Plus que la baisse de consommation, c’est la concurrence étrangère qui saborde la viticulture suisse

Loin de jouer un rôle de protection à la frontière, les contingents tarifaires en vigueur depuis 1994 induisent une concurrence déloyale pour les vins nationaux. Seule la réintroduction des contingents de volume permettrait de changer la donne et représenterait un véritable outil de gestion de la ressource agricole.
6 août 2025 Tribune
© Marcel G.

Willy Cretegny

Il est président de l’Association suisse des vignerons-encaveurs indépendants (ASVEI) et conseiller administratif de la commune de Satigny (GE).

Dans toute la Suisse le constat est le même: la viticulture est en crise. Pour expliquer les difficultés du secteur, on parle de manque de relève et de baisse de la consommation. Ces facteurs sont certes très importants, mais ils n’en sont pas la cause directe. Cette dernière n’est quasiment jamais évoquée: c’est la concurrence des vins étrangers.

Aujourd’hui, l’importation se fait essentiellement par le contingent tarifaire, et une infime partie en direct – avec des taxes douanières beaucoup plus élevées. Le volume du contingent pour le vin a été fixé sur la base des statistiques de production et de consommation qui prévalaient durant les années 1986 à 1988, à 170millions de litres. Ces contingents «tarifaires» induisent une concurrence déloyale.

Taxes trop réduites

Les raisonnements sont biaisés, car ils se basent sur une fausse prémisse, selon laquelle les contingents tarifaires joueraient un rôle de protection à la frontière. Or c’est tout le contraire: jusqu’à épuisement du contingent, les vins sont importés avec des taxes tellement réduites qu’ils peuvent envahir notre marché à des prix indécents. Les contingents tarifaires ne sont donc pas du tout une protection pour la production locale, bien au contraire, ils sont un boulevard ouvert sur le marché suisse.

À l’inverse, les contingents «de volume» (ou «quotas sans droits de douane») constitueraient un véritable outil de gestion de la ressource agricole. Avec ce type de contingent, le volume déterminé ne peut être dépassé et on ne peut pas importer en dehors de celui-ci. Toutefois, si la production locale vient à manquer, le Parlement peut voter un contingent additionnel pour finir l’année. Il s’agit donc d’une véritable gestion des ressources locales.

Réintroduire une protection

Les contingents de volume ont été interdits par l’OMC en 1994 et remplacés par des contingents tarifaires. Depuis, la production indigène de vin ne fait que perdre des parts de marché. Baisser encore les quotas de production ou arracher des vignes ne sont pas des solutions positives et durables. La production de vin suisse ne couvre que le tiers de la consommation, il n’y a aucune raison d’arracher des plants.

Pour garder une production viticole de qualité, il faut réintroduire une protection efficace à la frontière, par le biais des contingents de volume. Pour ce faire, la Suisse devra rediscuter les termes de l’Accord sur l’agriculture avec l’OMC et ses pays membres.

Passer à l’action

En attendant, une première mesure est applicable rapidement, puisque de la compétence directe du Conseil fédéral: octroyer les droits d’importation uniquement aux marchands qui font l’effort de commercialiser des vins suisses. C’est l’alinéa b de l’article22 de la loi sur l’agriculture.

Cette mesure a déjà été introduite par le Conseil fédéral pour le secteur de la viande en 2014 et nous demandons qu’elle soit appliquée au vin. Nos autorités fédérales affichent sans cesse leur volonté de soutenir les circuits courts, la proximité, la limitation des transports, le maintien de savoir-faire, l’entretien du paysage,etc. Arrêtons avec les discours et passons à l’action!

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