollens. Au total, dix-neuf loups – y compris les deux individus tirés lors de la régulation de cette meute – ont été répertoriés. Le KORA a décidé de prolonger son étude l’hiver prochain, afin de clarifier la situation dans la région entre le Mont-Tendre et le Suchet.

Lorsque les grands prédateurs rôdent dans les parages, les vaches sont sur la défensive, une donne que doivent prendre en compte les randonneurs. Ceux-ci doivent également faire attention aux chiens de protection de troupeau. La Suisse en dénombre plus de 250 sur une centaine d’alpages, rappelle l’association SuisseRando, qui explique qu’il vaut mieux rebrousser chemin que de se mettre en danger. La faîtière des promeneurs a même créé une carte recensant les sentiers où ces canidés sont absents.

+ d’infos Retrouvez le rapport complet sur www.kora.ch

Risques anticipés

Les propriétaires de bovins ou de chiens de garde doivent sécuriser les sentiers pédestres traversant leurs prés afin d’éviter les incidents, rappelle le Service de prévention des accidents dans l’agriculture (SPAA). La loi stipule qu’en cas de dommage causé par un animal, «la personne qui le détient est responsable, si elle ne prouve qu’elle l’a gardé et surveillé avec toute l’attention commandée par les circonstances ou que sa diligence n’eût pas empêché le dommage de se produire». Le SPAA a édité des guides afin d’aider les détenteurs de bêtes à anticiper les risques.