Particulière, la pêche de vigne s’épanouit à Genève

Ce petit fruit à noyau, autrefois abondant, s’avère aujourd’hui difficile à dénicher. On le trouve dans le verger d’Amélia et Aloys Baudet, à Collonge-Bellerive (GE), bien que cette année ne soit pas des plus fructueuses.
7 septembre 2023 Muriel Bornet
© Nicolas Righetti/Lundi 13

Elle se tient loin des rayons de supermarché. Et pousse surtout chez des particuliers. Inscrite dans le registre de ProSpecieRara depuis 2009, la pêche de vigne reste relativement méconnue.

Au domaine de Cherre, à Collonge-Bellerive (GE), Aloys Baudet fait partie des rares producteurs qui la cultivent. «Nous avons entre 600 et 700 arbres, tous plantés en franc de pied, c’est-à-dire de noyau en noyau. Aucun pêcher n’a été greffé.»

Une part de mystère

Ce verger familial, imaginé par un oncle de son propre oncle, est passé de génération en génération jusqu’à Aloys. «Il s’agit d’une histoire de neveux», lâche sa femme Amélia, arboricultrice, avec un sourire. Lorsque son mari a repris le domaine, il ne pensait pas forcément continuer avec cette culture, mais l’engouement des gens pour ce petit fruit à la peau duveteuse l’a convaincu: «Il plaît beaucoup, explique-t-il. C’est sûrement dû à son arôme particulier. Il est moins sucré qu’une pêche traditionnelle et plus parfumé.»

Le référencement des multiples variétés de pêche de vigne n’est pas très développé. De son côté, ProSpecieRara en compte huitante, dont les propriétés ne sont que peu connues. Au domaine de Cherre, ce sont des fruits à la chair blanche aux reflets violacés qui s’épanouissent. «Il y a sûrement quelques dénominations précises dans des pépinières spécialisées, mais comme ce verger a été semé en franc de pied il y a plusieurs dizaines d’années maintenant, même si on constate bien qu’on en a des différentes, on ne sait ni combien, ni leurs noms. Et on ne le saura sans doute jamais…» lance Amélia.

En vente directe

Aloys et Amélia les distinguent entre autres par leur calibre, leur couleur et leur précocité. Ce dernier critère n’est pas anodin: les fruitiers ayant été disposés à l’époque un peu au hasard, les variétés sont mélangées et cela oblige les producteurs à passer tout le verger au crible, à chaque récolte. Le couple, qui souhaite en replanter, est particulièrement attentif à cet aspect: «Nous avons marqué les arbres selon leur précocité, afin de les greffer plus stratégiquement sur la parcelle voisine», explique Aloys.

«Ici, on dit que les pêches de vigne sont prêtes autour de la rentrée scolaire, donc durant la deuxième quinzaine d’août, voire un peu plus tard, ajoute Amélia Baudet. Et on les cueille pendant deux semaines, trois les bonnes années.» Malheureusement, cette saison n’est guère généreuse, complète son mari: «On ne dépassera sans doute pas 15 à 20% d’une récolte habituelle.»

Les producteurs

C’est en fin de formation, à 19 ans seulement, qu’Aloys Baudet succède à son oncle et reprend les rênes du domaine de Cherre, une exploitation vitiagricole de 50 hectares, dont huit de vignes et un de fruitiers, le reste étant majoritairement consacré à la culture de céréales. «Il s’agissait d’une trop belle occasion pour la laisser passer», affirme-t-il. Situé sur la commune de Collonge-Bellerive, dans la campagne genevoise, ce domaine ancestral s’étend non loin des eaux bleues du Léman. La femme d’Aloys, Amélia, l’a rejoint dans l’aventure et a terminé sa formation d’arboricultrice il y a deux ans maintenant.

Météo difficile

Il est vrai qu’il ne reste plus grand-chose sur les pêchers, la période de floraison s’étant déroulée sous une météo difficile. Toutefois, les arboriculteurs demeurent fidèles au poste: chaque jour, aidés par leur famille, Aloys et Amélia se rendent sur place.

Le matin, c’est la cueillette, puis les fruits sont triés et vendus directement sur le site. «C’est une chance d’avoir notre cabane au verger. Les gens voient que les pêches viennent d’ici. Mais de ne pas pouvoir contenter tout le monde cette année est un crève-cœur», confie la jeune femme. «Normalement, on en vend sur le pré jusqu’à 18 h. Là, on finit à midi», relève son mari.

Valorisée sous toutes ses formes

L’étape du tri s’avère primordiale. Comme beaucoup de variétés à noyau, la pêche de vigne est délicate et se marque facilement. Prudence donc lors de la récolte! Les moins jolies sont écartées, une partie finit entre les mains d’amateurs de confiture, l’autre sert à faire du nectar. «On fabrique environ 300 litres avec 500 kg, détaille Aloys. C’est une belle manière de valoriser le produit. C’est dommage, mais cette saison, on va devoir faire sans.» Quant aux fruits de troisième choix, ils sont destinés à la distillerie de Saconnex-d’Arve.

Et si vous souhaitez anticiper pour l’an prochain, voici quelques conseils. Comme la pêche de vigne se conserve peu, elle est souvent transformée, bien qu’il soit possible de la manger à la main. Tartes, compotes… tout est possible. «Nous l’avons même déclinée en sorbet, c’était très concluant!» confie Amélia. Aloys, lui, a un petit faible pour les pêches au sirop! Ou au rhum, selon l’envie…

Détrônée par la viticulture intensive

Selon ProSpecieRara, la pêche de vigne existe chez nous depuis la fin du Moyen Âge. Comme son nom l’indique, on la trouvait autrefois en abondance parmi les ceps. En raison de sa très belle floraison rose au printemps, qui embellissait vignobles et jardins, et sa fructification tardive, elle a toujours été appréciée comme culture compagne du raisin. De plus, sensible à certains parasites comme l’oïdium, elle servait d’indicateur, permettant au vigneron de le traiter avant qu’il ne se répande. Comme une grande partie de la flore des vignobles, celle-ci a quasiment disparu avec l’intensification de la viticulture au XXe siècle, déplore la fondation.

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