Décryptage
Les chiens, victimes collatérales de la Covid-19?

La pandémie a dopé les adoptions de chiens. Mais ces circonstances particulières peuvent avoir un effet négatif sur le comportement des animaux. Pour éviter des problèmes, il ne faut pas hésiter à consulter les professionnels. 

Les chiens, victimes collatérales de la Covid-19?

Trouver un chien à adopter en Suisse relève désormais presque de l’exploit, tant les éleveurs sont sollicités: la pandémie qui bouleverse le quotidien de la population depuis plus d’une année ainsi que les restrictions qui y sont liées ont conduit à un nombre record d’adoptions ces derniers mois.

Un manque de contacts sociaux
Besoin de combler un vide social ou temps davantage disponible pour réaliser un vieux rêve: les raisons d’une telle démarche sont multiples. «Nous faisons face à une augmentation sans précédent de la demande pour des cours, constate Florence Debons, éducatrice canine à Savièse (VS). Le nombre de nouveaux propriétaires, qui n’ont jamais eu de chien par le passé, a triplé ces derniers mois.» Si les cours ont pu désormais reprendre, les circonstances particulières qui ont conduit à l’acquisition d’un canidé ne sont cependant pas sans conséquences sur les relations entre l’homme et l’animal. Car ces chiens risquent en effet plus que la moyenne de développer des troubles du comportement. «Pendant le premier semi-confinement, les clubs d’éducation ont été fermés pendant plusieurs mois, relève Christian Zingg, éducateur canin à Gingins (VD) et responsable de la formation au sein de la Fédération romande de cynologie. Les chiots nés ou adoptés à cette période ont donc souvent eu peu de contacts avec leurs congénères. En parallèle, les échanges sociaux avec d’autres personnes, notamment en ville, étaient réduits. Des fermetures, comme celle des restaurants, ne permettaient pas non plus de confronter son animal à certaines situations du quotidien.» Nombre d’éducateurs sont ainsi confrontés ces derniers temps à de jeunes sujets adultes qui ont manqué de socialisation lors de leurs premiers mois de vie.

Soigner le mal-être
«En temps normal, cette phase très importante doit commencer très tôt, chez l’éleveur, et se poursuivre chez le nouveau propriétaire», explique Colette Pillonel, vétérinaire comportementaliste. Certains sont ainsi devenus anxieux vis-à-vis de l’homme ou de leurs congénères, traduisant parfois leurs émotions par une hyperexcitation lorsqu’ils croisent un autre chien. «Le risque est bien réel que cette crainte se traduise par un nombre d’agressions plus élevé à l’avenir», observe Christian Zingg. Néanmoins, une part de ce retard peut être comblée, pour autant que les propriétaires s’impliquent assidûment. «Je suis optimiste, rassure François Descombes, moniteur à Orbe (VD) et président de la société cynologique des lieux. Mais il ne faut plus attendre!»

Dernier moment pour réagir
Plus inquiétant, nombre de chiens souffrent d’anxiété et de solitude. Avec la généralisation du télétravail, ou à cause d’une activité professionnelle touchée par les mesures en vigueur, certains canidés n’ont jamais appris à rester seuls. «Les cas ont augmenté, déplore Colette Pillonel. Les chiens sont ravis d’être en compagnie de leur maître toute la journée, mais lorsque celui-ci s’absente exceptionnellement, c’est la catastrophe. Pleurs, hurlements, destructions ou malpropreté: l’animal ne supporte tout simplement pas la solitude et traduit ainsi son mal-être.» Si cet état peut généralement être amélioré, il nécessite un grand engagement de la part des propriétaires. Et plus la prise de conscience de ce problème est rapide, plus grande est la chance de soigner le mal. Trop souvent, les propriétaires minimisent le comportement problématique de leur animal, tolérant des situations inacceptables. «Chaque cas étant individuel, une solution personnalisée doit être trouvée, affirme Christian Zingg. Il faut souvent plusieurs mois pour améliorer la situation. Le chien doit être habitué graduellement à rester seul, en l’occupant notamment avec des jouets qui stimulent la mastication.» Les professionnels craignent néanmoins ces prochaines années un nombre d’abandons plus élevé que la moyenne, le chien ne correspondant pas à ce que les propriétaires avaient imaginé. «Le risque est d’autant plus élevé que nombre d’entre eux ont craqué pour une race en se basant uniquement sur son look, sans savoir si son tempérament était adapté, regrette Florence Debons. Le miniberger australien et le shiba inu, qui ne sont pourtant pas des chiens faciles, remportent ainsi un succès phénoménal.»

Texte(s): Véronique Curchod
Photo(s): DR

Boom des adoptions

Si la population canine augmente régulièrement en Suisse depuis plusieurs années, sa progression a été exponentielle l’année passée. Selon les chiffres de la banque de données Amicus, qui recense tous les canidés de notre pays, leur nombre a en effet augmenté de 12′000 sujets pour atteindre plus de 530’000 chiens au total, déduction faite des décès. Or, cette dernière décennie,
la moyenne tournait plutôt autour de 5000 canidés supplémentaires par année. Si les importations ont subi un net frein au printemps 2020, le rebond a été d’autant plus important l’été dernier, pour faiblir à nouveau ce début d’année au vu des restrictions liées aux déplacements à l’étranger. Du côté des éleveurs suisses, l’augmentation de la demande s’est nettement fait sentir, avec une explosion des prises de contact. Cette tendance se poursuit à ce jour.

Des cours à nouveau obligatoires

Si l’obligation fédérale pour les propriétaires de chiens de suivre un certain nombre de cours de formation, qu’ils aient ou non déjà eu un canidé par le passé, a été abolie en 2017, certains cantons y reviennent peu à peu. Après le Valais en janvier 2020, Neuchâtel a réintroduit cette obligation en ce début d’année. Dans les deux cantons, seuls les nouveaux détenteurs de chiens sont concernés. Sur Vaud, ce sont uniquement les détenteurs de chiens listés qui doivent se plier à cette formalité. La formation s’achève par un examen, afin de s’assurer que le propriétaire et son chien ont intégré les connaissances exigées. L’objectif principal de ces cours pratiques et théoriques est une intégration réussie du chien à la vieen société, afin de faciliter la cohabitation avec le reste de la population.