Les chiens font aussi don de leur sang

Parfois, une transfusion sanguine permet d’augmenter les chances de guérison de chiens et de chats malades. Seules quelques rares cliniques vétérinaires pratiquent cette intervention.
5 septembre 2019 Véronique Curchod
François Wavre

Le temps presse. À la clinique Medi-Vet, à Lausanne, un chien lutte en effet pour sa survie. Souffrant d’une anémie sévère due à un problème immunitaire, il s’affaiblit d’heure en heure. Pour espérer s’en sortir, ce teckel a urgemment besoin d’une transfusion sanguine. Encore peu répandue en médecine vétérinaire, cette intervention va permettre de soutenir son organisme, en attendant que les immunosuppresseurs fassent effet. «L’enjeu est de pouvoir trouver très rapidement du sang dans ce contexte d’urgence, explique le Dr Kevin Diserens, fondateur de Medi-Vet. Nous ne faisons en effet pas de stock, car le sang frais se conserve au maximum 28 jours.»

Pour pallier le risque de pénurie en cas de besoin, la clinique lausannoise a donc constitué une liste de donneurs potentiels. Elle est actuellement la seule à pratiquer cette intervention à cette échelle-là en Romandie. «Nous avons une dizaine de chiens – labradors, golden retrievers, bergers allemands, entre autres – et quelques chats qui sont rapidement disponibles sur appel en cas de besoin.» Environ une fois par mois, les vétérinaires de cette clinique spécialisée ont recours à une transfusion sanguine: principalement en cas d’anémie, caractérisée par un manque de globules rouges, qu’elle soit d’origine immunitaires ou liée à une hémorragie, notamment. «Lorsque nous avons une opération à risque, telle que l’ablation partielle du foie, nous veillons à avoir toujours un donneur présent à la clinique», relève Kevin Diserens.

Sous haute surveillance

Ce jour-là, Olaf a été appelé à la rescousse, afin d’aider un autre chien. Il n’a pas été choisi au hasard: son groupe sanguin correspond à celui du patient hospitalisé. Lors d’un examen antérieur, un bilan sanguin avait été réalisé, afin de vérifier l’absence de maladies. «Avant chaque transfusion, nous vérifions systématiquement la compatibilité entre le donneur et le receveur, souligne le Dr Vincent Marolf, responsable du don du sang au sein de la clinique et spécialisé en anesthésie. Cela permet d’éviter des réactions pouvant entraîner le décès.» Coopératif, le berger picard reste bravement allongé sur la table.

Le vétérinaire tond une zone au niveau du cou, puis la désinfecte, avant d’enfoncer une aiguille d’un geste assuré dans la veine jugulaire. Le diamètre important de celle-ci permet d’obtenir un débit important, contrairement au prélèvement au niveau de la patte, comme il est effectué habituellement dans le cas d’une prise de sang. Peu à peu, la poche se remplit de sang, alors que le chien, stoïque, ne bouge pas. «Cette intervention est plus délicate chez un chat, car elle implique en règle générale de mettre l’animal sous sédation», explique le spécialiste.

Des critères stricts

Pour donner leur sang, chiens et chats doivent montrer patte blanche! Il est en effet indispensable que des conditions rigoureuses soient respectées, afin de ne pas mettre en danger ni la santé du donneur ni celle du receveur. Il faut ainsi que l’animal soit en bonne forme, n’ait pas de traitement en cours et n’ait pas eu de maladie grave antérieure. Il doit être âgé de 1 à 8 ans, et peser plus de 4 kilos pour un chat, plus de 25 kilos pour un chien. Ses vaccinations doivent être à jour et les traitements antiparasitaires effectués régulièrement. Il est essentiel qu’il n’ait jamais reçu de transfusion sanguine et que, s’il s’agit d’une femelle, celle-ci n’ait jamais eu de portées. Un point important est sa docilité: donner son sang ne doit pas stresser inutilement l’animal. Les prélèvements ont lieu au maximum toutes les huit semaines.

Élan de solidarité

Seule la collaboration généreuse de propriétaires d’animaux sensibilisés à cette démarche permet d’offrir ce service. Ceux-ci doivent être disponibles sur appel, même en pleine nuit. Certains d’entre eux donnent eux-mêmes régulièrement leur sang, d’autres aimeraient faire cette démarche, mais ne le peuvent pas pour des raisons de santé. «Je suis heureuse de pouvoir contribuer ainsi à sauver une vie animale, se réjouit la propriétaire d’Olaf. J’espère qu’un autre propriétaire sera également prêt à s’engager, si mon chien a besoin un jour d’une transfusion.» À noter qu’aucun dédommagement financier ne récompense les donneurs, tout comme en médecine humaine.

Une demi-heure s’est écoulée depuis l’arrivée du berger picard. Après avoir donné quelques 450 millilitres de sang, soit environ l’équivalent de la quantité prélevée chez un être humain, il est temps pour lui de reprendre des forces. Une grande gamelle de croquettes l’attend comme récompense, ainsi qu’un bol d’eau. «Il est important pour nous que le chien associe ce moment à quelque chose de positif, souligne le vétérinaire. Il n’a pas choisi de jouer le bon samaritain!» Dans une salle adjacente, son comparse va enfin pouvoir recevoir dans les minutes qui suivent le précieux liquide. Quelques heures à peine après la transfusion, il a déjà beaucoup plus d’énergie, ce qui permet d’espérer une guérison rapide.

À chacun son groupe sanguin

Tout comme nous, les animaux possèdent également divers groupes sanguins, propres à chaque espèce. Chez les chiens, neuf groupes sanguins ont été répertoriés, dont un spécifique aux dalmatiens, ainsi que des rhésus positif et négatif. Concernant le chat, on en connaît trois, mais près de 95% sont de groupe A. Les félins ayant naturellement des anticorps contre les autres groupes sanguins, toute transfusion sanguine doit obligatoirement être effectuée avec le même groupe, contrairement au chien, où la première peut avoir lieu avec n’importe lequel.

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