Portrait
La plus jeune lanceuse de drapeau de Romandie promeut le folklore du pays

Âgée de 15 ans, Isaline Wyssenbach veut populariser cette tradition helvétique. Dans sa ferme familiale, à Chermignon (VS), cette amoureuse de la nature vit au rythme des chèvres, des yaks et des moutons.

La plus jeune lanceuse de drapeau de Romandie promeut le folklore du pays
Depuis qu’elle a l’âge de marcher, elle nourrit les chevaux, abreuve les moutons, nettoie l’écurie et s’occupe des chèvres. Dans sa ferme familiale à Chermignon-d’en-Haut (VS), Isaline Wyssenbach est comme un poisson dans l’eau. Aujourd’hui âgée de 15 ans, la jeune fille prépare un trek en compagnie de l’un de ses yaks. Trois jours et deux nuits à la belle étoile à travers le Valais, sous le signe de «l’harmonie, l’amitié et la communication». Des paroles sages et un ton assuré qui témoignent d’une étonnante maturité.Il faut dire que l’adolescente n’a pas grandi dans une famille comme les autres. Élevée par une mère orthopédiste équine, guérisseuse et cavalière passionnée et un père caviste, amateur de grand air, elle a vite été confrontée aux lois de la nature. «Mes parents m’ont rapidement laissée seule gérer mes bêtes. J’assistais aux naissances, mais aussi aux décès. Cela m’a construite. Aujourd’hui, je suis très autonome», raconte celle qui a décidé d’intégrer le collège de Brigue (VS) à la rentrée prochaine. Un nouveau départ non loin des terres alémaniques pour se rapprocher de son autre passion: le lancer de drapeau, sport traditionnel qu’elle est la plus jeune Romande à pratiquer.Discipline stricte et salvatrice
Ce matin, vêtue du costume traditionnel, bijoux en forme d’edelweiss autour du cou et aux oreilles, la demoiselle à la tresse nous offre une démonstration. D’un mouvement de poignet gracieux, elle fait tournoyer au-dessus de sa tête l’imposant drapeau valaisan, dans une série d’enchaînements maîtrisés. «J’ai découvert ce sport par hasard lors d’une fête, il y a deux ans. À la base, c’est une discipline militaire très stricte destinée aux hommes. Aujourd’hui, elle s’est popularisée, surtout en Suisse allemande, précise-t-elle entre deux lancers. Cela me permet de me concentrer, de m’ouvrir aux autres et de parler une deuxième langue. Mon équipe est devenue ma seconde famille.» Ses meilleurs souvenirs: le cortège valaisan de la Fête des vignerons, l’an dernier à Vevey (VD), et les championnats valaisans, où elle s’est hissée à la cinquième place. Une prouesse pour une débutante. «Je consacre deux soirs par semaine à des entraînements. C’est ma bouffée d’oxygène, qui me sort de mon quotidien, l’un des seuls moments où je me sens vraiment moi-même, sans avoir à jouer un rôle.»

Ce qui n’est pas toujours le cas à l’école, où Isaline Wyssenbach a rarement les mêmes loisirs et préoccupations que ses camarades. «On me trouve trop compliquée, car je remets tout en question et lance des débats sur l’agriculture ou la place des animaux dans la société. J’ai un caractère bien trempé. Généralement, je m’entends mieux avec les adultes», confie-t-elle, en nous proposant de s’asseoir sur la petite terrasse qu’elle a construite près de l’enclos destiné à ses protégés. Engagée en faveur de l’écologie, elle a tenté de motiver d’autres élèves à se rendre aux grèves du climat et à organiser une journée de ramassage des déchets dans le village. «Mais souvent, je me heurte à un mur, soupire-t-elle. Plus tard, j’aimerais m’engager en politique, pour défendre notre planète et les traditions de notre pays. Pour moi, c’est un seul et même combat.»

Les coutumes avant tout
Fan d’accordéon schwytzois, qu’elle écoute au petit matin dans le bus «pour la bonne humeur», Isaline Wyssenbach regrette que le folklore suisse ne soit pas davantage enseigné aux jeunes dans les écoles. «Aujourd’hui, on assiste à une homogénéisation des cultures et des spécificités de chaque pays, c’est triste. Nous devons protéger notre patrimoine et notre terroir, en l’honneur de nos ancêtres», assure-t-elle. Ne pas rester les bras croisés caractérise bien la jeune Valaisanne, qui a récemment contacté l’Office du tourisme de Crans-Montana (VS) pour proposer diverses activités autour de la musique traditionnelle. Une initiative appréciée par la commune, qui a décidé de programmer des ateliers et autres festivités dès l’été prochain, pour les touristes et les habitants du coin. «De mon côté, je me charge de rassembler des joueurs de cor des Alpes et des yodleurs. Tout le monde est surpris, mais plutôt en bien!»

Déjà bien occupée, elle profitera aussi des vacances d’été pour lancer son site internet et organiser des randonnées découverte en compagnie de son cheval et «véritable ami», Ouragan. «Une première personne a déjà réservé! J’ai le contact facile, même si je suis plutôt solitaire», glisse-t-elle. Sur les réseaux sociaux, l’adolescente documente son quotidien, ses balades en forêt ainsi que sa montée à l’alpage avec un ami berger, au cours de laquelle elle a adopté deux moutons abandonnés. «Je considère les animaux comme les égaux de l’homme. Je les écoute et les respecte. C’est ce que j’essaie de transmettre lors des activités que je propose.»

Un quotidien équilibré
Une fois le collège terminé, cette amatrice de mécanique compte entreprendre un apprentissage de pilote de locomotive cargo. «J’ai besoin de voir du monde et de découvrir le pays. C’est pour cela que je ne veux pas être agricultrice», relève-t-elle, pragmatique. En attendant, Isaline Wyssenbach aide à la ferme, soigne les chevaux et dresse son yak, sous le regard attendri de ses parents. Puis fait virevolter fièrement les couleurs de sa patrie, jusqu’à la tombée de la nuit.

+ D’infos isalinewyssenbach7.wixsite.com/respect

Texte(s): Lila Erard
Photo(s): Sedrik Nemeth

Son univers

Un chanteur: Marc Trauffer

«Un mélange de musique folklorique et moderne. J’adore!»

Un plat: Les röstis

«J’en prépare même une version valaisanne avec du raclette.»

Un livre: «Sirius», de Stéphane Servant

«Un roman de science-fiction qui parle d’une pandémie et de notre rapport à la nature. Très actuel.»

Un film: «Le seigneur des anneaux»

«Cet univers m’a toujours fascinée.»