Reportage
Un paradis écologique et didactique au cœur d’Yverdon

L’association nord-vaudoise Cœur d’artichaut s’est donné comme but de faire découvrir aux plus jeunes
les trésors de la nature et du travail de la terre. Une idée séduisante, notamment pour les écoles de la région.

Un paradis écologique et didactique au cœur d’Yverdon

Rucher, arbres fruitiers, étang: aux Jardins du cœur, à Yverdon-les-Bains (VD), il y a toujours quelque chose à voir. Même lors d’un matin pluvieux de novembre. Et ce ne sont pas les dix-sept élèves de la classe de Mylène Robert qui diront le contraire. Entre les tapis de feuilles mortes et les parterres de fleurs plus tenaces, leurs cirés et bottes colorées apportent la touche finale à un bien joli tableau. Ces enfants âgés de 4 à 5 ans participent à un projet de sensibilisation au jardinage et à la nature organisé par Cœur d’artichaut, association sœur des Cartons et Jardins du Cœur dans le chef-lieu du Nord vaudois.

Accueillir tous ces bambins au fil des saisons, ça s’organise. Bien avant leur arrivée, Anne Steudler avait d’ailleurs déjà les mains dans la terre depuis un moment. Éducatrice de l’enfance, elle est engagée par Cœur d’artichaut pour animer ces ateliers destinés aux écoles de la région. «Nous sommes chanceux de pouvoir le faire ici. Nous avons à disposition une partie potager ainsi qu’une ligne d’aromatiques et le bac des menthes, juste là-bas, signale-t-elle, au moment de mettre en place les activités du jour. Nous faisons aussi participer les professeurs en leur préparant un atelier clés en main adapté à ce que la nature propose. Aujourd’hui, il s’agira de reconnaître des arbres et des feuilles avec la maîtresse. Avec moi, ils enfileront leurs gants de jardinier!» C’est que ce site unique permet un large panel d’activités. «Souvent, les enseignants s’occupent de la partie biodiversité, dans la zone écologique ou le biotope près de l’étang. Avec Cœur d’artichaut, c’est plutôt lié au potager.»

Enseignement et partage
Il est 9 h 30 lorsque les élèves font leur grande arrivée. Assis sur les murs de pierre près de la place de jeu, ils prennent tout d’abord une collation. Car travailler la terre n’est pas de tout repos! Anne Steudler profite de ce moment afin d’expliquer à l’enseignante le déroulement de la matinée. «Voilà ton matériel. Il y a des photographies d’arbres qu’il s’agit de retrouver dans la zone écologique.»

Rapidement, la classe se divise en deux. Avec Anne Steudler, on apprend ce qu’est un bulbe, avant d’en planter. «Qu’est-ce ce que c’est que ça?» demande l’animatrice, qui en tient un dans sa main. «Un oignon?» propose un bambin, pendant que ses camarades, munis de petits sacs à récolte, sont avec la maîtresse. Celle-ci est d’ailleurs convaincue du bienfait de ces instants au jardin: «Ces ateliers, c’est du concret. Ils permettent aux enfants de découvrir à travers leurs cinq sens que la nature et les animaux sont partout, même en ville. Ils voient également d’où viennent les produits frais que nous consommons; ils ont parfois l’opportunité d’en goûter sur place.» Aujourd’hui, les plus courageux peuvent croquer dans la piquante fleur de capucine.

Parmi les élèves, le plaisir est bel et bien au rendez-vous. Esteban conduit la brouette que Maria, tout sourire, se charge de parquer. Après une heure et demie, l’activité touche à sa fin. Ce que la fillette a le plus aimé faire aujourd’hui a été de mettre les bulbes en terre. Lana et Ema ont en revanche préféré ramasser les feuilles pour pailler la plantation, qu’elles verront éclore au printemps. Mylène Robert est aussi satisfaite: «Des dessins à la création d’un album numérique en passant par l’étude du plan du jardin, les possibilités d’approfondissement sont multiples», dit-elle, heureuse de figurer parmi les douze classes sélectionnées pour ce programme. En effet, ce projet en partie financé par le Service de la culture et durabilité d’Yverdon-les-Bains et la fondation Éducation 21 a connu un franc succès, avec près de quarante enseignants intéressés.

D’autres initiatives
Pour ceux qui n’auraient pas la chance d’avoir un tel site à proximité ou un potager scolaire, il existe des sorties plus ponctuelles, comme celles organisées par Jardin Suisse dans le cadre de leur projet «L’école au jardin», qui propose des visites chez des professionnels de la branche dans tout le pays. «En fournissant du matériel pédagogique tant aux classes qu’aux entrepreneurs concernés, le but est de mettre en relation les métiers de la branche verte avec le monde de l’enseignement», relève Olivier Mark, président de Jardin Suisse. Enfin, des alternatives existent aussi dans le cadre privé (lire l’encadré ci-contre).

Pendant ce temps, du côté des chanceux élèves yverdonnois, il est temps de se dire au revoir. «Quand vous reviendrez en février, le jardin sera tout endormi, vous verrez!» lance Anne Steudler avec entrain.

+ d’infos www.coeur-artichaut.ch

Texte(s): Muriel Bornet
Photo(s): Thierry Porchet/ DR

Un lieu unique

Au départ, les récoltes de ce potager collectif qui existe depuis près de vingt ans étaient destinées aux bénéficiaires de l’association des Jardins et Cartons du cœur, qui lutte contre la précarité. Depuis que celle-ci récolte les invendus en magasin, la production de légumes frais s’est avérée moins nécessaire. «En parallèle, l’intérêt pour une offre pédagogique et didactique allait grandissant, explique Jean-Pierre Masclet, responsable des Jardins et Cartons du Cœur. C’est ce qui a donné naissance à Cœur d’artichaut en 2020, et inspiré l’aménagement actuel avec l’écodôme, le rucher, la zone loisirs et tous ces espaces qui font de cet endroit un site socioécologique d’exception!»

Questions à...

Susan Wakeman, responsable romande du projet Jardins Découvertes de Bioterra

Ces projets rencontrent-ils du succès?
Concernant les privés, je suis contente, même si je pourrais suivre cinq jardins de plus. Les gens peinent à trouver un terrain. Côté école, j’ai récemment été approchée par la HEP Fribourg pour une formation continue auprès des enseignants. Les vingt places sont toutes prises!

Quelle est la mission de votre organisation?
Nous encourageons les cours de jardinage destinés aux enfants dans toute la Suisse. Pour ce faire, nous formons les adultes selon deux pôles: loisirs, pour toute personne qui aurait un terrain à disposition et souhaiterait lancer l’activité dans sa région, et école, en soutien aux jardins scolaires.

Mais en quoi le jardin est-il un lieu d’apprentissage privilégié?
Il s’agit d’un endroit de découvertes par excellence. Certains enfants y sont guidés par leurs sens, d’autres ont un regard plus scientifique en se passionnant pour les petites bêtes et leurs interactions, et d’autres encore sont attirés par l’esthétique, le design de la parcelle. De plus, c’est une activité très honnête, car on en retire ce que l’on investit. Selon qu’on a négligé ou bien soigné la terre, on le verra dans le résultat, ce qui est très responsabilisant.