À cheval jusqu'à Saignelégier, l'odyssée équestre de deux jeunes cavalières
Assises par terre, Alicia Tracogna et Aurélie Willimann recousent les sacoches en cuir qui ont cédé pendant leur périple. Un peu plus loin, leurs montures Craquant et Caramel se reposent dans le parc de la Ferme des Morand à Saint-Prex (VD). Fabienne, agricultrice et journaliste, leur prépare un dîner simple et réconfortant: brochettes de poulet, riz, courgettes et tomates du jardin. Une halte bienvenue après une journée de randonnée. Nous sommes le 28 juillet, et le périple d’Alicia et Aurélie, 16 et 17 ans, a commencé depuis trois jours.
Les deux adolescentes sont passionnées d’équitation. Elles voyagent avec deux franches-montagnes, des chevaux réputés pour leur tempérament calme, leurs allures souples et leur polyvalence, avec de bonnes aptitudes autant à l’attelage qu’à la selle. Parties le 26 juillet de Troinex (GE), elles comptent rejoindre Saignelégier (JU) à temps pour le Marché-Concours, incontournable rendez-vous annuel consacré aux franches-montagnes (lire l’encadré ci-dessous). L’édition de cette année, qui se tiendra du 8 au 10 août, a pour hôte d’honneur le canton de Genève.
Engagement commun
Au rythme des sabots, elles parcourent 240 km riches en péripéties et en rencontres. Le jour du départ, Craquant et Caramel attiraient l’attention dans les rues de Genève. «Nous avons traversé Carouge, le pont des Bergues, l’île Rousseau, et longé les voies du tram. Nos parents et nos amis nous accompagnaient à vélo. Nos chevaux sont restés tranquilles. Ils ont l’habitude», racontent-elles d’une même voix.
La relation qui les unit à leurs montures est le fruit d’un long travail. Débourrés par leurs soins, Craquant et Caramel vivent à la ferme de Marsillon, à Troinex, où les adolescentes les montent et les soignent depuis quatre ans. «Les propriétaires pensaient qu’on allait rester deux mois, mais on est toujours là. Craquant est hypersportif, Caramel, plus doux. Après deux semaines de voyage, ça va être dur de les quitter.»
Au-delà de leur passion pour les chevaux, les deux amies partagent un engagement commun en faveur des animaux. Alicia a fondé une microferme à Gaillard, en France voisine. Un endroit baptisé La ferme du Bonheur où elle recueille des animaux abandonnés ou maltraités: «On a quinze poules, trois lapins, et sept chèvres dont Pépite, qu’on a trouvée attachée près de la voie ferrée.» Son père René gère l’association. Aurélie, secrétaire de la ferme, rêve de devenir vétérinaire.
Trois jours pour fêter le franches-montagnes
Organisé depuis 1897, le Marché-Concours national de chevaux est devenu une véritable institution, qui voit chaque année converger près de 50 000 amoureux du cheval vers le village de Saignelégier (JU). Concours d’élevage, exposition de chevaux et de poulains, démonstrations et marché artisanal sont au programme.
Mais le clou du spectacle, ce sont les courses: de vendredi à dimanche, pas moins de 26 épreuves verront s’affronter cavaliers et meneurs dans des courses de trot ou de galop, sans oublier la fameuse épreuve des chars romains. L’événement est aussi l’occasion pour les éleveurs de vendre leurs produits: une vingtaine de poulains franches-montagnes seront présentés le 7 août avant d’être mis aux enchères.
+ d’infos Marché-Concours national de chevaux de Saignelégier, du 8 au 10 août, marcheconcours.ch
Les aléas du voyage
Leur aventure ne se déroule pas sans accrocs. Le 31 juillet, réveil difficile à Dommartin (VD): Aurélie souffre de maux de ventres et de nausées. La pharmacie la plus proche est à dix kilomètres. Débrouille, Alicia monte dans le premier car postal pour aller chercher des médicaments. Vers 16h, elles reprennent la route pour rallier la ferme des deux Sapins à Essertines-sur-Yverdon, pour une arrivée plutôt tardive. «On a été très bien accueillies. Le soir, on a mangé avec la famille. On a beaucoup discuté, et le lendemain, on avait du mal à repartir.».
Le 1er août, elles font étape à la ferme Les Prises, à Corcelles-près-Concise, chez Anna et Jean-Yves Leuenberger. Sur place: des vaches, des poules, des canards, des chèvres, des poneys. Elles en profitent pour ramasser des œufs, écrire dans leur carnet de bord, recoudre une nouvelle fois leurs sacoches, et partager un goûter dans le carnotzet. Mais dans la soirée, les feux d’artifice troublent la quiétude. «Les chevaux ont peur du bruit. Quand on est allées les voir, ils paraissaient très agités.»
La route à cru
Le lendemain matin, Caramel a la jambe droite gonflée et des nodules sous le ventre, au passage des sangles. «La fermière Anna a appelé sa vétérinaire, qui est venue aussitôt. Elle a diagnostiqué une blessure, appliqué un bandage désinfectant et conseillé de surveiller jusqu’au lendemain. »
La nuit est longue. Le lendemain matin, le diagnostic tombe: Caramel va mieux, mais il ne peut plus être sanglé. Il faudra continuer la route à cru. Les deux cavalières prennent cet imprévu avec philosophie. À Cernier (NE), on les retrouve en train de pique-niquer dans un pré, à l’ombre d’un arbre. «Sans selle, c’est plus sportif. Nos leggings glissent, on a fait quelques belles chutes», rigolent-elles.
Une contrainte qui les prépare finalement aux courses de galop à cru auxquelles les deux amies comptent prendre part une fois arrivées au Marché-Concours.
+ D’infos lasuisseacheval.mystrikingly.com
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