Malgré les réticences, la transparence sur les marges fait une percée à Berne
C’est une petite victoire pour les défenseurs de la transparence des prix. Un vote au conseil des États le 25 septembre dernier a fait avancer le principe d’observation des marges d’un pas significatif, en l’acceptant avec 21 voix contre 18.
«Ce n’est qu’une victoire d’étape», admet Laurianne Altwegg, responsable agriculture au sein de la Fédération romande des consommateurs. «Mais c’est une première reconnaissance du besoin de transparence au niveau de la formation des prix. Et c’est ce qui pourrait permettre, à terme, d’avoir un rééquilibrage des forces du marché, et des prix plus justes, autant pour les producteurs que pour les consommateurs.»
Deux pavés dans la mare
Cela faisait déjà trois ans que le sujet avait été mis sur la table par deux enquêtes de la Fédération romande des consommateurs (FRC). La première, en juin 2022, détaillait les marges que s’octroient les distributeurs de produits laitiers par rapport au prix d’achat chez le producteur, et ses résultats avaient fait froid dans le dos à beaucoup de lecteurs: les marges brutes des géants Coop et Migros oscillent entre 30% et 40%. Une deuxième enquête, quelques mois plus tard, s’intéressait aux marges dans le maraîchage.
À la même période, une initiative parlementaire était déposée à Berne pour la création d’un observatoire des prix et des marges dans l’agroalimentaire. D’abord plébiscitée au Conseil national, elle était largement refusée par la Commission de l’économie et des redevances du Conseil des États, avant d’être finalement sauvée par la demande d’entrée en matière de la conseillère d’État verte Maya Graf.
Acceptée par le Conseil des États
Finalement acceptée par le Conseil des États, l’initiative peut désormais continuer son parcours. Un soulagement pour la FRC, qui suit forcément l’affaire avec intérêt. «L’alliance entre les milieux paysans, les consommateurs et les organisations agricoles a permis de montrer aux sénateurs l’ampleur des attentes sur ce sujet», explique Laurianne Altwegg. «Cela a certainement largement contribué à faire passer de justesse cet objet au Conseil des États. Mais ce n’était pas du tout gagné d’avance.»
À terme, les consommateurs seraient donc gagnants, mais pas seulement. Car si les prix augmentent pour eux, ce n’est pas le cas du prix d’achat aux producteurs. «La transparence peut clairement donner aux agriculteurs de nouveaux leviers pour permettre de négocier des prix plus justes. À partir du moment où on met en lumière des pratiques difficilement défendables du point de vue de certains acteurs de la filière, on permet de renégocier les prix d’achat de manière plus équitable.
Pas de loi alibi
Ce n’est bien sûr qu’une partie de la solution: il faudra d’autres mesures pour régler le problème dans toutes les filières. D’autant que chacune est complexe, a ses caractéristiques propres et nécessite des méthodologies particulières. Les résultats ne seront peut-être pas uniformes pour toutes.» Mais la responsable agriculture à la FRC est formelle: la transparence, c’est l’introduction à de meilleures conditions de vente pour les agriculteurs.
Dorénavant, un projet d’acte législatif sera soumis à la commission du Conseil national. Il définira la forme que doit prendre cet observatoire, ainsi que les méthodes qu’il utilisera. «Il faudra qu’il soit assez ambitieux pour répondre à nos attentes», prévient Laurianne Altwegg. «Nous serons extrêmement attentifs parce qu’on ne veut pas d’une loi alibi. Actuellement, si un observatoire existe déjà, il ne permet pas la transparence attendue.» Une fois élaboré, il restera à convaincre, une fois encore, les sénateurs de sa nécessité.