Du champ à l'assiette: depuis quarante ans, l'école à la ferme montre le chemin
En ce matin d’automne, le thermomètre indique -1°C. Un pâle soleil tente de faire fondre le givre qui habille les champs de Nicolas Boudry, à Écoteaux (VD). Deux silhouettes bien emmitouflées remontent le chemin: Sophie, sa femme, et Émilie Mettraux, qui la seconde, vont accueillir les enfants à l’arrêt de bus.
Voilà justement le véhicule qui fait halte. Une vingtaine de gamins en dégringole. Il s’agit de la classe de 1 et 2P de Francisca Maulen Cabrera, du collège du Clos à Vevey.
La vache meugle, vrai ou faux?
Anne Giavina, la doyenne, accompagne cette sortie qui a lieu dans le cadre de l’école à la ferme. Le concept fête ses 40 ans cette année et vise à donner aux élèves de Suisse romande des clés pour comprendre comment nos aliments passent du champ à l’assiette. En rangs, la petite troupe se met en route sur le chemin verglacé. En toile de fond, de majestueux sapins lovés dans la brume, les épines encore tout ébouriffées de cristaux. «On est au paradis!» s’écrie l’un des enfants. Pas une voix ne s’élève pour le contredire.
Sophie, qui travaille à la ferme avec son mari depuis la naissance de son aînée il y a huit ans, guide la petite troupe jusqu’à l’étable. Cette classe en est à sa deuxième visite – il y en a une prévue par saison. Après avoir résumé les règles de conduite, elle entre dans le vif du sujet en testant les connaissances de son audience: «Le cri de la vache s’appelle le meuglement! Vrai – avec moi – faux – avec Émilie!»
Direction l’étable
Elle encourage les hésitants et rappelle gentiment, mais fermement à l’ordre ceux qui tentent de chahuter. Accueillant près de mille enfants chaque année, elle n’est pas du genre à se laisser déborder! Mais c’est surtout une mère de deux enfants qui aime son métier d’agricultrice et a à cœur de transmettre cette passion.
Lorsque ma fille est arrivée, j’ai eu envie de permettre à des élèves de développer un lien avec la nature.
Au fil des questions, l’agitation retombe, et c’est une classe presque muette qui pénètre dans l’étable où s’alignent les vaches. Là, on entre dans le vif du sujet puisqu’il s’agit d’apprendre à s’approcher des animaux sans les effrayer. «C’est comme les gens, certains adorent les câlins et d’autres pas», relève Sophie. Des volontaires? Isis se lance, caresse l’une des vaches qui semble apprécier l’exercice. Ses camarades la regardent faire. Francisca, la maîtresse, vient en renfort et avec son aide, Maline ose approcher sa main d’une fourrure caramel.
Tout savoir sur la traite
Puis la classe se scinde en deux. Un groupe part en coulisses, direction la trayeuse. L’appareil intrigue. «Attention, il fait un bruit d’aspirateur!» lance l’agricultrice avant d’enclencher l’engin. On se bouche les oreilles en rigolant. Quelqu’un sait-il quand la traite a lieu? Et combien de fois par semaine?
«Pendant la nuit?» s’avance Ryan. Plusieurs de ses camarades sont convaincus qu’on ne s’en sert qu’un jour sur deux! Sophie rectifie, puis les laisse manipuler la machine avant de les emmener vers le tank à lait: «On le récupère ici, puis on l’envoie à la laiterie d’Écoteaux chez Bénédict qui le transforme en gruyère.» Tout le monde sort pour goûter au liquide blanc. Il a ses fans, comme Kaïs, qui en est à son troisième service. D’autres abandonnent plus ou moins discrètement leur verre.
Quiz et tartines
Histoire de se réchauffer, mais aussi, comme à chaque visite, de fabriquer un produit en lien avec le thème du jour, Émilie apporte des bocaux remplis de crème. Ceux-ci passent de main en main. À chacun de les secouer assez vigoureusement pour que leur contenu épaississe et se transforme en beurre. Les élèves sautent sur place, s’encouragent, enseignantes et animatrices mettent la main à la pâte, mais rien n’y fait, la température est trop basse. «On finira tout à l’heure à l’intérieur, vous verrez, ça marchera en cinq minutes», promet Sophie.
Et de ramener la petite troupe dans l’étable. Au moyen d’un quiz, Émilie propose aux enfants de faire plus ample connaissance avec les habitants des lieux. Ce qu’ils mangent, ce qu’ils produisent, leur morphologie, tout y passe – même les adultes glanent quelques informations au passage! La matinée s’achève avec une visite aux veaux. Cette fois, Maline n’hésite pas une seconde à faire un câlin à Espelette, blotti au chaud dans la paille au fond du box. Midi sonne, c’est l’heure de la pause et le moment de finir de baratter le beurre! Les enfants auront bien mérité leurs tartines.
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